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Richard Stengel Les chemins de Mandela

Les conseils de Mandela au futur président algérien

Par ces temps mouvementés, il est bon de se tourner vers des repères qui ont marqué par leur combat l’humanité. Mais le combat seul ne suffit pas pour inspirer le citoyen, faut-il encore que le modèle ait une autre qualité : la sagesse, cette sagesse nécessaire en temps de troubles pour garder la tête froide tout en restant ferme devant les épreuves. Nous avons fait ainsi le portrait en creux de Nelson Mandela qui a transformé tous ceux qu’il a rencontrés. Pour eux, il n’est pas tout à fait un homme. Il est ce qu’appellent les Stoïciens un demi-dieu dès lors qu’il concentre toutes les valeurs qu’ils préconisent : fermeté de l’âme, sagesse, désintéressement matériel, amour du genre humain, hauteur de vue, pacifisme… Richard Stengel journaliste proche de Mandela et directeur du prestigieux magazine Time nous a offert un bijou Les chemins de Mandela que nous vous présentons avec d’autant plus de plaisir que le grand combattant qui a passé 27 années de sa vie dans les geôles de son pays a été formé dans les maquis algériens.
Le courage n’est pas l’absence de peur
Dès l’introduction, il annonce la complexité de l’homme. Un homme des contraires. Mais quel homme ! «Je n’ai jamais connu un être humain capable de rester aussi tranquille que Nelson Mandela. Quand il est assis, ou qu’il vous écoute, il ne croise pas les jambes, il ne tapote ni du pied ni du bout des doigts, il ne s’agite pas. il n’a pas de tic nerveux». Une statue, on vous l’a dit. Mais une statue pensante. Agissante. Tous les biens matériels le laissent de marbre. Mais Stangel sera étonné de le voir demander à un garde du corps de lui chercher son stylo favori dans les boutiques. Il y mettra une heure. Caprice de grand homme. Stengel ajoute que la prison a été son plus grand maître. Bien sûr qu’il a appris de son père, du roi des Thembu, de figures historiques comme Churchill, Machiavel, Tolstoï ou Hailé Sélassié. Mais c’est la prison «qui lui a enseigné le contrôle de soi, la discipline et l’art de se concentrer sur un objectif, qualités qu’il considère comme essentielles pour qui entend être un dirigeant. Elle lui a aussi appris à être un être humain au sens plein du terme». Avant de connaître l’enfer des geôles, il était, selon son plus proche compagnon, Oliver Tambo, «passionné, émotif, susceptible et rancunier». Mais l’homme qui est sorti de prison à l’âge de 71 ans était le contraire. Et quand il veut critiquer quelqu’un il le qualifie de «susceptible», «émotif» ou «trop passionné». En somme, son autoportrait avant l’épreuve. Quand il loue quelqu’un il le qualifie d’«équilibré», «mesuré», «maître de lui-même». En bref, Mandela est un partisan de la tempérance, autre vertu philosophique.
Qu’est-ce être courageux pour Mandela ? Téméraire ? Non. Audacieux ? Non plus, alors suicidaire ? Oh, que non. Redjla qui fonce pour un rien ? Il a en sainte horreur des gens de cette sorte. Pour lui, ils ne sont pas dignes de confiance puisqu’ils ne se maîtrisent pas. Ecoutons son biographe qui le scrute : «Je suis capable de faire semblant. En tout état de cause, c’est ainsi qu’il décrit le courage : faire semblant de l’être. Ne pas avoir peur est stupide. Le courage consiste à ne pas se laisser vaincre par la peur. (…) quelquefois, c’est seulement au moment de tenir tête que vous découvrez le vrai courage. Quelquefois, le seul fait de tenir tête est courageux.» Pour Mandela le courage c’est aussi ne pas céder à ses peurs et ses angoisses, de se battre au quotidien contre les passions tristes. Le plus bel éloge qu’il fait à quelqu’un qu’il juge courageux est «Tu t’es bien débrouillé.» Attention : dans la bouche de Mandela «bien se débrouiller» est le contraire de la débrouillardise, celle des petits malins qui brûlent les chaînes et dupent leur prochain.
La maîtrise de soi et le cœur des autres
