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Jugurtha ou les aléas de l'Histoire

Un forum eut lieu cette semaine à Annaba, revisitant l'aguellid numide Jugurtha mort en 104 avant J.-C.. Initiative opportune et bienvenue qui plonge dans le passé de l'Algérie devant, peu ou prou, participer à dépoussiérer des pages de notre histoire encore méconnue - souvent ignorée - des Algériens, notamment de la génération post-indépendance. Jugurtha a été un homme d'Etat et un chef militaire. Laissons les historiens éclairer notre lanterne quant aux faits d'un passé non seulement méconnu, mais nié. Il faut dire que c'est là une constante de cette terre numide incapable de formaliser son histoire et d'en laisser des témoignages. Nous nous garderons de mettre notre grain de sel dans la controverse autour de Salluste et l'angle sous lequel il fit connaître au monde l'aguellid numide. Il faut seulement noter que le nom de Jugurtha aurait été à jamais perdu pour l'histoire algérienne si un proconsul romain n'avait eu l'idée d'écrire - pour tromper son ennui, dit-on - un livre sur la «Guerre de Jugurtha» [De bellum Jugurthinum] en - 46 avant J.-C., près de 60 ans après la disparition du roi numide. Un témoignage de seconde, de troisième, voire de quatrième main? Sans doute! Il n'en reste pas moins que c'est grâce à ce romain dilettante que le nom de «Jugurtha» a été connu, marquant une étape et une période de l'histoire nord-africaine. Sans doute aussi que là n'est pas le problème - du moins pour cet aspect de la question - mais bien celui de relever qu'il n'existe pas d'écrits autochtones (récits, témoignages sur ces hommes qui ont écrit l'histoire de leurs peuples, de leurs pays) de l'élite numide romanisée. Dès lors, l'essentiel que nous connaissons de ces hommes est du fait de voyageurs grecs ou romains qui ont eu le mérite de s'intéresser à «notre» histoire et d'en laisser des traces. Traces qu'il nous appartient aujourd'hui de décrypter. Ce sont donc des historiens latins, des voyageurs, ou de simples administrateurs (Salluste) qui témoignèrent de faits de ce pays du monde antique. Car, à l'instar de Jugurtha, le peu que l'on connaisse sur Massinissa, son fils Gulusa, ses petits-fils Micipsa, Mastanabal (père de Jugurtha) nous le devons à Polybe qui eut la chance de rencontrer à Cirta l'aguellid numide. C'est cette page de l'Algérie antique [la Numidie, donc] qui demeure vierge, dont ne subsistent que des bribes éparses, qu'il faut reconstituer, réhabiliter. Encore faudrait-il que l'Algérie officielle revendique haut et fort cette période de notre histoire. Période non seulement désavouée [il fut un temps ou parler de l'amazighité, était un délit], mais interdite de citation. Subséquemment, 2300 ans de l'histoire de l'Algérie ont été jetés dans les tiroirs de l'oubli. Ainsi, le buste de Jugurtha trône au palais de Carthage, pas à El Mouradia. D'ailleurs, cette partie de notre histoire ancienne a été récupérée par les historiens français - dès les années 1850 - qui ont «réécrit» l'histoire de la Numidie, minimisant son algérianité. En effet, en 1949, un certain André Berthier [administrateur du Musée de Constantine] collabora à l'écriture d'un ouvrage «Le Bellum Jugurthinum et le Problème de Cirta» bouleversant la géographie traditionnelle de la Numidie, remettant en cause tout ce qu'on connaissait sur cette région, allant jusqu'à contester à Constantine sa dimension de capitale numide. Aussi, ce ne sont certes pas ces colloques ponctuels et volontaristes [il fallait attendre les années 1990 pour que l'étau sur cette période de l'histoire se relâche quelque peu] qui vont rétablir notre histoire au long des 23 derniers siècles (numide, romaine, vandale, byzantine, hillalienne, des royaumes berbères, ottomane ou française) et rendre justice à ces pans gommés de notre historicité. L'histoire est faite de ces aléas - c'est particulièrement vrai pour ce qui est de l'Histoire de l'Algérie - qui font que le passé se confond avec le présent dès lors qu'il est question de l'écriture de l'Histoire. Il est en effet étrange de considérer que nous ne connaissons Massinissa, Jugurtha et d'une manière générale cette période de notre histoire que par les écrits d'historiens étrangers. Or, les meilleures pages sur l'Emir Abdelkader sont dues à des historiens anglais et états-uniens. Sur le Mouvement national et la guerre d'Algérie (1912-1962), c'est encore aux historiens étrangers (français, anglais et états-uniens) que nous devons des éclairages - souvent ambigus - sur leurs épisodes les plus marquants et leurs leaders les plus charismatiques. De fait, la «bataille de Constantine» (1836-1837) et la bravoure du bey Ahmed attendent leur Salluste ou leur Charles-Henry Churchill (La vie d'Abdel Kader) pour leur redonner vie. Des hommes et des femmes qui ont marqué leur époque et écrit les plus belles épopées de notre peuple, sont toujours occultés. Donc, si constante il y a, c'est celle de ne rien faire, empêcher les
autres de faire... Ainsi, dans 10 siècles nos descendants apprendront [sans doute] l'histoire de leurs aïeuls par des livres écrits par des étrangers. Un cycle qui semble sans fin commencé 300 ou 500 ans avant notre ère.

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