Kamel Abdat, humoriste, à L’Expression
«J’ai dû refaire ma vie à zéro»
Il s’est produit durant le mois de Ramadhan à Dar Erraï²is, à Sidi Fredj dans le cadre des manifestations « Thé Show » sur initiative de Borshing Events où il a fait un tabac, avec son humour décapant, qui allie imitation, blague et musique. Un retour salvateur pour l’enfant prodige de Kabylie, qui fut accueilli comme une star à Alger, après quelques années d’absence, loin de son pays. L’humoriste « intello » a bien accepté de se confier à la fin de son spectacle…
L'Expression: Cela fait trois ans que vous avez quitté l'Algérie, qu'est- ce qui vous a inspiré pour écrire ce nouveau spectacle?
Kamel Abdat:Le spectacle s'écrit au fur et à mesure. Il s'écrit par rapport à ce que l'on vit au quotidien, ma vie en Algérie, mon départ, ma vie en France et un peu au Canada, les spectacles que j'ai fait, mes rencontres.. j'ai fait beaucoup de rencontres avec les Algériens de par le monde et toutes ces rencontres sont très enrichissantes. Le spectacle s'écrit par sketchs, de manière un peu fragmentaire et à la fin, je réunis tout ça.
Le spectacle que j'ai joué, aujourd'hui, est un mélange entre l'ancien et le nouveau. J'ai essayé au maximum de l'adapter. Car, quand je joue en France, les thématiques et les problématiques, les soucis que vivent les gens ne sont pas forcément les mêmes que ceux que vivent les Algériens. J'ai essaye de tirer un peu et d'aller dans les thématiques qui touchent les deux rives, aussi dans l'actualité politique, mondiale et les sujets tabous d'ici et de là- bas.
Quels sont les sujets qui vous touchent quand vous êtes en France?
En France, la politique est très différente, donc j'aborde les questions politiques mais toujours avec un regard algérien. Je traite de l'actualité française tout en ayant un background algérien. Ce que nous vivions aussi, ici, comme problèmes se retrouvent aussi dans d'autres pays d'Afrique et dans des pays occidentaux etc Mais c'est aussi un peu différent..
Aujourd'hui, j'ai essayé de jongler. Sincèrement ce n'est pas facile de revenir avec d'autres thèmes, un autre spectacle. J'espère que le public a apprécié.
Comment arrive t-on à l'écriture d'un recueil de nouvelles? Après l'écriture d'un stand up, à quel moment on se décide à basculer vers ce genre de format littéraire?
J'ai écrit pendant le confinement un roman qui va sortir. Mais j'ai publié un recueil de nouvelles, de 15 textes, en attendant, qui s'appelle: «Jours anodins de soleil et de solitude» Ce sont des petites nouvelles, des petites situations, des textes que j'ai écrit entre juin, /juillet en France. J'étais un peu déprimé et nostalgique de l'Algérie. J'avais beaucoup d'images qui me revenaient de mon enfance.
La première nouvelle s'appelle «Café de la place». J'ai repensé au café de la place à Iferhnounen. J'ai commencé à écrire des petites histoires anodines avec des personnages anodins. J'avais le manque de ce café de la place, de la salle d'attente de mon village... Ce sont des histoires tristes.
Quand j'essaye de les faire revivre sur scène, ça ne marche pas. Comme je suis humoriste, même quand je dis des choses très tristes, quand je parle de ma vie, de solitude ou de nostalgie, les gens rigolent...On a des moments dans sa vie où on a envie de dire des choses.. Ces choses là, ne sont pas forcément gaies. On le dit avec amertume.
Quand on le dit sur scène, malheureusement, ça ne marche pas. Vous avez vu la réaction quand je dis l'Algérie me manque, là, j'avais besoin d'écrire des choses très sérieuses, qui me touchent, un peu émouvantes. Tous ceux qui m'ont lu, m'on dit que c'était très nostalgique, très émouvant. Il fallait que j'écrive un livre, que je raconte ces histoires dans un livre mais pas dans un spectacle de stand up..
Qu'en est-il du roman donc?
Le roman sortira bientôt, il est en correction. Je l'ai écrit pendant le confinement. Ca parle d'une histoire d'amour, celle de Khadra. L'histoire se passe au début de la colonisation vers Boussaâda et Ouled Nail. C'est une danseuse de l'époque.Je fais une réécriture en roman de ce qu'a fait en peinture Nassredine Dinet, avec un regard neuf. C'est vraiment ma réécriture. Je n'ai pas suivi le récit originel, j'espère le sortir bientôt, chez un éditeur algérien.
Pourquoi Kamel Abdat a quitté l'Algérie?
Pour plusieurs raisons, notamment, un manque d'expression libre, une envie aussi de découvrir d'autres univers, de faire du stand- up dans un milieu concurrentiel, de découvrir d'autres humours, d'autres humoristes, et surtout de me confronter à des challenges, car je suis parti à l'âge de 38 ans de chez moi, j'ai dû refaire ma vie à zéro car j'ai repris les études.. C'était un vrai challenge. Actuellement, je suis en doctorat en littérature française et francophone à l'université de Limoges.
J'ai commencé le doctorat en Algérie que j'ai repris et fini en France. Et puis, malheureusement, en Algérie, on ne joue pads assez. En France, on joue pratiquement toutes les semaines. Parfois plusieurs fois, par semaines, dans des plateaux etc.
En Algérie, on n'a pas encore ça, tu joues pendant le Ramadhan et tu attends les événements, tu fais des petits trucs. En France, je joue de manière intensive et j'essaye d'évoluer.