Gérant 42,8 milliards de dollars, elle «doit fermer»
Séisme à l’Agence américaine pour le développement
Des experts ont mis en cause lundi la légalité de cette décision de fermer l’agence pour le développement et sa mise sous tutelle. « Le président n’a pas l’autorité légale de l’abolir ou de la transférer unilatéralement au département d’Etat», écrivent Matthew Kavanagh et Luis Abinader, parlant de «désastre pour la politique étrangère américaine».

L’homme le plus riche du monde, Elon Musk, chargé par le président Donald Trump de faire le ménage au sein du gouvernement fédéral, a déclaré lundi que l’Agence américaine pour le développement international (Usaid), qui gère des milliards de dollars d’aide à travers le monde, allait «fermer», une mesure extraordinaire jugée illégale par ses détracteurs. Quelques heures plus tard, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, annonçait depuis le Salvador où il est en déplacement la mise sous tutelle de l’agence. « Je suis le directeur par intérim de l’Usaid», a déclaré Rubio aux journalistes, dénonçant «le niveau d’insubordination» au sein de l’agence pour le développement. Il a indiqué que nombre des opérations de l’Usaid seraient maintenus tout en l’accusant d’agir comme si elle était une «entité non gouvernementale indépendante», au détriment des objectifs de politique étrangère du président américain. Elon Musk avait indiqué avoir le soutien total de Donald Trump, qui a lui-même estimé dimanche que l’Usaid était «dirigée par une bande de fous extrémistes». De fait, les employés de l’Agence, qui gère des programmes d’aide dans quelque 120 pays, ont reçu l’ordre par courrier électronique de ne pas se rendre à leur bureau lundi. Quelque 1000 employés ou contractuels se sont retrouvés bloqués hors de leurs systèmes informatiques, a rapporté Devex, une plate-forme spécialisée dans le développement. Une cinquantaine de personnes ont manifesté devant le siège de l’organisation à Washington avec des pancartes lisant: «Sauvez l’Usaid, sauvez des vies» ou «L’Usaid aujourd’hui, qui sera le prochain». Un employé de l’Usaid, qui a souhaité rester anonyme, a parlé de «chaos total» lundi matin au sein de cette agence, qui joue un rôle crucial dans la distribution de l’aide étrangère des États-Unis, premier pourvoyeur d’aide dans le monde.
Le compte X d’Usaid a été suspendu et son site Internet est hors service, alors que plusieurs hauts responsables de l’agence ont été placés en congé administratif dès samedi soir. « Ce n’est pas juste que le ver est dans le fruit (...) c’est sans espoir. Il faut se débarrasser de l’ensemble. C’est pour cela qu’elle doit disparaître. C’est irrémédiable», a déclaré Elon Musk lors d’une session vidéo sur X vers minuit heure de Washington (05h00 GMT lundi). Selon lui, Donald Trump «est d’accord que nous devrions fermer» l’Usaid. « Je l’ai interrogé en détail et il a accepté que nous le fermions», a affirmé Musk.
Les attaques contre cette agence, qui avait déjà vu ses crédits gelés, entrent dans le cadre d’une traque sans merci contre les dépenses publiques, engagée par Elon Musk, à qui le président américain a conféré des pouvoirs sans précédent dans l’histoire politique moderne des États-Unis. Elon Musk avait déjà multiplié dimanche les propos acerbes contre Usaid sur sa plate-forme X, la qualifiant d’«organisation criminelle».
Le patron de Tesla et SpaceX a ensuite affirmé sans preuve: «Saviez-vous qu’avec l’argent du contribuable, l’Usaid a financé des recherches sur les armes biologiques, dont le Covid-19, qui a tué des millions de personnes ?» Des experts ont mis en cause lundi la légalité de cette décision de fermer l’agence pour le développement et sa mise sous tutelle.
« Le président n’a pas l’autorité légale de l’abolir ou de la transférer unilatéralement au département d’État», écrivent dans un mémo Matthew Kavanagh et Luis Abinader, du Centre d’études des politiques publiques en matière de santé de l’université Georgetown, parlant de «désastre pour la politique étrangère américaine».
Des élus démocrates se sont dits furieux lundi. « C’est un abus de pouvoir corrompu. Ce n’est pas seulement un cadeau à nos adversaires, mais essayer de fermer l’Agence pour le développement international par décret est tout simplement illégal», a déploré le sénateur démocrate Chris Van Hollen. Dès son investiture le 20 janvier, le président américain a suspendu l’aide étrangère pendant trois mois, le temps d’un réexamen complet de celle-ci notamment pour traquer les programmes favorisant la diversité ou l’avortement. Son secrétaire d’État, Marco Rubio, avait très vite fait part d’exemptions pour l’Égypte, Israël et l’aide alimentaire d’urgence. Devant le tollé et l’inquiétude suscitée dans les milieux humanitaires et à l’étranger, il avait ensuite élargi cette exemption à l’aide humanitaire essentielle. Agence indépendante créée par une loi du Congrès américain, l’Usaid gère un budget de 42,8 milliards de dollars, destiné à l’aide humanitaire et l’aide au développement à travers le monde.