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LE 4 FÉVRIER 1958, L'ENLÈVEMENT DU POSTE D'EL HORANE

Une grandiose opération

Ce haut fait d'armes réalisé par les combattants de la Zone 2 de la Wilaya III, marquera les mémoires pour la postérité.

Il s'agit de l'une des actions les plus audacieuses réalisées il y a 57 ans, en pleine guerre de Libération nationale, dans une contrée semi-désertique réputée paisible, et où personne n'avait imaginé qu'elle pouvait avoir lieu. Elle le fut pourtant, grâce au courage exceptionnel de tous les acteurs de cet extraordinaire fait d'armes qui s'était soldé par une éclatante victoire que d'aucuns ont par la suite qualifiée de «coup de tonnerre dans un ciel sans nuages» étant intervenue dans le bassin du Hodna, une région au relief plat et dépourvu de toute végétation et où ne parvenait que rarement le bruit des «événements d'Algérie». C'est pourquoi il est important aujourd'hui d'immortaliser cet exploit audacieux et de rendre hommage à tous ceux qui y ont participé en publiant ce témoignage poignant qui relate, dans ses moindres détails sa conception et son déroulement.
Dans cette région rurale à vocation agropastorale, où la population était majoritairement hésitante lorsqu'elle n'était pas totalement vouée à l'influence des messalistes, la stratégie définie pour gagner son ralliement définitif en faveur de la cause nationale et l'inciter à rejoindre la lutte armée, fut de procéder à une série de sabotages des lignes téléphoniques et électriques qui bordent la route reliant M'sila à Hammam Dalâa où était implanté un important et stratégique poste militaire (poste El Horane).
Puis, après avoir constaté ces destructions, les soldats français, comme à leur habitude, étaient venus rechercher les saboteurs parmi les malheureux habitants accusés d'en être les auteurs, avant d'investir brutalement l'intimité de leurs domiciles, en les réprimant sans discernement et sans le moindre ménagement... Comme ce fut d'ailleurs le cas partout en Algérie où la cruauté légendaire de l'armée coloniale française à l'égard de la population était semblable. Elle ne pouvait, au demeurant, trouver vengeance qu'auprès de l'ALN, capable de rendre coup pour coup et d'assurer sa protection! L'enjeu étant capital pour arriver à bout du cauchemar colonial, il n'y avait, malheureusement, pas d'autre choix stratégique pour convaincre et rallier cette population au combat libérateur! D'ailleurs, à partir de ce jour-là, les djounoud étaient bien accueillis et de nombreux volontaires étaient venus renforcer les rangs de l'ALN.

