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Algérie 1962, une histoire populaire, de Malika Rahal

Le temps des possibles

Dans son livre, Malika Rahal s'est mise dans un exercice peu amène. Il s'agit pour elle d'écrire une histoire populaire de l'Algérie de 1962, encore vivace dans la mémoire collective.

L'année 1962 constitue une date charnière dans la mémoire collective des Algériens comme dans celle des Français. Cette date est marquée par la signature des accords d'Évian entre l'Algérie et la France, le référendum d'autodétermination, la proclamation de l'indépendance, les élections à l'Assemblée nationale algérienne et la mise en place du premier gouvernement d'Ahmed Ben Bella. L'année 1962 signifie pour l'historienne, Malika Rahal, l'aboutissement d'une longue attente, «le temps des possibles». En Algérie, «l'année 1962 est à la fois la fin d'une guerre et la difficile transition vers la paix. Mettant fin à une longue colonisation française marquée par une combinaison rare de violence et d'acculturation, elle voit l'émergence d'un État algérien d'abord soucieux d'assurer sa propre stabilité et la survie de sa population», note la spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie, dans son dernier livre: Algérie 1962, une histoire populaire.

L'exode soudain
L'ouvrage décrit des expériences collectives fondatrices pour le pays qui naît à l'Indépendance: « La démobilisation et la reconversion de l'Armée de Libération nationale, la recherche des morts et disparus par leurs proches, l'occupation des logements et terres laissés par ceux qui ont fui le pays. Une fresque sans équivalent, de bout en bout passionnante.». Pour l'historienne, le renversement de l'ordre ancien dépasse «la seule souveraineté étatique pour bouleverser en profondeur la propriété privée et les modes de production, l'emploi et le logement, les lieux de vie et la façon d'habiter». C'est la fin de la longue nuit coloniale pour les Algériens qui recouvrent leur indépendance. La date marque également le départ massif des Européens d'Algérie et la fin d'une société coloniale. Ainsi les indigènes accéderont au statut de décolonisés tandis que les pieds-noirs perdront leur statut d'Européens d'Algérie. C'est une confusion pour ces derniers, car leur place se cristallise autour du vote de la loi sur la nationalité. L'exode soudain et inattendu des Européens d'Algérie dans les grandes villes, notamment avait provoqué un profond bouleversement de l'ordre social après la signature des accords d'Évian. Sur un million de Français, 650000 ont quitté l'Algérie durant la seule année, rapporte Malika Rahal. Le pic de cet exode a été atteint en mai, juin et juillet. Si, dans les pays du Sud, cette date est devenue le symbole de l'ensemble des indépendances des peuples colonisés, en France, «1962 est connue surtout par les expériences des pieds-noirs et des harkis», lit-on dans le résumé de l'éditeur.
Dans cette minutieuse enquête de Rahal, on découvre par ailleurs les atrocités commises à Alger, à Sidi Bel Abbès et Oran. Ironie de l'histoire, Oran première ville européenne en Afrique est très touchée par les violences de l'organisation de l'armée secrète (OAS), commises le 5 juillet 1962. À l'opposé des départs massifs des Européens d'Algérie au lendemain de l'Indépendance vers la Métropole, un mouvement inverse se produit en même temps: des centaines de milliers d'exilés algériens investissaient les frontières algéro-marocaines et tunisiennes pour rentrer chez eux. «C'est le retour de 300 000 réfugiés algériens de Tunisie et du Maroc, la libération des camps de concentration où était détenu un quart de la population colonisée, ou la libération des prisons, ainsi que les spectaculaires festivités populaires (...) les villes et les quartiers changent d'identité», soutient Malika Rahal. Loin des clichés officiels et de l'histoire écrite par les vainqueurs ou les vaincus, l'historienne «restitue finement au fil d'une enquête mobilisant témoignages, autobiographies, photographies et films, chansons et poèmes». Pour elle, «En Algérie, l'historiographie de l'année 1962 se réduit pour l'essentiel à la crise politique du FLN et aux luttes fratricides qui l'ont accompagnée. Mais on connaît encore très mal l'expérience des habitants du pays qui y restent alors.».

Les révolutionnaires ont leur «Mecque»
À travers son ouvrage, Malika Rahal s'est mise dans un exercice peu amène. Il s'agit pour elle d'écrire une histoire populaire de l'Algérie de 1962, encore vivace dans la mémoire collective. Cela l'a conduit à recueillir les témoignages de ceux qui ont vécu cette effervescence, née au lendemain de l'accession de l'Algérie à son indépendance. Ainsi, l'historienne fera remonter à la surface les vagues d'espoirs sur lesquelles avaient surfé les Algériens mais aussi les déceptions accouchées par la crise de l'été 1962.
En effet, à cette époque, l'Algérie est devenue leader des peuples du tiers-monde, de quoi remplir de fierté toute une nation qui vient d'accéder à l'indépendance et qui entend un révolutionnaire guinéen, Amilcar Cabral, déclarer: «Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à la Mecque, les juifs à Jérusalem et les révolutionnaires à Alger.» Le paradoxe et la désillusion sont à leur comble. Car, au même moment, les véritables chefs de la révolution subissent les affres de la dictature. Cette enquête historique de Malika Rahal nous rappelle sur un certain angle un des récits romanesques du journaliste écrivain Tahar Djaout, Les chercheurs d'os. Il nous emmène dans un petit village kabyle au lendemain de la guerre d'Algérie. Il nous raconte l'histoire d'un adolescent, accompagné de l'un de ses parents comme ce fut le cas de beaucoup d'Algériens d'alors, qui sort pour la première fois de sa montagne kabyle pour aller à la recherche des restes des ossements de son frère aîné, mort au combat pendant la guerre de Libération en Algérie. Tout le long de son chemin un nouveau monde s'ouvre à lui. Un monde parfois violent des adultes, dans une société en mutation qui passe de la domination coloniale à la souveraineté nationale.

N.B
Malika Rahal, est historienne et spécialiste de l'histoire de l'Algérie et plus généralement du Maghreb contemporain. Elle est chargée de recherche à l'Institut d'histoire du temps présent (Ihtp), une unité du Cnrs. Malika Rahal a publié plusieurs ouvrages portant sur la période coloniale, et sur la période de l'indépendance. Citons à titre d'exemple: Ali Boumendjel, une affaire française, une histoire algérienne - Algérie 1962, une histoire populaire - Nous autres historiens- Histoire de l'Algérie à la période coloniale.

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