L’auteur raconte qu’il était dans la voiture de Mandela quand son chauffeur a accéléré en faisant crisser les pneus. Mandela se pencha alors pour lui dire : « On se calme man.» Il ajoute qu’au milieu des turbulences, Mandela reste calme et attend des autres qu’ils le soient. Ahmed Kathdar qui a partagé avec lui 27 ans de détention confie qu’il ne l’a vu en colère qu’à deux reprises. Il a érigé en lui ce que les philosophes antiques appellent la statue intérieure qui est le but recherché par tout être humain visant l’ataraxie (l’absence de troubles de l’âme). Rester zen au milieu de la tempête en faisant une retraite en soi-même. Stengel poursuit : «Mandela répète toujours que les gens ont besoin de calme quand la situation est tendue, au niveau politique comme au niveau personnel.Ils veulent savoir que vous ne vous laissez pas ébranler, que vous êtes en train d’évaluer les différents facteurs, et que vous allez réagir de façon mesurée. (…) Il préfère toujours pécher par excès de calme et de monotonie plutôt que de céder à la nervosité.»
Pour mieux connaître les oppresseurs de son pays, Mandela a étudié leur langue l’afrikaans. Ses compagnons d’armes n’ont pas compris cette attitude. Qu’il étudie l’art de la guerre de Sun Tsé, c’est utile en matière de stratégie, mais qu’il se mette à l’apprentissage d’une langue parlée par la minorité blanche qui tient le pouvoir entre ses mains, là ils ont donné leur langue au chat. Mandela a une autre façon de voir les choses. Pour lui quand on s’adresse à des personnes dans leur langue on touche directement leur cœur. L’une de ses phrases cultes dans l’art de la persuasion, nous dit son biographe, est : « Ne vous adressez pas à leur cerveau. Adressez-vous à leur cœur.» Cette méthode a fait ses preuves. Prisonnier à Robben Island, il a vu beaucoup de gardiens, pourtant des durs, venir à lui quand ils avaient besoin d’un conseil.
Pour Mandela, dans chaque homme, fut-il le plus cruel, il y a une part de lumière. Il suffit juste de la chercher en se donnant les moyens de réussir. Et la langue commune est l’un de ces moyens.
Garder ses rivaux près de soi et miser sur le long terme
Mandela ne perd jamais de vue ses opposants. Surtout les plus amicaux qui peuvent vous faire baisser vos défenses. Quand il voyait un rival ou un opposant dans la même pièce que lui, souvent il l’invitait à s’asseoir à ses côtés. Il lui montrait un intérêt particulier alors qu’il délaissait ses amis. En fait, il séduisait ses ennemis pour les circonscrire par le charme avant de passer à une autre méthode. « Mandela savait qu’il n’existe pas de méthode infaillible pour empêcher un rival de passer à l’attaque. Mais il estimait que s’il le prenait sous son aile, l’autre y réfléchirait au moins à deux fois avant d’agir. Et dans ce cas, il se trouverait assez près pour voir venir le danger. C’est ce qu’il a fait en nommant ministre de l’Intérieur l’un de ses pires ennemis, un chef zoulou, prétendant sérieux à la Présidence, qui aurait mis le feu à l’Afrique du Sud tant il était lunatique et caractériel. Son geste s’explique par sa volonté de l’avoir à l’œil. Mandela n’a jamais fait de la loyauté chez les autres un critère de fiabilité. Il savait, par expérience, que le degré de loyauté dépendait le plus souvent des circonstances. Autre spécificité, il ne réagissait jamais vite. Il donnait du temps au temps. Quand ses compagnons s’impatientaient et le pressaient, il répondait invariablement : «Ecoutez, disait-il alors, vous avez peut-être raison sur quelques jours, quelques semaines, quelques années, mais si vous voyez plus loin, si vous agissez sur le long terme, ce que vous gagnerez aura davantage de valeur.» Il aimait citer l’histoire de Crésus par Hérodote : «Crésus demande à un sage s’il peut être considéré comme un homme heureux. Et le sage de répondre : «Ne déclare jamais heureux un homme dont tu ne connais pas la fin.» Il sait que tout peut basculer en une seconde. Dans son cas, on peut dire qu’il a été un homme heureux qui a trouvé vers la fin quelque chose de plus beau que la gloire et la conquête de lui-même : l’amour. 


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