Le plan de bataille
Il s'agit d'une opération visant l'enlèvement du poste militaire ennemi d'El-Horane, au village de Hammam Dalâa (M'sila), distant de 25 kilomètres de M'sila et autant de Béni-Ouagag, lieu choisi pour le regroupement et le repliement de nos forces. En fait, ce camp militaire abrite le poste de commandement (PC) du 2e Escadron du 8e Régiment des spahis. Il est défendu par 33 hommes dont deux gardes-forestiers sous le commandement du lieutenant Olivier Dubos, celui-là même qui, on s'en souvient, avait participé au massacre des habitants de Melouza, le 28 mai 1957.
Le plan d'attaque élaboré dans le secret total, avec l'aval du colonel Amirouche et sous le commandement du lieutenant Mustapha Nouri, adjoint politique de la Zone 2, avait débuté le 4 février, par le regroupement de deux compagnies dans la forêt de Béni-Ouagag. Il s'agit de la troisième compagnie du bataillon de choc de la Zone 2, une unité d'élite commandée par l'aspirant Mohand Arezki Ouakouak, et la compagnie de la Région II. Cette dernière restera en couverture à la limite de son secteur à Béni-Ouagag tandis que l'autre se mettra en route pour rejoindre, à la tombée de la nuit, le lieu de rendez-vous non loin du poste d'El Horane où la compagnie de la Région 1 attendait. Les djounoud, mis au courant juste avant de quitter Béni Ouagag, avaient accueilli la nouvelle avec enthousiasme en se déclarant prêts à en découdre avec les soldats du poste militaire.
La compagnie de la Région I, sous les ordres de l'aspirant Naïmi Benghoche, était déjà sur place, attendant dans les environs du poste. Il y avait là, également, le comité de région en l'occurrence son chef, le sous-lieutenant Rabah Beldjerb et ses adjoints, les aspirants Saïd Saoud dit l'«Hotchkiss», Aïssa Hebid dit «Aïssa Blindé» et Boubekeur Messaoudi. La réalisation de ce plan d'attaque fut entièrement confiée à la compagnie de Région I, ce qui est parfaitement logique, dès lors que l'action se déroulait sur son territoire, renforcée en cela par les troupes d'élite de la troisième compagnie du bataillon de choc.
Il faut savoir que la préparation reposait sur les contacts avec l'élément principal, en l'occurrence le sergent-chef spahis Mohamed Zernouh (1) qui faisait partie du personnel du poste d'El Horane. Elle fut menée quelques mois auparavant par les responsables de la Région I, notamment le sergent-chef des renseignements et des liaisons Abdelhafid Adouane et son chef hiérarchique, l'aspirant Boubekeur Messaoudi. Cependant, grâce à sa complicité, Mohamed Zernouh avait fait preuve d'un courage exceptionnel en faisant parvenir munitions et renseignements à l'ALN avant de permettre à nos unités d'envahir et d'enlever le poste. Pendant ce temps, le lieutenant Mohand-Ourabah Chaïb, chef du bataillon de choc, se trouvant au village d'Ivehlal, au douar Béni M'likèche (Tazmalt) s'apprêtait à dresser une embuscade aux goumiers du poste de Taghalat afin de créer la diversion avant de l'annuler, très vite, en apprenant que le douar Béni M'likèche, niché sur le flan sud du Djurdjura, allait être la destination stratégique (deuxième étape) pour les attaquants du poste d'El Horane.
Voici comment le plan d'attaque avait été élaboré et mis en oeuvre. Trois sections d'appui furent placées en embuscade le long de chacune des routes menant au poste, afin d'intercepter les renforts éventuels. Chacune d'elles étant commandée par le lieutenant Mustapha Nouri, le sous-lieutenant Rabah Beldjerb et l'aspirant Aïssa Hebid, tandis que les autres sections, scindées en quatre groupes, dont chacun était mis sous les ordres d'un aspirant, en l'occurrence les aspirants Naïmi Benghoche, Saïd Saoud, Arezki Ouakouak et Hamid Mezaï en ayant pour mission de donner l'assaut aux objectifs fixés à l'avance, à savoir le réfectoire, la cuisine, le dortoir, l'arsenal et les sept véhicules blindés.
A la tombée de la nuit, l'assaut fut alors donné aux groupes qui se ruèrent vers leurs objectifs respectifs après que Mohamed Zermouh eut ouvert le portail et neutralisé la sentinelle. C'est à ce moment précis que les spahis, se trouvant dans le dortoir, s'apprêtent à rejoindre leurs collègues, déjà installés au réfectoire pour le dîner, ne se doutant pas de ce qui se tramait autour d'eux, à l'intérieur du poste.
Puis, en se rendant compte soudain de l'envahissement de leur cantonnement, les spahis, décidés de résister, se sont aussitôt barricadés à l'intérieur du réfectoire avant d'ouvrir un feu nourri à travers la porte, blessant à l'épaule l'aspirant Saïd Saoud dans sa tentative insensée de forcer l'entrée de la cuisine et tuant Belkacem Adnène (N'Charfa), au moment où celui-ci entrait dans le dortoir.
Pour éviter de perdre du temps et en attendant la reddition des assiégés, toutes les armes entreposées dans l'arsenal, les mitrailleuses de calibre 12-7 et 30, montées sur les véhicules blindés, des caisses d'armes et minutions, ainsi que deux mortiers avec leurs obus, furent chargés sur des mulets. Ces derniers, mobilisés pour la circonstance et conduits par leurs propriétaires (des civils habitant la région), étaient venus attendre leur tour à proximité du poste pour recevoir leur précieux chargement. Le fabuleux butin comptait aussi des fusils américains «Garant», des mitraillettes Mat 49, des pistolets Mac 50, des obus de mortier et des caisses remplies de munitions, de grenades et de mines antipersonnel.

