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Le Centre d'études et de documentation franco-sahraoui réagit au scandale du marocogat

Parlement européen ou république bananière?

Le parquet fédéral belge a ouvert une enquête sur des allégations de blanchiment de capitaux, de corruption et de participation à une organisation criminelle impliquant une vice-présidente du Parlement européen, des euro-parlementaires ainsi que des employés du Parlement européen.

Cette enquête a révélé une implication de l'état du Qatar et du Royaume du Maroc. Le Parlement européen a proposé une résolution pour dénoncer et rejeter fermement ces tentatives de corruption, mais cette résolution ne mentionne pas le Maroc. Et bien que le ministre de la Justice belge accusât nommément les services secrets du Maroc, l'amendement soumis par le groupe «the Left», pour inclure le Maroc, n'a pas obtenu la majorité requise pour être adopté.
Cela est grave. Car on voit au grand jour les «amis obligés» du Maroc, au Parlement européen, faire front uni pour préserver un partenaire, servile mais peu fiable (le Maroc est régulièrement critiqué, pour son manque de respect des droits de l'homme et son faible indice de développement humain); et qui mène un travail de sape des principes de démocratie, de justice et d'équité du Vieux Continent. La présidente du Parlement, Roberta Metsola, demande à combattre la corruption, ce qui s'avère difficile étant donné la corruption par le Maroc de certains députés via des vacances luxueuses, des cadeaux et de l'argent illégal.
Les particularités de ce scandale
Pourtant, d'autres pays ont utilisé des moyens financiers pour influencer les institutions internationales ou des gouvernements tiers. Mais cela a été restreint et limité. La corruption par le Maroc (Maroc-Gate) est particulière car il implique une structure tentaculaire, de nombreux acteurs, des sommes colossales et sur une longue durée. Et elle porte sur un domaine clé. Il s'agit du domaine législatif d'une organisation continentale. C'est le vote de traités internationaux portant sur plusieurs années, impliquant plusieurs pays et concernant plusieurs centaines de millions de consommateurs européens. Là réside l'une des particularités de cette véritable industrie de la corruption.
L'étendard de cette corruption est une ONG appelée «Fight Impunity». Cette structure, prétendant lutter contre les violations des droits de l'homme, est en réalité utilisée par les services secrets marocains pour «acheter» des votes visant, entre autres, à promouvoir le pillage des richesses du Sahara occidental (occupé à 70% par le Maroc), en violation du droit international. Dirigée par l'ex-député socialiste italien Pier Antonio Panzeri, son conseil d'administration comprend des politiques de «haut pédigrée», tels que l'ancien chef de gouvernement français, Bernard Cazeneuve et l'ancienne haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères Federica Morghini. Et bien que l'ONG ne soit pas inscrite au registre de transparence de l'UE, elle a travaillé très fréquemment avec la socialiste Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l'homme.
Un fait frappant saute aux yeux: cette ONG est la seule parmi les 12 500 ONG à avoir en son conseil d'administration, un ancien Premier ministre et qui est en même temps président d'un think tank juridique («Club des Juristes»). Et qui, comble de l'ironie, préconisait d'introduire dans le droit de l'Union européenne une obligation de conformité, en matière de lutte contre la corruption. Cette présence au conseil, donne à cette ONG un avantage, plus que certain, dans les «aréopages» politiques et fonctionnaires de l'UE.
Les éléments de l'enquête, connus au jour de l'écriture de cette note, démontrent que M. Panzeri et l'eurodéputé M. Andrea Cozzolino (président de la Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb) prenaient leurs ordres de la Direction générale des études et de la documentation (Dged), c'est-à-dire les services secrets marocains, et à leur tête, M. Mohammed-Yassine Mansouri, un ami personnel du roi du Maroc, Mohammed VI. L'analyse de la typologie de l'appartenance parlementaire des corrompus semble indiquer que la majorité des euro-parlementaires corrompus soit issue du groupe S&D (dont font partie le Psoe espagnol et le Parti socialiste français), bien que des parlementaires de groupes de droite «fassent aussi partie du lot». Cela expliquerait pourquoi l'amendement de la gauche européenne, demandant la dénonciation du Maroc n'a pas été adopté. Désormais, certains députés UE se demandent, qui au sein des socialistes européens avait, à l'époque, donné l'ordre de voter contre l'attribution du prix Sakharov(année 2021) à une défenseure des droits de l'homme (Me Sultana Khaya) au profit d'une candidate d'extrême droite bolivienne poursuivie pour génocide et condamnée pour coup d'État.
Une «ingénierie socio-corruptrice»
On voit que le Maroc s'est doté d'une structure de corruption efficace. Cette «machine corruptrice» est bien huilée, car elle a été éprouvée au cours du temps et de l'espace. En effet, la corruption au Maroc est ancrée et institutionnalisée, elle est un comportement normal qui ne choque personne. Elle est présente dans tous les domaines, y compris dans les élections et les appels d'offres d'entreprises. Ainsi, lors des dernières élections, les partis politiques marocains PAM et PJD ont accusé publiquement le parti RNI de corrompre des électeurs et des superviseurs de bureau de vote. Le président de ce même RNI, Aziz Akhanouch, et actuellement Premier ministre, a d'ailleurs été récemment accusé de tentative de corruption par un ex-député européen. Autre exemple de la prégnance de celle-ci: l'économie; où durant la pandémie de la Covid, les pouvoirs publics ont été accusés d'«assouplir les procédures de passation de marchés publics», ce qui a pour conséquence de faciliter la corruption.
