Une bouée dans les flots
L´Expression est un journal cher à mes yeux pour une raison très subjective. Qu´il soit le plus grand, le plus petit, peu me chaut. Je l´aime et je vais vous dire pourquoi. Commençons par un petit retour en arrière. 2001, plus précisément. Cette année fut marquée par les terribles inondations de Bab El Oued. Et quoi, Ahmed Fattani m´a sauvé des eaux en furie alors que je me noyais? Nenni. Madjid Ayad alors qui m´a lancé une bouée de sauvetage? Non plus. J´ai flotté sur des pages de L´Expression pour éviter la noyade? Impossible. L´Expression n´est pas une planche, ce sont des idées et des articles sur papier. Et sur du papier fût-il le plus noble, on ne flotte pas, on coule à pic. Quelle est donc cette raison subjective?
La voilà, toute simple dans sa nudité et sa vérité. Je revenais d´un pays étranger, j´étais sans boulot encore - à vrai dire je n´avais même pas commencé à chercher - quand mes pas m´ont emmené au siège de L´Expression à la Maison de la Presse de Kouba. Je suis parti voir un ami qui était l´éditorialiste du quotidien L´Expression. Accueil chaleureux de cet ami. Et puis voilà Ahmed Fattani, tout de noir vêtu, crinière au vent, qui me fait l´accolade avec beaucoup d´amitié.
Je fus surpris par sa gentillesse, car je ne le connaissais pas beaucoup. Il appartient à la prestigieuse génération de mes aînés des années 70, alors que je suis de la «promo» des années 80.
Je savais qu´il est le seul responsable de journal qui a lancé avec succès deux quotidiens. D´abord Liberté. ensuite L´Expression. J´avais donc affaire à un homme de presse, un homme de flair et un homme d´audace. Un vrai entrepreneur, denrée si rare dans notre pays. Après m´avoir écouté, il me demanda si je pouvais écrire un papier sur le pays où j´étais. Je le fis sur place. Pas une virgule ne fut changée. Entre-temps, j´ai commencé à travailler comme consultant dans une agence de pub naissante.
Sans trouver mes marques. La pub ici était naissante avec des patrons d´entreprise qui l´assimilaient à une dépense infructueuse alors que je venais d´un pays où elle avait gagné ses lettres de noblesse. Ailleurs, le publicitaire est roi.
Ici, il était un valet. Pour faire court, je me cherchais sans me trouver. Je me suis perdu en chemin. Je tournais en rond comme une toupie.
Je rencontre de nouveau Ahmed Fattani. Il me félicita pour mon article et me proposa élégamment un poste de responsabilité à L´Expression.
Je fus touché par son geste. Voilà un homme que je ne connais pas très bien qui me tend une perche au moment où certains de mes anciens confrères où j´ai pratiqué pourtant, ne m´avaient même pas proposé un café! Voilà pourquoi L´Expression et son fondateur sont chers à mes yeux: au plus fort du tumulte de l´automne 2001, ils étaient là...Je n´ai jamais été journaliste à L´Expression. Mais je me sens en famille. Chez moi.
Cela a un nom: la gratitude.
Aux mille ans de L´Expression!
Aux 100 ans de mon ami Ahmed!