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Images et son

«Voix et visage. Ils se sont formés ensemble et ont pris l'habitude l'un de l'autre.» Robert Bresson

La chronique, si on doit la définir, se rapporte essentiellement à des événements vécus par l'auteur ou à des témoignages dont il a été le récipiendaire. Elle est loin du billet d'humeur ou de la critique étayée par des arguments, encore que dans la chronique peuvent venir se greffer ces éléments d'expression des émotions humaines. C'est pour cela qu'il y a une grande part d'émotivité dans la rédaction d'une chronique et que certains thèmes peuvent devenir récurrents tant l'auteur a été marqué par des événements qui peuvent paraître anodins à un tiers. Je dois vous avouer que tous les jours que j'ai passés dans l'obscur atelier de l'Unique où je passai le plus clair de mon temps à essayer, tâche ingrate, de réhabiliter des archives filmées, je connus des jours de joie: quand je découvris dans le capharnaüm des boîtes métalliques rouillées une séquence JT amputée de sa bande-son, où le regretté Mohammed Kechroud l'immortel Vergès, quand entre deux doses de chique je mis la main sur la séquence Pathé avec le cadavre d'Amirouche étendu sur la dalle, une interview orpheline de son son, de Mouloud Mammeri. Ma plus grande joie, je la connus quand un jeune étudiant qui travaillait sous ma responsabilité m'appela: «Venez, je viens de trouver une interview de Mammeri!». Je courus aussitôt et ma joie fut amplifiée quand je découvris le gros plan de Mouloud Feraoun! Enfin quelque chose sur quelqu'un qui a été enterré en mars 1965 puis expédié dans la fosse commune d'une mémoire sélective qui privilégiait les noms à consonne moyen-orientale sur ceux du terroir, du cru. Bref! dans la trop brève interview, Mouloud parlait de Camus qui venait de décéder un 4 janvier 1960 dans un stupide accident de voiture. Mais derrière ladite archive suivait un long témoignage d'Emmanuel Roblès sur son ami Feraoun. Je ne reviendrais pas sur ce que j'entrepris pour faire passer ces séquences à l'antenne en 1991 ou 1992, mais la joie est toujours là: intacte. On me reprocha toujours d'être régionaliste. C'est vrai, mais je ne suis pas né régionaliste. Je le suis devenu en débarquant dans la capitale, en me frottant à tous les individus venus des quatre coins du pays. Et je peux dire que j'ai des amis originaires des 48 wilayas et même au-delà, de Dunkerque à Tamanrasset. Je découvris le régionalisme à travers le mode de recrutement et de promotion dans les entreprises. Et comme le régionalisme ne suffisait pas, il faut ajouter le sectarisme qui consiste à écarter un individu dès qu'il porte une étiquette infamante...
C'est pour cela que j'aime Feraoun, à travers son roman Le fils du pauvre qui peut être considéré comme la biographie de beaucoup de petits montagnards de toutes les régions du pays. Comme on peut apprécier La Trilogie de Jules Vallès, celle de Gorki ou le Roman d'un jeune homme pauvre de Gabriele d'Annunzio... Les grands écrivains ont toujours des liens de parenté quelle que soit leur couleur politique. Mais ce que j'adore chez Feraoun, c'est Jours de Kabylie, récits groupés évoquant la Kabylie, ses paysages, ses habitants, ses couleurs, ses senteurs. Peut-être que c'est lié à la nostalgie qui habite chacun de nous et qu'on aime y retrouver les années d'insouciance de l'enfance, quand la pauvreté n'était pas un vice, mais l'attribut d'une large partie de la population indigène. Les jours de marché qui brisent la grise monotonie des semaines amorphes, le rythme des tambours des jours de l'Achoura quand, tous les jeunes, tous sexes confondus, se retrouvaient autour du mausolée d'un marabout, tous les parfums des fleurs sauvages, les bruits du village dans le lointain, le marteau sur l'enclume du forgeron, le braiment d'un âne, le tintement de la cloche de l'école, les vociférations de deux ménagères...Je me souviens surtout de l'accent rocailleux qui déformait les phrases en français et qui prête maintenant à sourire. J'ai vécu ces jours-là, ces jours de Kabylie.

De Quoi j'me Mêle

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