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L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

L'Ubérisation

On entend par ubérisation d'une entreprise son développement selon le modèle d'Uber.

Suite et fin
Uber, c'est cette jeune start-up californienne, née en 2008, qui a développé une certaine application mobile, aujourd'hui utilisée dans plus de 260 villes du monde et grâce à laquelle, en l'espace de quelques années (en 2015) la start-up se trouve valorisée à 50 milliards de dollars US.
L'idée est simple, l'application est simple, seulement «il fallait y penser» comme on a l'habitude de dire chaque fois devant une grande découverte. C'est une application qui permet de mettre en relations des chauffeurs et des clients. Lorsqu'un individu a besoin de se déplacer en voiture, il utilise l'application et cette dernière le met en relation avec le chauffeur le plus proche. Non seulement, en quelques minutes, il a son VTC (véhicule de transport avec chauffeur), mais aussi à un prix inférieur à celui des taxis.
Un autre exemple marquant de l'ubérisation est Airbnb, une autre start-up californienne qui se présente comme intermédiaire dans le secteur de l'hébergement et qui s'est développée exactement sur le modèle d'affaires d'Uber. En «quatre ans seulement après sa création, Airbnb propose plus de 300.000 logements répartis dans 40.000 villes et 192 pays». (1) Là aussi, les fondateurs de l'entreprise ont mis en place une application qui permet de mettre en relation des particuliers qui cherchent des nuitées et des particuliers qui offrent des nuitées (des appartements, des chambres, des bungalows, etc...) et de répondre à la demande à des prix beaucoup moins chers que ceux des hôtels.
Le développement de l'application n'est cependant que le commencement car tout le génie de Travis Kalanick et Garrett Camp, les fondateurs d'Uber et de Brian Chesky et Joe Gebbia, fondateurs d'Airbnb, a consisté non pas en la création de l'application mobile, mais dans la manière d'en tirer profit.

Entreprises intermédiaires
Pour mieux comprendre, faisons un petit rappel économique. De tous temps l'entreprise a été synonyme de propriétaire(s) et de salariés. Le premier se charge de ramener les capitaux et les moyens de production alors que les seconds apportent leur force de travail et leur savoir-faire. Ensuite, la valeur créée est répartie entre les différents facteurs de production (2): en gros on peut dire qu'à la force de travail et au savoir-faire revient le salaire. Aux moyens de production, les amortissements. Au capital, les dividendes et/ou les intérêts et à l'organisation, le profit.
Travis Kalanick et Garrett Camp ont réfléchi autrement. Ils ont voulu changer le modèle existant en n'apportant ni capitaux ni moyens de production, mais une application et seulement une application. En pratique cela se passe à peu près comme suit: les personnes possédant un véhicule qui veulent travailler avec Uber s'abonnent à l'application et signent un contrat avec la start-up. Cette dernière leur assure la clientèle car dès qu'un client (qui aurait téléchargé l'application gratuite d'Uber) se manifeste, il est mis en relation avec l'un de ces chauffeurs (le plus proche ou celui qui est disponible). Le prix de la course est défini par Uber de manière à être inférieur à celui des taxis et, en contrepartie de ce travail «d'organisation», Uber prélève une taxe sur chaque course. Au début cette taxe était de 10%, puis 15% et ensuite elle est passée à 20%, ce qui a donné lieu aux grèves des VTC en France en fin d'année 2016.
La même démarche est suivie par Airbnb qui ne construit ni hôtels ni appartements ni bungalow. Cette entreprise «dispose» des biens immobiliers de ceux qui veulent louer pour une période leurs biens. Elle met en relation les clients avec les propriétaires et perçoit une commission. En effet, «Airbnb prélève 3% de commission sur le loyer perçu par les propriétaires, et de 6 à 12% auprès des locataires»(3).
Si l'on regarde de près, on constate qu'Uber et Airbnb n'ont apporté que l'application alors que les chauffeurs et les propriétaires immobiliers ont apporté les moyens de production: (c'est-à-dire le véhicule ou l'immobilier), le travail (leur force de travail et leur savoir-faire), en plus d'une partie des capitaux (assurance du véhicule, assurance de l'habitation, etc.). Cette manière de procéder, tout à fait nouvelle, met tout le monde devant une réalité qu'ils ne connaissaient pas.
En ce qui la concerne, l'entreprise ne ressemble en rien à ce qu'on connaît jusque-là de l'entreprise. En effet, on est dans une entreprise sans moyens de production et sans salariés, chose tout à fait impensable avant Uber. En plus, pensée et organisée de cette manière, l'entreprise n'est plus limitée ni sur le plan organisationnel ni sur celui juridique à un secteur ou à un métier donné car n'ayant ni moyens de production ni savoir-faire particulier à faire valoir. Uber est-elle une entreprise de transport? Airbnb est-elle une entreprise d'hébergement? Rien ne le dit. Elles sont tout juste des entreprises intermédiaires dans le domaine du transport pour l'une et dans celui de l'hébergement pour l'autre. Cette qualité «d'intermédiaire» leur ôte plusieurs caractéristiques des entreprises traditionnelles. Elle leur évite plusieurs responsabilités et charges aussi, comme on le verra plus loin. Uber peut, avec la même organisation, être tout aussi une entreprise intermédiaire dans les transports (ce qu'elle est) ou dans la livraison à domicile (ce qu'elle est aussi sous le nom d'Uber eats pour la livraison de nourriture et sous le nom d'Uber rush pour les autres livraisons) ou dans d'autres secteurs. Il suffit juste de changer d'application. Il y va de même d'Airbnb ou de toute autre entreprise qui suit le même modèle de développement.
Ni Uber ni Airbnb ne versent des salaires aux chauffeurs ou aux propriétaires immobiliers. Les deux entreprises ne possèdent pas de moyens de production et, en plus, cela les dispense de plusieurs charges (comme les charges patronales, par exemple), de certains impôts (ce sont les chauffeurs et les propriétaires immobiliers qui versent les impôts relatifs à leur chiffre d'affaires car ce sont eux qui déclarent ce chiffre d'affaires pas Uber ou Airbnb qui, rappelons-le, n'apparaissent pas comme entreprise de transport ou d'hébergement). Des entreprises «tout bénéf» pourrait-on dire.

