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INVESTITURE DE TRUMP

La vitrine, la cour et l'arrière-cour

Emotion et fausse humilité se côtoyaient durant cette cérémonie à laquelle avaient pris part pas moins de cinq présidents américains: Jimmy Carter, Bill Clinton, Bush, Obama et le tout chaud Trump.

Le nouveau président américain a pris ses fonctions ce vendredi. Au moment même où il prêtait sermon, trois Amériques se bousculaient sur le trottoir d'une démocratie mise à mal. Trois niveaux. Trois plans d'une Amérique, qui n'est déjà plus comme avant, se superposaient avec peine.
A la vitrine flamboyante, il y avait une cérémonie grandiose d'investiture d'un président tout heureux. Les refrains de l'alternance chantaient à haute voix la belle mélodie de la démocratie. Les sourires des habitués des lieux accompagnant les aïeuls bien portants essaient de renvoyer l'image d'une Amérique en bonne santé et heureuse.
Derrière, c'est dire dans la cour de la démocratie, des manifestants anti-Trump couraient dans la rue et scandaient, parfois avec violence même, des slogans hostiles au nouveau locataire de la Maison-Blanche. Des jets de pierres, des heurts avec la police, une limousine brûlée et des arrestations... C'est l'écho déformé que renvoie la peine des hommes floués par un mode de scrutin qui donne la victoire à quelqu'un qui n'a pas eu la majorité des voix. Un écho plutôt réprobateur à cette mélodie de la démocratie.
Dans l'arrière-cour de cette même démocratie, des services de sécurité, sous la coordination des agents du FBI, interrogeaient dans leurs bureaux trois anciens collaborateurs de Trump, accusés d'avoir reçu de grosses sommes d'argent de l'Ukraine durant la campagne électorale de Trump. Là, c'est la conscience de l'Amérique qui tente de s'essuyer le bas ventre encore mouillé. C'est l'âme de l'Amérique qui essaie de secouer la poussière dans laquelle elle s'est volontairement ensevelie.
Ce sont là les trois plans d'une Amérique qui se déchire depuis quelque temps déjà mais qui voit sa déchirure grandir depuis qu'elle a élu celui qui à défaut de l'unir aura certainement beaucoup de chances de la désunir, voire de la fracturer.

La vitrine d'abord
Il y avait ce vendredi sur le perron du Capitole autant de sincérité que d'hypocrisie. Des pro-Trump au sourire déchirant le visage d'un côté à l'autre, venus féliciter le nouveau président, mais surtout se féliciter d'avoir été du bon côté. Qui sait! Beaucoup de républicains, des anciens de la politique, des manoeuvres et des courtoisies. A côté de ce beau monde, il y avait aussi des démocrates qui, par obligation protocolaire, par réflexe ou, simplement, par ennui, étaient là aussi. Emotion et fausse humilité se côtoyaient durant cette cérémonie à laquelle avaient pris part pas moins de cinq présidents américains: Jimmy Carter, Bill Clinton, Bush, Obama et le tout chaud Trump.
Une belle vitrine où, telle une partition de musique, tout est calculé au millimètre près avec le souci d'abord et avant tout de souffler dans la gibecière du patriotisme accrochée à l'épaule des citoyens venus soutenir, applaudir ou simplement voir.
Dans cette vitrine de la démocratie, on montre bien entendu en s'étalant, les rapports cordiaux. Les sourires des uns, la bonne humeur des autres, les tapes sur le dos, les cadeaux emballés dans du bleu, exactement à la même couleur de la robe et des gants de Mélanie, tout cela sert à vendre une démocratie américaine. Se tenir là, avec sa femme à attendre que le couple partant s'envole, leur faire un signe de la main, tout sourire, cela aussi c'est le show de la démocratie américaine qui, tels certains drames de Hollywood, sert aussi à laver les yeux et à vendre les kleenex.
Mais il y avait aussi cette hypocrisie affreuse qui veut qu'on vienne diner avec celui qui nous a violemment insultés durant toute la campagne, et cette autre qui veut qu'on demande aux gens de se lever pour saluer un couple au milieu de mille autres. Et ce sourire qu'on efface juste lorsque l'hélicoptère décolle et qu'on va signer le premier décret contre la réforme de celui qu'on vient de raccompagner jusqu'à l'hélicoptère... Que d'hypocrisies se côtoyaient ce vendredi, jour du Seigneur, sur les marches du Capitole!

