À qui la faute ?

Nos bateaux ne s'aventureraient pas en haute mer. Résultat: avec plus de 1600 km de côtes parmi les moins polluées de la Méditerranée, le poisson se fait rare et est hors de prix en Algérie. La sardine, qui ne manquait pas à la table des foyers les plus modestes, s'est hissée au rang de poisson de luxe. Son prix oscille actuellement autour des 1000 dinars le kilogramme lorsque ce n'est pas plus. Son importation afin de dégonfler les prix dans le but de la proposer à 500 DA le kg a apparemment fait pschitt.
L'initiative a été inaugurée en grande pompe durant le mois du Ramadhan. Une opération pilotée par le secteur de la pêche et des productions halieutiques qui a touché plusieurs wilayas sont concernées dans le cadre de la vente solidaire des produits halieutiques. L'opération n'a vraisemblablement provoqué, ni vagues, ni remous, ni abondance sur les marchés et encore moins fait baisser les prix. Le secteur de la pêche ne répond pas aux attentes du consommateur tout en demeurant à la traîne du point de vue du développement économique alors qu'il pourrait en être à la pointe. Et ce ne sont pas des «interventions» de circonstance qui vont régler le problème. Le mal est plus profond. Les responsables qui s'y sont penchés n'ont pourtant pas été avares d'annonces qui laissaient penser à une amélioration de cette situation.
Le diagnostic était-il faux? De quoi souffre le secteur pour être à ce point contre performant? Le secrétaire général au ministère de la Pêche et des Productions halieutiques, apporte un éclairage pour expliquer la hausse des prix et la faible disponibilité du poisson sur le marché, notamment. Une conjoncture qui découlerait de la stagnation de la production halieutique nationale depuis plus de 30 ans, alors que la demande n'a cessé d'augmenter.
«La production halieutique nationale est figée depuis les années 90, avoisinant les 100000 tonnes par an, selon une étude menée, en 2023, par un comité d'experts», a déclaré Farid Harouadi sur les ondes de la chaîne 3 de la Radio nationale. Comble de l'ironie, même le nombre de navires de pêche qui a doublé en vingt ans, passant de 2550 en 2000 à 6200 en 2020, n'a pas réussi à booster la production. Comment l'expliquer? Cette contradiction déconcertante s'explique par le fait que l'activité de pêche en Algérie s'est limitée aux seules zones côtières, où la biomasse «pêchable» est estimée à 187 000 tonnes, tandis que les professionnels ne sont pas équipés pour exploiter les zones en haute mer, qui regorgent de poissons, a fait constater le SG du ministère de la Pêche. Envisage-t-on d'y remédier?
L'Algérie mise sur la prospection et l'exploitation de nouvelles zones en haute mer en introduisant des navires adaptés et équipés pour la grande pêche, a indiqué Farid Harouadi faisant référence à ce propos, à l'instruction du président de la République d'importer des navires de plus de 40 mètres capables de naviguer de 15 à 30 jours au large des côtes algériennes.
L'objectif étant d'augmenter la production nationale de 50% à l'horizon 2026. Il faut noter aussi qu'une prise de mesures d'urgence pour la relance du secteur de la pêche avait déjà été ordonnée par le chef de l'État lors d'un Conseil des ministres qui s'est tenu le 3 octobre 2021. Elles ont notamment pour objectif de promouvoir l'investissement dans la pisciculture, et d'encourager les producteurs par tous les moyens disponibles à travers la création de coopératives halieutiques et de réduire de 19% à 9% le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les produits halieutiques. Abdelmadjid Tebboune avait insisté à cette occasion sur la relance des projets de construction navale avec les partenaires étrangers, l'Espagne et l'Italie en particulier, et de se focaliser sur l'aquaculture et la pêche en haute mer pour booster la production halieutique. Il faut savoir que la production aquacole marine actuelle est estimée à moins de 7000 tonnes, alors que son potentiel est de 120000 tonnes. On est encore loin du compte...