Le fruit pourri d’une cylindrée
L’affaire du jour met en scène un footballeur de renom en déclin. Il s’agit du jeune arrière droit offensif, qui se trouve aujourd’hui, sur la … défensive, à cause de … l’escroquerie.
Ce talentueux, mais frêle défenseur a été victime d’un ami avec qui, selon son conseil, a soulevé un boucan lors de sa plaidoirie. L’intervention de l’avocat était si bien étoffée, que l’assistance l’avait suivie presque, religieusement. Il avait noué avec lui des liens si solides que l’arrière droit lui vouait à son tour une confiance aveugle. D’ailleurs, l’escroquerie a pris naissance dès que la confiance fut établie entre les deux supposés amis. Or, ce délit qui est prévu et puni par l’article 372 du code pénal est sévèrement combattu par la loi !
Les faits sont simples, mais graves car ledit joueur avait vu la cylindrée et bavé plus que longtemps, pour l’acquérir. Cette voiture de luxe valait bien un sacrifice de deux mois et demi de salaire, c’était bon à dépenser ! Il réalisa l’affaire, paya cash le montant et ce, en présence de quatre témoins, avec ceci de particulier : la voiture était à crédit. Il fallait donc, payer le reste du dû et après, nous verrons…
L’attente fut longue et selon les quatre témoins ramenés à la barre par la victime, Akli. F. l’inculpé voulait depuis le début rouler dans la farine, son pourtant copain, et surtout, ami, il avait tout partagé : des sorties le soir après les matchs, aux copieux repas dans les coins les plus remarqués de la ville. Selon le témoignage de Nasredine T. Ali. K. a préparé l’escroquerie et n’avait jamais eu l’intention de remettre l’auto à Amir. Le second témoin, Islam. B. affirmera qu’il a été chargé par la victime d’arbitrer ce malentendu, mais rien n’y fit.
Les émissaires envoyés par le footballeur, n’avaient pu remettre le copain sur le droit chemin ! Les témoignages sont unanimes : «Il s’agit d’une escroquerie qui dit son nom !» Jugez-plutôt : «Ali. W. m’a dit sa détermination d’aller jusqu’au bout de son rêve : avoir le beurre et l’argent du beurre, i-e, prendre la voiture et les deux cent millions de dinars remis devant nous, à titre d’avance.
Durant les six mois d’attente et d’espérances, il a eu le temps de changer les papiers de l’ancien- moudjahid, propriétaire de l’auto, en son nom alors qu’ Ali, mis en confiance par l’ami, laissait arriver l’espoir de s’emparer définitivement du bolide. Et puis voilà que le mauvais tour marcha et que la future victime, venait alors d’être grugée par son pseudo-ami !» Il y a de quoi s’arracher les cheveux, qu’évoquer cette escroquerie ! Le défenseur de la victime s’était accroché fermement à l’article 372 du code pénal, «qui est d’une sévérité sans égal, puisque le législateur avait poussé la coquetterie d’assimiler l’escroquerie à l’émission de chèque sans provision.
De plus, cet article évoque les manœuvres frauduleuses, des fausses entreprises, de crédit imaginaire, ou pour en faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, etc. … et l’avocate de titiller la crainte de l’inculpé en soulignant que »le code pénal a prévu de punir l’auteur de l’escroquerie d’un an au moins et de cinq ans au plus, sans oublier l’amende qui peut aller de cinq cents à vingt mille dinars.» Avant d’achever son admirable intervention, le plaideur avait d’ abord réclamé des dommages et intérêts, d’une valeur de vingt- cinq mille deux cent mille dinars, après avoir rappelé que»le juge d’instruction a éloigné à la dernière minute, le second délit, l’abus de confiance, sinon, cela aurait eu une autre tournure, et le risque d’une condamnation plus lourde.
Remarquez qu’ici, il y a le mot «sinon» ; c’est-à dire que la marque de l’instruction, n’a pas lieu d’être. Évidemment, le conditionnel est proscrit en justice. Quand on avance quelque truc de bizarre, c’est du concret !» Contrairement à l’avocate, le défenseur de l’inculpé s’est, quant à lui, limité au brandissement du double des clés de la cylindrée pour arriver à un raccourci facile.
Suivons le raisonnement du plaideur : «Ce malentendu ne peut aboutir au pénal car la présence du double des clés de l’auto signifie que la pseudo-victime n’a jamais payé la totalité du prix du véhicule, donc il n’a jamais été question d’avoir déboursé «cash» : c’est une affaire purement civile, M.le président!»Après avoir pris acte du dernier mot de l’inculpé, le président de l’audience, met le dossier en examen pour le jeudi 17 du mois courant.