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Le président de la république A accordé un long entretien au journal français l'Opinion

Tebboune assène ses vérités

«Je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je n'insulterai jamais votre pays.»

Égal à lui-même, le président Tebboune ne répond pas à côté des questions. Usant d'un ton franc, direct et sans fioriture, il qualifie le climat des relations entre Alger et Paris de «délétère». Dans l'entretien qu'il a accordé au quotidien français l'Opinion, il n'a rien dissimulé de son désir d'éviter l'irréparable avec la France, notamment. «Je maintiens le cheveu de Mu'awia», dit-il. Il n'a pas hésité à exprimer des regrets à voir l'état des relations entre Alger et Paris. «Nous perdons du temps avec le président Macron», après un espoir raisonnable de «dépasser le contentieux mémoriel. C'est pour cela que nous avons créé, à mon initiative, une commission mixte pour écrire cette histoire qui nous fait encore mal». Cette initiative poursuivait l'objectif de «dépolitiser ce dossier».
La voie choisie était la meilleure pour empêcher la pollution du dialogue mémoriel. Sur le sujet, le chef de l'État a ouvert une sérieuse piste et s'y est engagé. «J'ai même reçu deux fois l'historien Benjamin Stora (qui) a toute mon estime et réalise un travail sérieux avec ses collègues français et algériens sur la base des différentes archives», a indiqué le président de la République. «Bien que j'aie déploré que l'on n'aille pas assez au fond des choses», la bonne volonté y était. Dans cette courte période d'embellie des relations entre les deux pays, les échanges politiques étaient intenses.
Et le président Tebboune qui a reçu Elisabeth Borne, alors Première ministre, «femme compétente connaissant ses dossiers», précisera-t-il, n'a pas moins constaté que, depuis lors, «plus rien n'avance, si ce ne sont les relations commerciales».
Regrettant le fait que «le dialogue politique est quasiment interrompu», Abdelmadjid Tebboune a pointé les «déclarations hostiles, tous les jours, de politiques français, comme celles du député de Nice Eric Ciotti, ou du membre du Rassemblement national (Jordan Bardella)». Et rien qu'à l'idée que «ces personnes aspirent un jour à diriger la France», il est clair que le présent des relations entre les deux pays ne peut être qualifié que de «délétère», comme l'a souligné le chef de l'État.
Mais il n'en demeure pas moins que «personnellement, je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je n'insulterai jamais votre pays», précise-t-il, soulignant qu'«il y a des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons en France, comme Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin». Ce dernier «a bonne presse dans tout le monde arabe, parce qu'il représente une certaine France qui avait son poids», a fait remarquer le président de la République. Tout l'aréopage de cette France du dialogue doit pouvoir «s'exprimer. Et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes (lui) couper la parole et (l')humilier», a relevé le chef de l'État, non sans cibler particulièrement «les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l'image de l'Algérie». La critique est fondée et remet en cause l'éthique d'une certaine presse française. Et, à ce niveau aussi, Abdelmadjid Tebboune sait faire la différence entre le bon grain et l'ivraie. «Nous n'avons aucun problème avec les autres médias, qu'ils soient du secteur public ou privé», a-t-il assuré.

«La République française, c'est d'abord son Président»
Une attitude responsable qui renvoie à la volonté du chef de l'État algérien de n'être jamais dans le camp de l'invective, quand bien même en France la minorité de l'extrême droite, représentée par Marine Le Pen, voudrait appliquer la méthode Trump sur la Colombie à l'Algérie. Lui rappelant que les États-Unis n'ont pas colonisé la Colombie et que la démarche de Trump ne ciblait pas une nationalité particulière, il s'est «interrogé sur la manière dont Madame Le Pen va s'y prendre si elle parvient au pouvoir. Veut-elle une nouvelle rafle du Vel d'Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter»? L'interrogation est très opportune. Marine Le Pen est l'héritière idéologique du régime de Vichy. Sa détestation des Algériens pourrait l'amener à reproduire les méthodes de Pétain. Face à l'hystérie organisée par l'extrême droite, Abdelmadjid Tebboune ne cède pas à la facilité langagière et demeure ouvert au dialogue, à condition que des signes probants viennent de l'Élysée. «Pour moi, la République française, c'est d'abord son Président», dira-t-il, mettant en évidence la responsabilité d'Emmanuel Macron. Cela est clairement établi lorsqu'on prend en compte le discours émanant de «certains politiciens» qui exercent aujourd'hui le pouvoir.
Ils «prennent le prétexte de la remise en cause des accords pour s'attaquer à ces accords d'Évian qui ont régi nos relations à la fin de la guerre. Ces accords de 1968 sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade», dont est issu Jean-Marie Le Pen. L'allusion est on ne peut plus claire. Et le propos démasque une volonté de prise de pouvoir en jouant sur le thème de la haine de l'Algérien. À ce propos, il a démonté les arguments de la députée européenne d'extrême droite Sarah Knafo sur les aides au développement, assurant que l'Algérie a effacé 1,4 milliard de dollars de dettes de pays africains, qu'elle assure des bourses à 6 000 étudiants africains, qu'elle réalise une route en Mauritanie qui coûtera plus d'un milliard de dollars...
Les aides au développement, comme la prétendue dette due aux hôpitaux français, n'ont donc aucun sens. Le Président a balayé ce discours qui ne pourra jamais passer. «Le budget de l'Algérie est de 130 milliards de dollars et nous n'avons pas de dette extérieure», a expliqué le chef de l'État. Dans cette même logique d'acharnement, la Mosquée de Paris a été la cible d'attaques de la part de l'extrême droite, notamment sur le dossier du label Halal.
Le sujet a glissé sur la relation qui lie la Mosquée à l'État algérien. Lequel, a précisé le chef de l'État, «n'a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l'entrisme à la Grande Mosquée et a toujours pris en charge son entretien». Et d'ajouter: «La Grande Mosquée n'est pas une officine» et «le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l'État français».

