Le courage en politique
Biden a-t-il du coeur? On en douterait presque quand on voit avec quelle promptitude il arme Israël pour raser Ghaza et les Palestiniens.
Les corps sans vie de milliers de femmes et d'enfants, de milliers de victimes innocentes lui font pousser des cris d'orfraie. Des cris d'acteur dans une tragédie grecque. Excellent comédien Biden, comme tout excellent politique, excellent citoyen américain à la démarche vacillante, aux gestes hésitants sauf quand il appuie sur la gâchette de Netanyahu qu'il dit détester. On aurait aimé le contraire: qu'il l'aime à la folie, mais qu'il arrête sa folie. La leur, à tous deux, couple improbable, si complice dans ce massacre.
Ce président, qui arme et finance un génocide au vu et au su du monde entier, qui frémit mais ne bouge pas, a-t-il un coeur en pierre, insensible au malheur d'autrui, une sorte de stoïcien muré dans sa citadelle intérieure que rien ne touche, même pas ses propres épreuves? Pour se faire une idée, lisons son autobiographie «Tenir ses promesses» et voyons ce qu'il pense de la perte d'un être cher comme ne le sont pas les pauvres ghazaouis. Cette perte est celle de son épouse Neilia et leur enfant dans un accident en décembre 1972. «Bien qu'ayant la plupart du temps l'esprit engourdi, je connaissais parfois de terribles instants lors desquels la souffrance me poignardait aussi sûrement qu'un éclat de verre. Je comprenais comment le désespoir poussait certaines personnes à en finir; le suicide devenait une option raisonnable.» Le suicide...Il avait donc un coeur. Un coeur qui saigne pour les siens. Dur pour les uns, saignant pour les autres. À l'époque il venait d'être élu au Sénat. Pour défendre les droits civiques, disait-il. Il était sensible à toutes les misères humaines, toujours du côté du plus faible, du plus opprimé...Il tenait alors toutes ses promesses pour changer, dans la mesure de ses moyens, l'ordre des choses. Le voilà président, le maître du monde. Biden, le vieux Biden, ne versera pas une larme. Ne pensera pas au suicide évidemment car les ghazaouis ne sont pas la chair de sa chair. Ils sont si loin, si différents Le président qu'il est devenu a-t-il oublié les promesses du jeune sénateur qu'il était? Ce n'est pas l'âge qui a endurci Biden. Il ne fait aucun doute qu'il y a un honnête homme en lui. Alors quoi? Ce qui l'a rendu insensible malgré lui, c'est la peur, oui, la peur des groupes d'intérêts sionistes avec leur capacité de nuisance, avec entre autres, la détention des cordons de la bourse pour son élection. Entre le génocide de quelques milliers de Palestiniens- comme on dirait des mouches- et ses intérêts et ceux de son camp, le choix est fait. La question ne se pose même pas. Il devrait se rappeler de ce qu'a écrit l'un des grands présidents démocrates qu'il admire le plus: John F. Kennedy. Dans son livre, Le courage en politique, publié en 1957 et couronné par le prix Pulitzer, JFK présente des hommes politiques qui ont défendu ce qui leur paraissait être juste contre l'opinion, contre l'adversité et même contre leur propre camp quitte à ruiner leurs carrières et leurs réputations. JFK écrit: «Notre vie politique devient si coûteuse, si mécanisée et si dominée par les politiciens professionnels et par les spécialistes des relations publiques que l'idéaliste qui rêve d'une politique indépendante, se trouve brutalement rappelé au sens des réalités par les nécessités des «élections et de sa carrière.» 60 ans plus tard, Biden lui donne raison.
Pour JFK on ne peut rien mettre au-dessus du courage. Il cite à ce propos la définition de l'écrivain Ernest Hemingway «L'élégance en face de l'infortune». En un mot, défendre ses idées et ses idéaux en gardant la tête haute quelle qu'en soit le prix. C'est ce même JFK, alors sénateur, qui s'était rangé du côté de l'Algérie combattante. Lui savait que l'histoire ne retenait en lettres d'or que ceux qui étaient du côté de l'opprimé. Aujourd'hui Biden se range du côté du colonisateur israélien oubliant les leçons de JFK, les leçons de l'histoire qui n'oublie rien. Surtout pas ceux qui ont manqué de courage, quand ils étaient au sommet de l‘État, pour sauver des vies humaines. Le courage en politique justifie une vie là où l'indifférence la tue.