L'ubérisation pose beaucoup de problèmes
Les chauffeurs (dans le cas d'Uber), tout comme les propriétaires immobiliers (dans le cas d'Airbnb) se trouvent dans une situation de travailleurs indépendants, mais «pas tout à fait indépendants» car, en réalité, ils dépendent de l'application pour laquelle ils reversent une partie de leur chiffre d'affaires à la start-up. Ces chauffeurs et ces propriétaires immobiliers font face aussi à un autre problème plus important, ils n'ont pas de couverture maladie ni de retraite car Uber et Airbnb, qui ne les regarde pas comme salariés, ne versent pas de charges patronales et ne participent ni à leur retraite ni à leur assurance maladie. Ceci pose un sérieux problème aux concernés, mais pas seulement car l'Etat, qui se doit de veiller au bien de tous, est tout aussi concerné par cette situation.
L'ubérisation pose aussi des problèmes aux Etats. D'un côté, les entreprises ne sont pas des entreprises au sens traditionnel et cela pose le problème de leur imposition. D'un autre côté, elles n'ont pas de salariés et ne participent donc pas à la redistribution des revenus. Et, enfin, elles ne contribuent pas à la sécurité sociale et à la retraite de ceux qui travaillent pour elles, poussant les gouvernements à chercher des solutions appropriées d'autant plus que les chauffeurs de VTC, tout comme les propriétaires qui font de la location par le biais d'Airbnb, ne sont pas des professionnels et, de ce fait, ne sont pas assujettis au même régime fiscal que les professionnels (taxieurs et hôtels).
Devant ce chamboulement des règles dans le monde du travail, l'Organisation internationale du travail (OIT) insiste, dans son rapport daté de novembre 2016, sur le fait qu'il est «nécessaire d'améliorer la qualité des emplois atypiques par des réformes au niveau réglementaire» (4)
Par ailleurs, l'ubérisation soulève un autre problème des plus épineux. En mettant sur le marché une offre des particuliers à un prix réduit (les prix sur Airbnb, par exemple sont «de deux à quatre fois moins élevés que ceux d'un hôtel» (5), alors que le prix d'une course en VTC Uber revient deux fois moins cher qu'en taxi (6), l'ubérisation met ces derniers en concurrence directe avec les professionnels (chauffeurs de taxis, hôteliers,...) et ceci a plusieurs implications.
D'abord, les activités ubérisées (transport de particulier, hébergement,...) ont cessé d'être un monopole des professionnels (chauffeurs de taxis, hôtels...). En effet, si on prend l'exemple de Paris, en quatre ans il y a eu l'arrivée de 9000 VTC pour 18.000 taxis, soit le tiers du marché qui n'est donc plus de l'apanage des seuls professionnels. Pour la même ville, il est intéressant d'observer aussi que l'hébergement par le biais d'Airbnb a connu une croissance fulgurante puisque, de 50 annonces en 2010 Paris est passée à plus de 40.000 annonces en 2015 (7).
Ensuite, à ce rythme et à cause de ladite «concurrence déloyale» à cause des prix cassés, il pourrait y avoir un risque sérieux de disparition du métier de taxieur. Ceci explique pourquoi les taxieurs ont organisé plusieurs grèves contre Uber dans les grandes villes, un peu partout dans le monde. La même inquiétude frappe le secteur de l'hôtellerie dans lequel des acteurs se sont organisés pour, dit-on, mener une contre-attaque d'Airbnb.
Ce qu'il y a lieu de retenir c'est que l'ubérisation détruit effectivement des emplois. Elle élimine certes des métiers. Mais il est utile de mentionner que, parallèlement, cette même ubérisation crée un plus grand nombre d'emplois et permet l'apparition de nouveaux métiers. Pour ne citer que le secteur des taxis en France, rappelons que «en août 2016, on comptait 14.404 créations d'entreprises de VTC sur un an, et 746 destructions d'emplois chez les taxis. Ce qui représente 12.218 créations d'emplois réels (en considérant que 80% des chauffeurs VTC exercent cette activité à temps plein et 20% à mi-temps) en France». (8)
Enfin, cela apporte un changement très significatif dans le comportement des consommateurs. En effet, et pour rester dans l'exemple du transport, le fait que des propriétaires de véhicules puissent utiliser ces derniers pour transporter d'autres individus est une révolution dans la consommation, car les consommateurs n'achètent plus des véhicules uniquement pour en jouir, mais aussi désormais pour les utiliser à des fins marchandes en les partageant avec autrui. En d'autres termes, désormais l'usage des biens est mis en avant dans la consommation alors que, jusque-là, c'est leur possession qui a prévalu. Ceci permet de profiter pleinement de sa propriété
Il faut noter, enfin, que ce modèle est en réalité un modèle inventé par Steve Jobs le feu patron d'Apple. C'est lui qui, le premier, ayant mis en application ce modèle avec Apple Store, avait introduit la notion d'écosystème dans lequel la surtraitance apparaît comme la caractéristique principale. Mais cela est déjà autre chose sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour.
Les plateformes ont envahi les secteurs d'activités et, apparemment, il n'y a pratiquement pas de raison pour qu'elles ne se généralisent pas à tous les secteurs. L'enseignement, les loisirs, l'hôtellerie, la restauration, les transports, l'agriculture, les banques, etc., nombreux sont les secteurs qui ont vu venir et ont été secoués par cette vague si puissante qu'elle a bousculé le modèle traditionnel de l'entreprise et de l'activité économique. Où nous mène l'ubérisation? On verra bien un jour! A. H (fin)

