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Docteur Halima Moulaï, spécialiste en Histoire moderne et contemporaine, à L'Expression

«Notre mémoire refuse d'oublier»

Docteur Halima Moulaï est chercheure permanente au Centre de recherche national en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), d’Oran.

L'Expression: D'après-vous, que reste-t-il des accords d'Évian et de la période transitoire dans la mémoire collective des Algériens, aujourd'hui?
Halima Moulaï: Cette période de transition est considérée comme l'une des périodes historiques les plus passionnantes de l'histoire de l'Algérie coloniale, c'est plutôt une époque importante car elle a montré plusieurs aspects cachés de la révolution de libération algérienne.
Le Front de Libération nationale était le seul représentant des Algériens, visant l'indépendance de l'Algérie et l'édification de l'État national, ce que le pouvoir en Algérie a tenté d'exploiter en liant la date du
19 mars à la fête de la Victoire, qui est un symbole de la victoire remportée par le Front de Libération nationale lors de ses négociations avec la partie française et la déclaration d'un cessez-le-feu, qui est une indication de l'approche de l'indépendance et de la réalisation de la Déclaration du 1er novembre, pour laquelle des millions se sont sacrifiés entre martyrs, disparue et endommagée, et elle est bien ancrée dans la mémoire collective des Algériens, qui a grand besoin d'une étude approfondie à son sujet.
Des images d'assassinats et de couvre-feux dans certains quartiers sont encore bien ancrées dans la mémoire des Algériens, en plus d'autres régions qui ont été témoins d'attaques de brigandage par l'armée française contre des villages où les soldats leur ont pris ce qu'ils avaient de nourriture et de denrées alimentaires. Mais le détail de ces accords n'est pas connu. Au contraire, à chaque célébration de cet anniversaire, le discours vernaculaire revient sur les accords secrets liés aux accords d'Évian, qui font l'objet d'une large part de discours et de discussions parmi les Algériens, et malgré les refus des historiens de cette hypothèse, la discussion à son sujet s'accroît d'année en année...

Que pensez-vous du traitement de cette période, celle de la période transitoire et de l'indépendance dans les manuels scolaires ou à l'université?
L'histoire de la révolution algérienne reçoit un très grand intérêt pédagogique dans les différentes étapes de l'enseignement algérien. En effet, la plupart des cours d'histoire à l'école algérienne portent sur cette période, mais l'évolution du programme scolaire depuis l'indépendance et jusqu'aux deux dernières décennies a permis l'inclusion de certains sujets cachés, y compris les noms des personnalités nationales qui ont participé à la révolution. Et au sujet des négociations d'Évian oubliées à cause du conflit politique en Algérie, mais encore faut-il élargir les sujets de cette période pour que l'enseignant en sache plus sur tous les événements et décisions qui ont accompagné le cessez-le-feu et la signature de l'État algérien qui sont venus à la suite d'un grand sacrifice et aussi à la suite d'un conflit et d'une attraction politique.
Parmi les dirigeants révolutionnaires, outre les détails de ces négociations et les conditions différentes des deux parties, l'école se concentre toujours uniquement sur la condition de séparer le Sahara de l'Algérie, alors qu'il y a d'autres éléments qui ne sont pas moins importants que la proposition de séparation, mais donnent plutôt une image élégante et importante de la façon dont le Front de Libération nationale traite les développements de l'État indépendant, tels que:
ethnies, croyances, nationalité algérienne, relations économiques et politiques avec la France...
À l'université, les départements d'histoire et de sciences sociales produisent d'importantes études académiques sur cette période, mais ce qui les gêne, c'est la mort de tous les acteurs et ne pas négliger leurs mémoires ou leurs archives privées, à l'exception de Benyoucef Benkhedda, qui a publié un livre important sur ces accords, qui est devenu une référence pour tous les universitaires, ainsi que les témoignages de Reda Malek.
Aujourd'hui, l'université doit se poser de nouvelles questions sur cette période à la lumière des nouveaux problèmes imposés par l'évolution des relations entre l'Algérie et la France, et renoncer à lier l'événement à une célébration. C'est un cas historique qui nécessite une étude approfondie sur les acteurs et ceux qui la rejettent, ainsi que sur les détails des négociations et la relation des négociateurs avec les dirigeants algériens, d'autant plus que la démarcation de cette date
n'était pas à l'époque des présidents Ben Bella et Boumediene, ce qui soulève plusieurs questions quant à leur position sur les négociations. Nous avons besoin d'audace sur plusieurs questions historiques et aussi d'experts sur cette période, car nous n'avons plus d'historiens spécialisés dans l'analyse des termes de l'accord.

