Après la prise d’Alep
Les conséquences de l’offensive rebelle
Des groupes rebelles emmenés par les terroristes de Hayat Tahrir al-Cham poursuivent l'escalade militaire en Syrie, après avoir conquis Alep, deuxième ville du pays qui échappe au contrôle total de Damas pour la première fois depuis 2011.
L'offensive a été lancée le 27 novembre par une coalition dominée par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
«Les forces du régime se sont retirées de leurs positions (...) sans livrer de résistance significative», a estimé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Pour Jérôme Drevon, expert de l'International Crisis Group (ICG), l'offensive visait initialement à «tester (...) les lignes de défense du régime».
L'avancée fulgurante des insurgés leur a permis de réaliser que «le régime était plus faible que ce qu'ils pensaient», ajoute-t-il.
La prise d'Alep montre aussi «que l'Iran et la Russie soit n'ont pas pu protéger le régime sur un point essentiel qui est la capitale économique», estime-t-il.
La perte de la métropole constitue un revers d'autant plus cuisant que le gouvernement, épaulé par Téhéran et Moscou, n'avait épargné aucun effort pour reprendre en 2016 ses quartiers orientaux tenus par la rébellion, au prix d'un long siège et de sanglants combats. En parallèle à l'offensive de HTS, des rebelles soutenus par Ankara ont lancé, dès samedi, une nouvelle opération qui leur a notamment permis de prendre l'enclave de Tal Rifaat (nord), auparavant aux mains des Kurdes, bête noire de la Turquie.
Les combats ont poussé des dizaines de milliers de Kurdes de Tal Rifaat à fuir vers des territoires «autonomes» tenus par la minorité, plus à l'est.
Samedi, le président Bachar al-Assad a juré de «vaincre» les «terroristes» avec «l'aide de ses alliés». Mais si la donne avait changé? Moscou est absorbé par l'opération spéciale en Ukraine et Téhéran par une situation régionale explosive qui a affaibli ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah au Liban, après deux mois de guerre avec l'ennemi sioniste et ses alliés occidentaux.
Les terroristes et rebelles ont choisi le moment «idéal» pour lancer leur offensive, estime Hans-Jakob Schindler, du think tank Counter-Extremism Project (CEP), tant la Russie, l'Iran, ou le Hezbollah «ont d'autres problèmes à régler en ce moment».
Téhéran et Moscou ont toutefois promis à leur allié syrien un «soutien inconditionnel». Selon le Kremlin, ils ont «souligné l'importance de coordonner» leur action avec la Turquie, qui soutient des rebelles et contrôle des territoires frontaliers dans le Nord syrien. Peu présente les premiers jours, l'aviation russe a annoncé, dimanche, soutenir l'armée syrienne «pour repousser l'agression terroriste» dans le Nord syrien. L'Iran a, lui, confirmé maintenir ses «conseillers militaires» au côté de l'armée.
Pour sa part, la Turquie, qui, selon certains experts, a donné son feu vert à l'offensive sur Alep, a estimé par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, que Damas devait «parvenir à un compromis avec son propre peuple et l'opposition légitime». «Alep semble perdue pour le régime. À moins de lancer prochainement une contre-offensive», estime Aron Lund, du centre de réflexion Century International. Or, «un gouvernement sans Alep n'est pas vraiment un gouvernement fonctionnel en Syrie», résume-t-il.
L'escalade en cours rompt le calme précaire dans le Nord syrien, qui régnait depuis 2020 grâce à un cessez-le-feu négocié par Moscou et Ankara. Mais si les armes s'étaient tues, aucune résolution politique, et durable, du conflit n'était en vue.