Vivre, c’est aussi croire
Qu´est-ce que la foi ((El iman)? La foi en un idéal, en Dieu, en un ami, en une mission, en une parole...Les dictionnaires classiques nous renvoient au concept de «croyance». Sommes-nous plus avancés dans la compréhension de la foi? Difficile à dire tant la foi relève de l´intime et échappe aux instruments de mesure matériels, comme aux techniques d´évaluation de l´affect. Autrement dit, il nous est quasiment impossible de mesurer le degré ou la force de «foi» chez l´Homme.
«La seule mesure d´une foi, d´une croyance ou d´une cause nous est donnée par les actes pratiques qu´elle engendre ou génère chez l´individu», m´expliqua un confrère, philosophe de son état. Nous arrivâmes, après bien des tentatives de définitions de la foi, à la lier à la conviction. Loin de nous la prétention de nous enfoncer dans un débat sur la foi, dont les plus grands penseurs, philosophes et théologiens...s´échinent, depuis Adam et Eve, à lui donner un sens, mais nous nous trouvâmes coincés sur le sujet parce que nous débattions sur les harraga, la fuite des cerveaux, l´autre race de harraga, de nos gouvernants depuis l´Indépendance...de l´étrange état de misère des jeunes, qui se développe en harmonie avec la progression de l´aisance financière du pays. Mon confrère eut cette réflexion, tout aussi étrange, en déduisant: «Je pense que nos gouvernants ne croient pas aux Verts et capacités des Algériens à bâtir un grand pays. Je crois même qu´ils n´ont pas foi en eux-mêmes et en leur mission.» Et nous ne pûmes éviter les interrogations sur cette mutation de l´Algérie d´une situation d´engagement et de foi en l´avenir tout au long de son histoire millénaire, à une situation d´abandon et de désillusion d´aujourd´hui. Parce que, m´expliqua mon ami, nos pères et aïeuls avaient la foi et la conviction de leurs combat. De Massinissa, voilà plus de 2000 ans à la Révolution de Novembre 1954, les Algériens avaient une foi inébranlable en leur idéal. Cela a été ainsi depuis 2000 ans, ce qui a permis à l´Algérie de survivre malgré les occupations et les guerres. Et d´ajouter: «Quel idéal offre l´Algérie d´aujourd´hui à ses enfants?»
Non pas qu´il n´y en a pas, mais parce que un idéal ça se crée, ça s´invente. L´idéal existe à l´état latent dans toutes les sociétés. Il lui faut des leviers, qui ne sont rien d´autre que les hommes et femmes qui le sentent, l´adoptent et le font grandir pour qu´il devienne visible pour tous. Il devient alors la cause, la raison de leur existence. En somme, l´idéal est cette aspiration perpétuelle à l´épanouissement, au bonheur, à la liberté. Et de me rappeler l´échange verbal entre le général de Gaulle et le général Bigeard, lors de la Bataille d´Alger en 1957: «Nous les aurons tous mon général!» clamait fièrement Bigeard au nom des 10.000 parachutistes qui encerclaient la Casbah. «Vous vous trompez général. Ce sont, eux, les fellagas qui gagneront la guerre», lui répliqua De Gaulle. «Comment mon général?» s´interrogea Bigeard. «Ils ont la foi de leur combat. Nous ne pouvons, hélas, rien contre la conviction en leur idéal», conclut De Gaulle. Ainsi, mon confrère, philosophe le temps de notre débat, m´instruisit longuement sur l´importance des repères historiques, de ceux de l´identité, de la nécessité de s´inventer des rêves pour le présent et l´avenir de l´Algérie...
«Savoir où l´on va, retrouver et indiquer le nord au bateau Algérie», me dit-il, avant de préciser: «Pas le nord géographique, magnétique ou celui de la carte? Pas celui que cherchent à leur corps défendant les harraga. Je parle de celui de l´âme. Car pour sauver une âme, il faut qu´elle ait foi en l´éternité.»
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