Donc la corruption est un fait systémique au Maroc, tolérée et même indirectement encouragée par les autorités. Ainsi, l'instance créée pour lutter contre la corruption n'a pas les moyens ni l'indépendance nécessaires pour remplir sa tâche. Les journalistes et intellectuels qui dénoncent cette corruption sont souvent réprimés. Pour décrire cette situation on utilisera le terme d'»ingénierie socio-corruptrice», qui consiste à utiliser des subterfuges et des moyens de corruption, de manière systémique, sous la direction de l'appareil sécuritaire (les services secrets, au sens large), et touchant tous les aspects de la société.
Des éléments de l'enquête, on conclut que plusieurs ministères et experts marocains ont été impliqués dans cette corruption, notamment le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie, le ministère du Tourisme marocain, le ministère de l'Intérieur, les experts du ministère de la Justice marocain et des experts en science/psychologie sociale. Cette «ingénierie socio-corruptrice» n'est d'ailleurs pas limitée à l'Europe. Elle a débuté dès les années 1990 avec l'accès par le Maroc à des documents sensibles dans une instance internationale; celle de la commission d'identification de l'ONU, lui permettant ainsi, de saboter l'organisation du référendum au Sahara occidental. En effet, c'est à cette époque que l'ancien secrétaire général de l'ONU, M. Pérez de Cuellar, a demandé la modification du rapport de la future liste des votants, pour le rendre plus favorable au Maroc. À la suite de quoi, il a été nommé vice-président d'une filiale d'une holding marocaine (ONA).
Le Maroc utilise donc couramment la corruption pour influencer les décisions politiques à l'extérieur de ses frontières, notamment à travers des structures telles que des instituts ou des ONG. La Fondation EuroMedA (fondation dirigée par d'anciens ministres marocains) est l'une des plus importantes en Europe, vu l'importance de ses membres et ses ramifications. Elle a été très active dans cette «ingénierie» mise en place par le Maroc pour faire passer l'extension de l'accord de commerce Maroc/UE au territoire du Sahara occidental occupé, comme légitime auprès des députés européens. Cet accord, illégal, car incluant les produits de cette partie occupée, a d'ailleurs été annulé par la Cour de Justice européenne en 2021. Parmi les personnalités gravitant autour ou au sein d'EuroMedA, on retrouve l'eurodéputée Frédérique Ries, l'ex- eurodéputé Gilles Pargneaux, et Patricia Lallonde, des habitués des voyages au Maroc.
Me Lallonde, siégeait au conseil d'administration d'EuroMedA, tout en étant rapporteur du Parlement européen sur la proposition d'étendre ledit accord commercial UE-Maroc au Sahara occidental occupé! Ce territoire, rappelons-le, est illégalement occupé par le Maroc.
Il s'agit donc là, d'un conflit d'intérêts manifeste chez des eurodéputés qui siègent dans des structures de pays étrangers, contre gratifications matérielles et pécuniaires. Et ce contrairement aux recommandations du code de conduite des parlementaires de l'UE. Et cela est d'autant plus grave que ce conflit d'intérêts, cette corruption, visent à spolier les richesses du Peuple sahraoui, et à rendre les citoyens européens complices. Complices d'une colonisation illégale et d'un greenwashing des produits agricoles et halieutiques (vu la méthodologie de production et de pêche employée), prélevés sans le consentement du Front Polisario, seul représentant du Peuple sahraoui.
Pourquoi et comment?
La corruption existe depuis longtemps, ainsi celle de l'Église catholique au Moyen Âge qui a contribué à la dislocation de l'Église et à la montée du protestantisme. Les pays protestants ont un faible indice de corruption comparé aux pays catholiques. La plupart des corrompus de l'UE, par le Maroc, viennent de pays latins et catholiques. Tels les vendeurs d'«indulgences», les corrompus, en utilisant leurs privilèges législatifs ont trahi les citoyens européens.
Face à cette «machina» marocaine, aux conséquences socio-économiques et internationales, Il faut comprendre les causes sous-jacentes, et pas seulement le récit des corrompus. Pourquoi cela a duré si longtemps? Est-ce l'absence de codes éthiques? Est-ce intentionnel? Est-ce la faible protection dont bénéficient les lanceurs d'alertes?
Récemment un «Parquet UE», pour lutter contre la corruption, a été créé. Mais ses actions sont limitées aux infractions touchant le budget de l'UE. Pourtant,l'UE n'est pas démunie contre ce fléau. En effet, le «code de conduite des eurodéputés», s'il devenait obligatoire, limiterait sûrement le feu l'Hydre de Lerne de la «machina marocaine». Et il deviendrait pro-actif s'il était renforcé par des mesures de protection des lanceurs d'alertes.
Citoyens que nous sommes, nous devons dénoncer le manque criant de réaction en Europe, et notamment au Parlement européen, face à ce grave délit. Certes, les parlementaires ont créé une commission d'enquête, mais en même temps ils ont refusé de dénoncer le Maroc, malgré son implication plus importante que celle du Qatar. Ceci n'augure rien de bon en matière de lutte contre ce fléau digne d'une république bananière.
Espérons que le discours de la présidente de l'UE sera suivi d'actes concrets pour l'avenir, mais aussi pour remettre en cause les conséquences de ces «votes volés» par des corrompus et puisse redonner la dignité aux peuples européens. Car balayer la poussière sous le tapis renforcerait l'impunité et le discours «tous pourris»; criminel face à la montée des extrêmes droites.

 

 


*Directeur du Centre d'études et de documentation franco-sahraoui
 Mohamed OULD CHERIF*

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