La grande peur de l’UE
Au lendemain de l’investiture de Donald Trump, les eurodéputés étaient réunis à Strasbourg pour un pénible travail d’introspection face à la menace du président américain d’imposer de lourdes taxes à leurs exportations vers les États-Unis. Comment faire face, à défaut de pouvoir riposter, à ces injonctions qui interviennent à un moment critique du bras de fer entre la Russie et la coalition atlantiste, en Ukraine ? Surtout, comment agir ou, sinon réagir, aux provocations sulfureuses d’Elon Musk, devenu l’âme damnée du magnat de l’immobiliser et farouche partisan des partis d’extrême droite qu’il soutient ouvertement ? Le chancelier allemand a été l’un des rares à apostropher Musk pour dire que « soutenir l’extrême droite européenne n’est pas acceptable ». Mais cela suffira-t-il pour empêcher l’agitateur préféré de Trump de dormir sereinement ? Au lieu des débats constructifs qu’on promettait, on a assisté à des empoignades dont le seul intérêt est qu’elles ont mis à nu les profondes divisions qui minent les relations entre les différentes composantes d’une Union européenne apparemment devenue aussi vieille que le continent lui-même. La seule évidence a trait à la peur qui agite les formations traditionnellement de droite et de centre-droit alors que l’extrême droite, toutes voiles dehors, ne cache plus sa réjouissance après l’investiture du tempétueux président républicain. Si de nombreuses voix ont tenté de se faire entendre, plaidant pour « un front uni » face aux provocations et aux menaces du nouveau locataire de la Maison-Blanche et de son « acolyte » Elon Musk, beaucoup d’autres également ne se sont pas gênées pour dire que Trump a parfaitement raison quand il reproche aux Européens leur frilosité en matière de contributions à leur défense. Hier, les deux locomotives de l’UE étaient entrées en gare élyséenne, Macron recevant Scholz pour une visite en guise d’adieu. Elle intervient à un mois des législatives allemandes, pour lesquelles le parti d’extrême droite AfD a le vent en poupe, alors que le nom du probable successeur de Scholz à Berlin préoccupe toutes les capitales de l’Union, inquiètes de l’avenir d’une relation primordiale. Pourtant, dès novembre 2024, un concert de dirigeants européens est monté au créneau pour rassurer l’opinion, promettant que, contrairement au premier mandat du président républicain, l’UA a eu largement le temps de se préparer au choc, anticipant les menaces d’outre-Atlantique. Il n’empêche, dès les premiers instants, Trump a placé la barre au plus haut, accusant l’UE de « voler les emplois » des Américains, de profiter d’une balance des échanges nettement déséquilibrée et, surtout, de s’abriter à peu de frais sous le parapluie américain en matière de défense. Tout en dénonçant les propos tonitruants de Trump et les gestes qualifiés de « saluts nazis » d’Elon Musk, de nombreux eurodéputés déplorent, avec la députée LFI Manon Aubry, que « l’Union européenne est en train de devenir le paillasson des États-Unis ».