Quels sont d'après vous les sujets de recherche en histoire que l'université et la recherche en Algérie devraient promouvoir et encourager?
Ceux qui suivent le cours d'écriture historique académique en Algérie remarqueront que l'État a rédigé un plan clair en matière d'écriture de l'Histoire, et un grand nombre d'universitaires appartenant à l'université algérienne ont contribué afin de présenter des écrits qui mettent en évidence la dimension arabe et islamique de la nation algérienne, en réponse aux thèses françaises qui portaient pendant le colonialisme français sur la présence romaine en Algérie. Cependant, l'évolution des conditions politiques en Algérie depuis les années 80 a poussé l'université à reconsidérer les problématiques historiques présentées à l'étude en s'ouvrant sur le reste de l'histoire de l'Algérie et les différentes périodes historiques qu'elle a traversées.
L'histoire est devenue une porte d'entrée importante pour comprendre la réalité algérienne, mais nous n'avons pas atteint le succès ou l'objectif souhaité car l'université n'est plus en mesure de suivre le rythme de la société et de ses évolutions pour plusieurs raisons, notamment les raisons politiques que l'Algérie a connues, qui a touché tous les secteurs, mais aujourd'hui, compte tenu de la stabilité politique, il est nécessaire de renforcer la recherche en histoire.
Pour en savoir plus sur l'évolution de la société et ses différentes formations, ainsi que ses dimensions économiques et civiles, il est nécessaire de connaître l'interaction des Algériens avec la vie quotidienne et leurs expériences et changements afin de comprendre leur présent.
L'accent mis pendant plus de soixante ans sur l'histoire politique a révélé que l'on ne faisait que chroniquer les dirigeants et les hommes politiques qui ont pris le pouvoir dans l'Algérie indépendante, puis, en raison de certaines circonstances politiques, nous nous sommes ouverts à certaines personnalités marginalisées et à leur rôle politique, tout en négligeant l'aspect fondamental de l'analyse de la réalité de la société algérienne, de ses mentalités et de ses expériences à travers des changements qu'elle a vécus.

Le dialogue des mémoires entre l'Algérie et la France semble très difficile à mener. Croyez-vous qu'il puisse déboucher un jour sur la réconciliation?
Nous, en Algérie, vivons avec une mémoire qui refuse de s'oublier et qui est évoquée dans toutes les occasions historiques et les discours politiques, et même culturels et médiatiques. Elle est liée à d'innombrables douleurs. Cependant, je ne considère pas que cela soit une raison majeure pour retarder toute réconciliation parce que nous avons deux opinions, la première est l'opinion politique et la seconde est l'opinion populaire.

Sommes-nous prêts - le peuple et l'autorité - à transcender le passé et à ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux pays?
Les autorités algériennes et françaises retrouvent ce souvenir douloureux à chaque fois que la relation entre elles est perturbée, ce qui soulève l'opinion publique en Algérie de manière très forte, car nous sommes la partie qui a subi le colonialisme et le pousse à remettre en cause toutes les démarches qu'ils vont prendre pour parvenir à cette réconciliation.
Peut-être que les récentes déclarations du président français concernant l'existence d'une nation algérienne avant le colonialisme français sont la plus grande preuve que le dossier de la mémoire est à la merci de l'humeur des dirigeants politiques, d'autant plus que c'est le même président qui a mandaté l'historien français Benjamin Stora à préparer le dossier mémoire pour réaliser ce rapprochement avec les Algériens et du coup son oeuvre explose dans un moment d'émotion politique et à la lumière d'un débat acharné au sein de l'Algérie sur l'importance ou la faisabilité de ce dossier et l'étendue de sa convergence avec les Algériens. Ambition ou pas, elle n'a pas été acceptée ou unanimement acceptée au sein de l'Algérie.
Ainsi, le retard de l'Algérie à déposer son dossier jusqu'à présent a soulevé plusieurs interrogations pour les historiens algériens, notamment dont les plus importantes sont les véritables raisons de ce retard incompréhensible.

Le dossier algérien est-il principalement lié à la volonté de l'autorité française d'admettre et de s'excuser?
C'est une revendication populaire, qui embarrasse la position de l'autorité en Algérie si elle ferme les yeux dessus, parce que les exigences de l'apologie française des crimes commis et qui sont soulevées depuis 2009 ont eu un impact sur la position du peuple algérien, devenu adhérent à cette revendication, car c'est une reconnaissance officielle de l'État français que ce qui s'est passé en Algérie est un crime humain, qui va créer un sentiment émotionnel de réconfort psychologique et de victoire pour l'histoire de ses martyrs.
À mon avis, il n'est pas facile pour le moment de parler de réconciliation «dans le sens voulu». Nous sommes face à deux mentalités différentes. La première représente la mentalité de l'État qui a mené le colonialisme, et la seconde représente la mentalité de la victime de ce colonialisme. La partie française devrait traiter sérieusement cette mentalité dans sa présentation de la question de la réconciliation, et les historiens français devraient en savoir un peu plus sur cette société et sa manière de penser après soixante ans d'indépendance, car le dossier de la mémoire est resté coincé entre l'Algérie et la France, à cause de la position du peuple algérien, malgré le passage de plusieurs générations, mais les positions sont les mêmes, et je ne pense pas qu'ils puissent renoncer à exiger des excuses.
C'est une étape pour gagner la confiance des Algériens, et le pouvoir en Algérie connaît très bien la pensée de son peuple sur la question de la mémoire, et la polémique qu'a suscitée le dossier Stora en Algérie, prouve cette position conservatrice sur les propositions de la France même si elles n' appartiennent qu'à elle...
La réconciliation se fera lorsque les Français comprendront qu'il est très important de gagner la confiance des Algériens, car la douleur est grande et les demandes d'excuses et de reconnaissance ne seront pas abandonnées dès qu'elles seront provoquées par des discours irresponsables.

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