Un immense brasier
A l'issue de laborieux pourparlers menés adroitement en brandissant la menace de les brûler vifs, en aspergeant le réfectoire par du mazout, les 17 assiégés survivants, des jeunes appelés du contingent, dont un garde-champêtre algérien, à leur tête le chef de poste, le lieutenant Olivier Dubos, finirent enfin par se rendre et sortir l'un derrière l'autre, les mains sur la tête en laissant derrière eux les corps de leurs 18 camarades tués au combat.
Le convoi composé de 63 mulets chargés d'armes et de munitions, (chacun de ces mulets est conduit par son propriétaire), avait finalement pris le départ aux environs de minuit, en direction de la base de repli, dans la forêt de Béni-Ouagag qu'il avait atteinte avant l'aube, après une marche forcée de six heures, suivi de près par les combattants et les prisonniers restés légèrement en arrière.
Avant de quitter le poste et disparaître dans l'obscurité, les locaux, les fûts de carburant et les sept véhicules blindés furent la proie d'un immense brasier dont la lueur des flammes était visible depuis la ville de M'sila. Peu après le départ du convoi, un avion de reconnaissance avait tournoyé au-dessus du poste en flammes. Le même avion était revenu, le lendemain matin, survoler vainement tout le secteur, jusqu'à la lisière de la forêt de Béni-Ouagag, à la recherche de traces éventuelles qu'aurait laissées le convoi. Nous avions appris plus tard par la presse locale que l'un des gardes-forestiers, avait réussi à s'échapper en se dissimulant dans le conduit de la cheminée.
L'arrivée du convoi à Béni-Ouagag fut célébrée avec joie par tous les présents. Les prisonniers, épuisés par la marche forcée et une nuit sans sommeil auxquelles ils avaient été soumis, sont maintenant au repos, sous bonne garde des djounoud de la compagnie de la Région II, pendant que les responsables, sous l'autorité du lieutenant Mustapha Nouri, établissaient l'inventaire détaillé du butin.
Pendant ce temps, l'ennemi désemparé après ce fait d'armes extraordinaire auquel il ne s'attendait nullement, se démenait pour savoir comment retrouver la trace des «assaillants» et dans quelle direction les rechercher. Faisant preuve d'intelligence, les organisateurs avaient choisi Béni-Ouagag, comme lieu de repli, sachant que les stratèges ennemis allaient écarter cette destination de leur objectif au motif qu'elle paraissait irréalisable pour qu'un convoi lourdement chargé puisse franchir une distance aussi grande avant le lever du jour. De plus, l'idée de faire usage de mulets pour le transport des armes et des munitions n'ayant pas été prise en compte et pendant qu'ils fouillaient partout dans la direction opposée, le convoi serait déjà bien loin avant qu'ils ne se rendent compte de leur méprise.
Après une journée de repos, le convoi, conduit par la compagnie du bataillon, reprit la route dès la tombée de la nuit en direction du flanc sud du Djurdjura en profitant du couvert forestier qui sépare Béni-Ouagag de Tamelaht pour traverser de nuit, à hauteur de Béni-Mansour, les lignes de chemin de fer, l'Oued Sahel et la Route nationale. Derrière nous, un troupeau de chèvres fut déployé pour effacer les innombrables empreintes de pataugas pouvant être repérées par les patrouilles de la garnison de Tazmalt. Quant aux deux autres compagnies restées à Béni-Ouagag chacune d'elles avait rejoint ses bases.
Le convoi emprunta un itinéraire qui dérouta les forces françaises lesquelles avaient pourtant mobilisé de nombreuses troupes à la recherche des prisonniers et du fabuleux butin. Il traversa ensuite la région d'Iouakouren, jusqu'à Aït Mlikheche où il récupéra le reste du bataillon de la Zone II et son chef, le lieutenant Mohand Ourabah Chaïb, avant de poursuivre paisiblement son chemin à la faveur de la nuit pour atteindre le douar Ighram (Akbou), où il séjourna pendant deux jours, le temps de décharger et de dissimuler une partie du butin et d'exhiber les prisonniers à la population. Après cette halte salutaire, le convoi poursuivra son chemin en direction de la forêt d'Akfadou en passant par le douar Chellata et celui d'Ouzellaguen. Au sixième jour, le convoi arriva enfin à sa destination, accueilli par le colonel Amirouche manifestement satisfait de ce coup terrible porté à l'ennemi.
Au fur et à mesure de la progression et à chaque étape, quelques mulets sont délestés de leur chargement que le chef du village dissimulera dans des abris souterrains. Leurs propriétaires, des sympathisants de la région de Hammam Dalâa, Dréat et Khrabcha, libérés d'une mission fièrement accomplie, s'en retournèrent chez eux, en toute quiétude, enfourchant leur mulet sans susciter le moindre soupçon.
L'enlèvement du poste militaire d'El Horane est, sans conteste, l'une des actions les plus spectaculaires réussies par l'ALN. Aujourd'hui, nous sommes persuadés que ce haut fait d'armes réalisé par les combattants de la Zone 2 de la Wilaya III, marquera les mémoires pour la postérité. Mais qui s'en souvient aujourd'hui en dehors des gens de la région qui ont vu ce qui s'était passé? Qui le commémore? Qui parle de cet acte héroïque qui a marqué nos esprits?...

(1) Né en 1924 à Zaâfrane (Djelfa), il sera nommé plus tard lieutenant, chef du bataillon de choc de la Zone 2, en remplacement du lieutenant Hocini Lahlou tombé au champ d'honneur lors de l'embuscade d'Izouel (Tikjda) le 28 mai 1958, après avoir lui-même succédé à Chaïb Mohand Ourbah mort au combat à la fin février 1958 dans la bataille d'Ouzellaguen. Zernouh Mohamed conduira ensuite le bataillon de choc dans les Aurès en compagnie du commando Ali Khodja de la wilaya IV où ils séjourneront jusqu'au début de janvier 1960. Il tombera au champ d'honneur à l'âge de 46 ans, en avril 1960, au milieu de ses djounoud dans une bataille près d'El-Kseur (Bejaïa).

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