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Abderrahmane Arar, président du réseau Nada, à L'Expression

«Ces enfants sont les oubliés de la loi»

Actuellement, la loi ne reconnaît pas les autistes comme personnes en situation de handicap, ils ne sont reconnus qu'après l'âge adulte, (18 ans), à partir duquel ils peuvent bénéficier d'une pension, sachant que les lois applicables en la matière remontent aux années 1970, et qu'elles doivent absolument être révisées dans le fond et la forme.

L'Expression: La scolarisation des enfants autistes prose un réel problème à leurs parents. Le réseau Nada a-t-il des propositions sur le sujet?
Abderrahmane Arar: La plus grande difficulté pour les enfants autistes réside, dans leur scolarisation. En effet, comme nous n'avons pas une éducation inclusive, les écoles ne sont pas encore adaptées et prêtes à recevoir une telle catégorie d'enfants, les enseignants n'étant pas formés pour l'accompagnement de ce type d'élèves. Ils sont très rares les enseignants qui sont formés pour accompagner et prendre en charge les enfants atteints d'un autisme. Si on parle des classes, elles ne sont pas adaptées, l'accessibilité est presque absente, les chaises, les tables, les manuels, la communication n'est pas adéquate et la liste des manques est si longue en sus d'un déficit en ressources humaines adéquates. Dans les autres pays, les enfants autistes sont au coeur du centre d'intérêt. Ils sont pris en charge dans des pôles d'apprentissage spécialisés, où des professionnels très qualifiés les prennent en charge, sachant que tous les moyens pédagogiques et techniques sont mis en place. Dans la prise en charge, tout doit être calculé à partir du transport adapté en passant par la lumière, le choix des couleurs y compris l'environnement. D'ailleurs, les professionnels doivent être en lien permanent avec la famille qui doit être aussi en contact avec l'hôpital et la justice en cas de conflit. Il faut savoir que les familles doivent être prises en charge elles aussi, pour renforcer le bien-être de l'enfant. à part quelques succès, la situation est vraiment dégradante. Il faut dire que certains centres publics, associatifs ou privés font des progrès, mais ça reste vraiment minime et en deçà par rapport à la demande de prise en charge sans cesse croissante au vu du nombre d'autistes qui dépasserait le cap des 500000 individus au plan national. En évoquant la scolarisation des autistes, il faut dire que c'est un véritable et combien difficile parcours du combattant pour les parents qui peinent à caser leurs enfants, aucune structure n'étant spécialement dédiée à cette catégorie d'enfants. Certains parents font des navettes de plus de 100 km quotidiennement et ce n'est pas évident au vu des multiples facteurs de temps, éloignement et risques. La société civile, qui est un acteur, souffre de cette situation. Il faut agir dans les réformes juridiques et renforcer les mécanismes, notamment la ressource humaine, la formation et la communication.

Qu'en est-il des classes intégrées et de la formation des enseignants?
L'expérience de classes intégrées n'a pas réussi et nous sommes face à un problème de ressources humaines et de programme scolaire pour enfants autistes. La relation entre la classe des autistes et les autres classes n‘est pas sereine ce qui fait dire à certains enseignants qu'ils n'ont pas le minimum pour prendre en charge cette catégorie d'enfants très sensibles. Cette situation s'est négativement répercutée sur les enfants qui ne bénéficient d'aucune attention spéciale, la structure prenant beaucoup plus l'aspect d'une garderie dont l'importance réside dans le fait de garder les enfants loin des regards, inoccupés car n'étant pas au centre des préoccupations de professionnels chargés de les mener à bon port. Il faut reconnaître toutefois que certains enseignants sont engagés et veulent travailler pour améliorer la vie des autistes, mais faute de moyens adéquats ils n'ont pas d'encadrement et faute de statut, ils se retrouvent à exercer dans l'informel.
Dans tout ça, qu'en est-il du fameux et budgétivore ministère de la Solidarité qui reste le plus grand absent.
Il faut dire et appuyer qu'en deux décennies, pendant ces 20 dernières années, ce ministère censé se pencher sur les cas les plus complexes des citoyens qui ont le plus besoin d'aide, de présence et de solidarité agissante, est resté totalement effacé et loin de cette catégorie de citoyens au profit de laquelle aucune structure n'a vu le jour et aucune loi n'a été amendée. En 20 ans, l'Algérie était en passe d'aller au-devant de tous ces problèmes et de leur donner les solutions les plus idoines, mais rien n'a été fait par le secteur de ce qu'on appelle pompeusement la Solidarité nationale. Le Programme national de la protection des enfants, qui a été mis en place, n'a présenté aucun bilan ou rapport mettant en exergue et en chiffres les activités et les statistiques dévolues à ce secteur pour permettre éventuellement d'apporter les critiques ou les correctifs nécessaires. Pourtant, un budget a été dégagé par le gouvernement, mais rien de concret n'est visible sur le terrain qui n'a été impacté par aucune mesure ou action d'envergure. Si un budget est alloué pour la formation, coaching et accompagnement des professionnels, on devrait voir le résultat et en sentir une papable amélioration, mais rien n'a été fait. D'ailleurs, même les parents sont abandonnés à leur sort et ne sont pas formés pour accompagner leurs enfants autistes, durant le week end, puisqu'ils ne sont pas considérés comme auxiliaires durant toute la semaine. Aujourd'hui, dans cette Algérie de 2020, il faut dire que tout fait défaut, ni prise en charge, ni accompagnement, ni scolarisation...Malheureusement et il faut le dire, on est dans le bricolage et loin, très loin même de la qualité et du respect des normes internationales, loin même de la simple étape basique qui protège et assure à l'enfant ses droits les plus élémentaires.
Un enfant en situation d'autisme et qui n'est pas scolarisé est victime de discrimination flagrante et malheureusement en situation de «violation de ses droits».