Pour aller plus loin:
Voir la revue trimestrielle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes http://www.arcep.fr/uploads /tx_gspublication/Cahiers_ARCEP_08_L.pdf
Face aux «barbares» du Net, les hôtels contre-attaquent 16/08/2015 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/tourisme-loisirs/face-aux-barbares-du-net-les-hotels-contre-attaquent-491969.html
A. H.

Références
1. http://www.capital.fr/enquetes/hommes-et-affaires/le-patron-d-airbnb-fait-de-l-or-avec-votre-appart-856432
2.Notre papier ne visant que la vulgarisation, on n'entre pas ici dans les discussions des différentes théories (classique, Marxiste, libérale...) de la répartition avec ce qu'elles sous-tendent comme théories d'exploitation ou autre. On se contente de signaler juste qu'il y a répartition entre les différents contributeurs à la création de valeur.
3.http://www.capital.fr/enquetes/hommes-et-affaires/le-patron-d-airbnb-fait-de-l-or-avec-votre-appart-856432
4.http://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_534326/lang-en/index.htm
5.http://www.capital.fr/enquetes/hommes-et-affaires/le-patron-d-airbnb-fait-de-l-or-avec-votre-appart-856432
6.http://www.ladepeche.fr/article/2014/09/18/1954052-uber-100-000-e-amende-requis-loi-preparation.html
7.http://www.huffingtonpost.fr/2015/02/2 6/paris-capitale-mondiale-tourisme-airbnb-voyage_n_6759854.html
8.http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/12/13/97002-20161213FILWWW00209-l-uberisation-de-l-economie-cree-des-emplois.php

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