8 mois de crise entre l’Algérie et la France
Retour sur une tension politico-diplomatique
Tout au long de cette crise, la France a donné l’image d’un pays fragilisé, secoué par des tensions internes.

La crise que traversent l'Algérie et la France boucle bientôt trois trimestres. Cette période a été marquée par des montées de tensions jamais égalées. La gestion de cette crise par les deux parties a été totalement différente. En France, c'est un pays en roues libres où tous les dérapages et excès sont permis. En Algérie, c'est plutôt la retenue, la mesure diplomatique, la justesse de décisions ainsi que la fermeté qui ont prévalu durant toute cette période. La position algérienne, tout au long de cette crise, sonne comme une véritable «correction» diplomatique à l'égard de ceux qui ont cru lui dicter une quelconque marche à suivre, mais aussi une leçon d'union sans faille face à l'ingérence et l'atteinte aux principes nationaux. Le froid entre les deux pays s'est installé quand la France a transgressé le droit international aux frontière de l'Algérie, en reconnaissant la prétendue «marocanité» du Sahara occidental. Une décision qui a soulevé l'ire de l'Algérie, car allant à l'encontre du droit international et des aspirations du peuple sahraoui. Les autorités françaises ne se sont pas contentées de cette reconnaissance fantoche, mais des personnalités politiques se sont rendues en visite dans ces territoires occupés, à l'image de la ministre franco-marocaine Rachida Dati, considérée par Alger «d'une gravité particulière» ou encore, par la suite, du président du Sénat Gérard Larcher, qui a fait également réagir le Sénat algérien, qui déclare que cette visite est «un acte inacceptable qui méprise la légitimité internationale et s'oppose aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies» en suspendant les relations entre les deux parties.
Le deuxième sujet qui a alimenté cette crise est, sans doute, l'arrestation de l'écrivain algérien Boualem Sensal suite à des déclarations hallucinantes, au mois de novembre dernier. Cette arrestation a provoqué un tollé au sein de la classe politique française. L'écrivain algérien, naturalisé quelques mois avant a proféré des déclarations publiques et dans les médias remettant en cause la souveraineté territoriale de l'Algérie. Cette arrestation a provoqué un déchaînement de haine, de violence et d'insultes envers l'Algérie ainsi que son peuple et son État. À court de solutions pour libérer l'écrivain qui gagne curieusement la sympathie du courant des racistes français, et d'un autre coté étouffé par la fermeté algérienne à ce sujet, l'extrême droite, qui tient visiblement en laisse le ministre français de l'Intérieur, veut coûte que coûte avoir sa revanche. Bruno Retailleau s'en est donc prit à des influenceurs algériens, dans une démarche totalement revancharde. Le ministre, qui s'est autoproclamé chef de la bande pour cette opération de revanche, promettant «un bras de fer» contre l'Algérie, s'est vite fait désavouer par la justice de son pays. La justice française a donné raison à l'Algérie qui a renvoyé l'influenceur en question. Le ministère algérien des Affaires étrangères s'est contenté, dans cette affaire, de publier un communiqué, sous forme de manuel à suivre dans les cas d'expulsions, invitant Retailleau à s'y conformer. Une autre gifle pour le ministre qui avait l'ambition de «faire plier l'Algérie».
Tout au long de cette crise, la France a donné l'image d'un pays fragilisé, secoué par des tensions internes et des dérives politiques, exacerbées par les pressions exercées par des lobbys puissants. Ce dernier dicte la marche à suivre dans l'agenda politique de la France, et impose son diktat aux médias français, notamment privés. La scène politique française est marquée par un déphasage flagrant entre les préoccupations du gouvernement et les réalités internationales.
En revanche, l'Algérie a su se tenir droite dans ses principes, affichant une politique étrangère claire et cohérente, reposant sur la souveraineté nationale, la non-ingérence, et l'engagement en faveur des peuples opprimés. Les médias algériens, unanimes, ont dénoncé l'hystérie des extrémistes français et ont mis en lumière les incohérences de leurs propos. Même au sein de la scène politique algérienne, les divergences existent, mais les lignes rouges sont respectées: la souveraineté nationale et l'indépendance du pays sont non négociables. Ce contexte de crise a également donné lieu à un réveil de la classe intellectuelle algérienne, généralement discrète sur les questions diplomatiques. Cette fois, les intellectuels algériens ont pris la parole, avec des interventions remarquées et d'une grande qualité, loin des insultes et des invectives, mais avec un message clair et ferme: l'Algérie ne se laissera pas dicter sa conduite.