Sur un autre aspect de la prise en charge des enfants autistes, ne faut-il pas les faire suivre plus sérieusement par des auxiliaires de vie?
C'est l'équilibre de toutes la famille qui balance surtout lorsqu'il y a d'autres enfants. Les parents font d'énormes sacrifices pour accompagner et scolariser leur enfant autiste. La situation n'étant pas des plus gérables, certains couples en sont arrivés au divorce a cause d'une pression irrépressible et quasi-quotidienne. D'autres parents ont abandonné leur carrière professionnelle pour s'occuper de leurs enfants autistes et faire face à leur difficile scolarisation. Pour venir en aide à ces parents en situation de détresse, les auxiliaires de vie sont une nécessité pour parvenir à une scolarisation adaptée. Dans les régions du Sud et dans les Hauts-Plateaux, les gens souffrent plus encore et dans le silence. à tout cela, il convient de signaler un autre problème tout aussi crucial, il porte sur l'inscription des enfants autistes dans des centres accueillant des adultes et des enfants en situation de handicap, alors qu'on ne peut mélanger et mettre côte à côte un enfant autiste avec un enfant souffrant d'un handicap lourd. L'autisme n'étant pas considéré comme un handicap lourd, l'enfant qui en est atteint peut être scolarisé avec un enfant normal.

Quel rôle doit se donner l'Etat sur le double plan de la prise en charge éducative et médicale?
L'Etat doit absolument se pencher sur la situation alarmante de ces enfants et oeuvrer à trouver les solutions qui permettent leur intégration et leur total épanouissement. Sans s'étaler sur les autres modules, il faut reconnaître que l'enfant a besoin d'évoluer dans un environnement serein, dans un mélange de loisirs, de sports, de cultures et de voyages. L'enfant autiste doit vivre pleinement sa vie sans être condamné à rester prisonnier d'un environnement qui ne lui accorde aucune attention et le prive de son droit à une existence saine.
Le priver de scolarité c'est tout simplement l'empêcher de se développer. Si on ne peut pas mettre en place un système d'éducation spécial pour enfants autistes, il faut tout simplement améliorer et aménager le système pour tous les enfants algériens de manière à ce que les enfants en situation de handicap y trouvent leur place. Il faut souder la chaine de protection de l'enfant qui est la famille, l'école, l'hôpital, les structures sportives, le tribunal en cas de conflit, les espaces verts, etc...
Malheureusement, nous ne disposons pas de cette chaîne en dépit des initiatives que nous avons mises sur la table depuis 2003. D'ailleurs, les commentaires du Comité international des droits de l'enfant sur cette question recèlent énormément de remarques et de questionnements exprimés dans son dernier rapport de 2012 concernant notre pays. Et cette question est en passe d'être bientôt examinée.. Chez nous, on n'accorde aucune importance à l'avenir des autistes qui sont abandonnés à leur propre sort fait de détresse et de malaise impactant même leurs familles. Les autistes abandonnés sont des citoyens perdus, qui deviennent un fardeau pour leurs parents et un facteur de problème au sein de la cellule familiale, sans parler des enfants autistes nés hors mariage qui vivent abandonnés dans des centres où ils dépérissent en silence. Comment aller au-devant de ce problème et enclencher un travail de prévention pour diminuer le nombre d'autistes qui va en croissant. Il faut commencer par imposer des tests pendant la grossesse et mettre en oeuvre un programme de prise en charge et de prévention qui permette d'éviter la naissance d'enfants autistes.

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