La cour, ensuite
A quelques mètres de là, une autre démocratie était au labeur. 28000 policiers pour assurer l'éclat de la vitrine. Nombreux d'entre eux faisaient face à des mécontents qui, vêtus de noirs et cagoulés, s'étaient laissés aller à des actes de vandalisme contre les vitrines (des vraies celles-là) et contre les voitures. Des feux, une voiture brûlée, une centaine d'arrestation avant la nuit et beaucoup de heurts.
A quelques mètres de là aussi, d'autres, beaucoup plus nombreux, manifestaient pacifiquement contre le nouveau président. Son style, son langage, son comportement, sa manière de penser, sa façon de dire les choses... rien ne laisse indifférent. «Un éléphant dans un magasin de porcelaine», comme on dit. Cela donne envie de hurler. Ils hurlaient et Trump les avait entendus. La police les avait entendus. Le monde les avait entendus aussi.
Dans cette cour de la démocratie, Loin de la vitrine, il y avait aussi la Canadienne Céline Dion, il y avait le groupe américain Kiss, il y avait Justin Timberlake, il y avait le Britannique Elton John, il y avait l'Italien André Bocelli, il y avait Moby, il y avait Jennifer Holliday qui, tous, avaient refusé l'invitation à chanter l'hymne national à l'investiture de Trump.
Il y avait aussi ce Michael Moore qui rêve d'empêcher Trump d'aller jusqu'au terme de ce mandat. Il y avait tous les inquiets de cette élection d'un homme dont le discours ne diffère en rien de celui des souks, des cafés et autres rues de quartiers.

L'arrière-cour, enfin
L'arrière-cour, c'est là que la démocratie américaine jette ce qui l'encombre. Elle sert à dégager la vue. Il y avait, en ce vendredi 20 janvier 2017, dans les bureaux du FBI trois personnes, toutes liées à Donald Trump et qui étaient entendues par les agents de six services dont la CIA, le FBI, la NSA et les services des crimes financiers. L'enquête vise à cerner les liens qu'entretiendraient Paul Manafort, Carter Page et Roger Stone tous trois faisant partie de l'entourage de Trump.
Paul Manafort est bien connu dans le monde du conseil en campagnes électorales. Il est connu aussi pour ses manoeuvres de lobbyiste qui ne s'embarrasse généralement pas de trop de scrupules. Il était devenu directeur de campagne de Donald Trump lorsque ce dernier a commencé à croire en ses chances de faire une bonne course. Auparavant, il était conseillé de campagne de Gerald Ford, de Ronald Reagan, de George Bush père et de Bob Dole. Ensuite, il a conseillé le président ukrainien Piotr Porochenko. Avant, il avait aussi conseillé Edouar Balladur pour sa campagne électorale à la présidentielle. Avant il était proche et conseiller de l'ex-président philippin Ferdinand Marcos, de Mobutu Sese Seko et il vendait des services au gouvernement kenyan, nigérian, à la France dans une certaine affaire Karachi, etc. (1). Aujourd'hui, les services américains veulent délimiter exactement ses relations avec le président ukrainien et voir ce qui, en cela pourrait laisser entrevoir une piste... russe.
Carter Page était le conseiller en politique étrangère de Donald Trump durant sa campagne présidentielle. Avant cela, il avait «travaillé avec le géant énergétique russe Gazprom» (2). Il s'est fait remarquer lorsqu'il avait déclaré que «la Russie et les Etats-Unis partageaient des objectifs communs et déplorant que la politique étrangère américaine «arrogante» ignore ces intérêts»(3). Son départ à Moscou en décembre passé a mis les services américains à l'affût de ses mouvements.
Roger Stone est un politique américain, un républicain, ami de longue date de Trump. Il s'est fait remarquer surtout avec cette affaire de piratage informatique qui fait danser tous les services américains. Il tenait à «témoigner» sur le piratage mené par les «hackers russes» devant le Congrès et exposer surtout «les mensonges politiques répandus aux États-Unis». (4) Mais il n'eut pas la possibilité car victime d'une maladie bizarre et soudaine. Il soutient depuis «avoir été empoisonné au plutonium» (5).
C'est tout ce beau monde qui occupait, ce vendredi, l'arrière-cour de la démocratie. Les services américains ont été lâchés par Trump contre... lui-même, depuis qu'il se les a mis sur le dos en les accusant, notamment, d'avoir fait fuiter volontairement, des informations contre lui et en leur reprochant d'avoir été incompétents.
Trois Amériques qui avancent chacune à sa vitesse, chacune dans sa direction, chacune pour sa cause. Les convaincus des trois existent, les malades des trois existent aussi. Il y a ceux qu'on voit à la vitrine, ou à la face, de la démocratie et qui s'efforcent de garder le sourire tout en se jouant des peuples. Il y a ceux qui, dans la cour, font ce qu'ils peuvent dans le sol rocailleux de cette démocratie si difficile à travailler et puis, il y a ceux qui, dans l'obscurité complète bougent, veillent, essaient de sauver l'Amérique d'elle-même ou, à défaut, de ses fossoyeurs!

Références
(1)http://www.rtbf.be/info/dossier/election-presidentielle-americaine-la-course-est-lancee/detail_qui-est-paul-manafort-le-sulfureux-directeur-de-campagne-de-trump?id=9380828
(2) (3) (4) https://francais.rt.com/international/30312-ex-conseiller-donald-trump-carter-arrive-moscou
(5)https://fr.sputniknews.com/international/201701181029660177-piratage-russe-verite-poison/

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