«Vous n'allez rien gagner et vous allez nous perdre»
Dans les rapports problématiques entre l'Algérie et la France, il y a l'important chapitre des essais nucléaires pratiqués par l'armée française dans le Sud algérien. «Le dossier de la décontamination des sites d'essais nucléaires est obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire», a insisté Abdelmadjid Tebboune. «Nous estimons que l'Algérie doit le faire avec la France, qui doit nous dire avec précision les périmètres où ces essais ont été réalisés et où les matériaux sont enterrés», a-t-il précisé, même si «nous pouvions le faire avec les Américains, les Russes, les Indonésiens, les Chinois».
Sur l'attitude d'Emmanuel Macron dans le dossier sahraoui, qui a mis le feu aux poudres, le président Tebboune a apporté une révélation de taille.
«Nous avons parlé avec le président Macron plus de 2 heures 30 en marge du Sommet du G7 à Bari, le 13 juin dernier. (...) Il m'a alors annoncé qu'il allait faire un geste pour reconnaître la marocanité du Sahara occidental, ce que nous savions déjà. Je l'ai alors prévenu: ‘'Vous faites une grave erreur. Vous n'allez rien gagner et vous allez nous perdre.'' La suite, l'opinion la connaît.» La question du Sahara occidental a amené le sujet des relations avec le Maroc. À ce propos, le chef de l'État a notamment affirmé: «Nous leur avons récemment interdit le survol de notre espace aérien parce qu'ils réalisent des exercices militaires conjoints avec l'armée israélienne à notre frontière, ce qui est contraire à la politique de bon voisinage que nous avons toujours essayé de maintenir.»
À l'international, et précisément le dossier palestinien, le président de la République s'est voulu clair en répondant à la question sur la normalisation, en relevant que, pour ce qui concerne l'Algérie, celle-ci sera effective «le jour même où il y aura un État palestinien (...). Mes prédécesseurs, les présidents Chadli et Bouteflika, que Dieu ait leurs âmes, avaient déjà expliqué qu'ils n'avaient aucun problème avec Israël», ajoutant: «Notre seule préoccupation, c'est l'instauration de l'État palestinien.»

«La voie sera tracée»
Sur les sujets du voisinage, le président de la République n'a éludé aucune question, précisant que «l'Algérie ne cherche pas à administrer le Mali, que nous considérons comme un pays frère et pour lequel notre main sera toujours tendue».
De même pour la Tunisie, qui «n'a pas de sérieux problèmes en dehors d'un endettement et d'une croissance faible. Nous l'aidons, autant que nous le pouvons, parce que c'est un excellent voisin qui a subi les bombardements de l'aviation coloniale à cause de son soutien à la Guerre d'indépendance algérienne».
Au plan de la politique interne, le chef de l'État n'a esquivé aucune question et souligné que «nous allons trouver un consensus pour réformer la loi sur les partis, le système électoral, les codes régissant les communes et les wilayas».
Un travail qui s'accomplit dans le dialogue et la concertation avec les concernés. «Nous allons aussi renforcer l'économie de ces régions en créant une banque des collectivités locales», a assuré Abdelmadjid Tebboune qui a annoncé sa ferme intention de respecter la Constitution. Son actuel mandat est donc le dernier et, comme héritage, il dit souhaiter «laisser des infrastructures nouvelles, de grands chantiers et une réforme du système politique». Et de finir sur une parole qui résume assez bien sa personnalité: «Même si je n'ai pas tout réussi, j'aurai eu le mérite de montrer aux Algériens que cela était possible. La voie sera tracée. Ce sera aux générations futures de parachever le travail.»

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