Le fiasco arabe
Encore une fois, les Arabes ont été incapables de prendre les risques que la crise irakienne exigeait et de se déterminer par rapport aux problèmes de l´heure. Mais cela est, en vérité, une gageure au-dessus de ce que peuvent, - ou ne pourront jamais -, donner des dirigeants arabes trop près de leur quant-à-soi, et préoccupés de leur confort. Au moment où la communauté internationale s´élevait de façon unanime contre l´unilatéralisme américain, et sa prétention à gouverner le monde, les Arabes, profil bas, tentaient surtout de se faire oublier. Aussi, ce n´est pas étonnant que les dirigeants arabes - qui ont donné à voir, tout au long de ces mois, le honteux spectacle de leur silence - se trouvent une nouvelle fois en porte-à-faux par rapport à la situation prévalant à leurs frontières, dans leur propre région. Dans cette situation absurde, les Arabes donnent l´impression d´être non concernés par les événements douloureux qui frappent leur région, tant en Irak, sous embargo depuis douze ans et menacé d´une attaque militaire des Etats-Unis, qu´au peuple palestinien victime de l´oppression de l´armée israélienne d´occupation. Samedi, au Caire, à l´occasion de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, il a été donné de voir l´image, grandeur nature, de la désunion arabe. Ainsi, le représentant du Koweït s´en est-il pris au président de la Commission ministérielle arabe, le chef de la diplomatie libanaise, Mahmoud Hamoud, qui parrainait une déclaration demandant aux pays arabes de s´abstenir «de tout soutien à une action militaire contre l´Irak». Pour le Koweït, même cette demande, de pure forme, était de trop. Ce blocage délibéré a ainsi mis en équation le sommet arabe sur l´Irak qui, finalement, n´aura pas lieu, les Arabes n´étant pas parvenus à s´entendre, ne serait-ce que sur le minimum, afin de sauver la face. Cependant, faut-il relever l´hypocrisie de la déclaration, sus-citée, quand on sait que de nombreux Etats arabes, singulièrement les monarchies du Golfe, sont en quasi-situation de pays occupés, par le fait de la présence de la gigantesque armada américaine en attente d´invasion de l´Irak. Ainsi, 70.000 soldats (sur les 150.000 répartis dans la région) sont stationnés au Koweït. Dès lors, de quelle manière les Arabes comptaient-ils s´abstenir de soutenir une attaque américaine contre l´Irak, lorsque, eux-mêmes, ne semblent pas avoir droit au chapitre sur les mouvements de l´armée américaine sur leur propre territoire? Avant même que les combats ne commencent, les Arabes ont abandonné toute velléité de résistance se soumettant sans lutte au diktat américain. N´est-ce pas le président égyptien, Hosni Moubarak, qui déclarait récemment à la presse internationale qu´il était «ridicule» d´empêcher les Etats-Unis de mettre à exécution leur projet guerrier contre l´Irak? Le hic, c´est que les Arabes, qui n´ont même pas essayé, semblent avoir plus peur du «ridicule», de demander à Washington, de savoir raison gardée, que de la honte de laisser leurs frères irakiens sous la menace de frappes militaires meurtrières.
Et le renvoi sine die du sommet sur l´Irak est indicatif de la profonde léthargie dans laquelle se trouvent les pays arabes.