Joseph Aoun est élu président de la République
Le Liban «entre dans une nouvelle ère»
Fort d’un parcours militaire exemplaire et auréolé par une réelle popularité au sein du peuple libanais tout entier, le nouveau chef de l’État n’en constitue pas moins une énigme politique.
Et l'improbable est devenu un fait. Jeudi, le Parlement libanais a tranché en seulement deux heures pour donner au pays un nouveau président de la République en la personne du chef d'état-major de l'armée, le général Joseph Aoun. Rappelons qu'il n'y a aucun lien de parenté entre le nouveau chef de l'Etat et son prédécesseur, également chef de l'armée avant de venir président, Michel Aoun dont le mandat avait expiré en octobre 2022. Depuis, les formations politiques étant en total désaccord sur la liste des prétendants, les députés n'ont pu se départager et élire un nouveau chef de l'État alors que le Liban s'enfonçait dans une crise profonde, à la fois politique et économique, crise qui sera vite aggravée par les agressions de l'entité sioniste toujours à l'affût pour s'emparer de nouveaux territoires dans les pays voisins. Le succès de jeudi dernier aura été rendu possible par un «axe de la résistance» en perdition, le Hezbollah qui disposait d'un rôle majeur, tant au plan militaire que politique ayant subi de sérieux revers face aux attaques sionistes. Outre le fait que son chef charismatique, Hassan Nasrallah, et d'autres dirigeants sont tombés en martyrs, le Liban a également pâti des bouleversements intervenus en Syrie.
Le général Joseph Aoun, commandant en chef de l'armée, a donc été élu jeudi président de la République, après une vacance de plus de deux ans à la tête du pays. Il a recueilli 99 voix sur les 128 que compte le Parlement au terme d'une rencontre entre les représentants des blocs du Hezbollah et d'Amal, le parti de Nabih Berry, également président de la Chambre des députés, et le général Aoun lui-même. Il a de ce fait obtenu la majorité nécessaire pour l'emporter, n'ayant recueilli lors du premier tour du scrutin que 71 voix, une trentaine d'élus ayant voté blanc. Pour son entrée au palais présidentiel de Baabda, il a eu droit au tapis rouge et à 21 coups de canon qui scellent le fait que le pays est entré dans «une nouvelle ère». Joseph Aoun est ainsi le cinquième commandant en chef de l'armée libanais à accéder au poste suprême, après les mandats de Fouad Chehab (1958-1964), Emile Lahoud (1998-2007), Michel Sleiman (2008-2014) et Michel Aoun (2016-2022).
Des deux prétendants qui avaient le vent en poupe en 2022 et 2023, Gebran Bassil, gendre de Michel Aoun et chef de son parti, le CPL, est celui qui a le plus de mal à «encaisser» la donne. Sleiman Frangié, porté par le Hezbollah et Amal, avait anticipé quant à lui le courant et apporté son soutien, dès mercredi matin, à Joseph Aoun. Fort d'un parcours militaire exemplaire et auréolé par une réelle popularité au sein du peuple libanais tout entier, le nouveau chef de l'État n'en constitue pas moins une énigme politique. Bien malin sera celui qui pourra le situer sur l'échiquier politique libanais, tant il a toujours pris soin de rester en marge des turbulences partisanes, évitant de répondre à toute forme de provocation comme celle consistant à dire qu'il serait «l'homme des États-Unis». En annonçant d'emblée, lors de sa prestation de serment au Parlement, qu'une «nouvelle ère de l'histoire du Liban commence aujourd'hui», Aoun a promis de conduire d'importantes réformes et affirmé que l'État «aura le monopole des armes». Il a également souligné sa volonté de mener des consultations rapides pour nommer un nouveau Premier ministre à même d'obtenir la confiance de la communauté internationale et mettre en oeuvre ces réformes urgentes, indispensables à la relance de l'économie et à la reconstruction des zones dévastées dans le sud par les agressions sionistes incessantes, malgré l'accord de cessez-le-feu.
Cet accord stipule un déploiement de l'armée libanaise dans les zones frontalières au fur et à mesure du retrait de l'armée sioniste des zones occupées pendant le conflit qui a beaucoup affaibli le Hezbollah. «Nous discuterons d'une stratégie de défense complète (...), afin de permettre à l'État libanais de mettre fin à l'occupation sioniste et de repousser ses agressions», a ainsi déclaré Joseph Aoun qui souhaite «les meilleures relations possibles avec les pays arabes frères», particulièrement tendues depuis plusieurs années en raison du rôle déterminant du Hezbollah, décrié par les États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Aoun entend avoir aussi «un dialogue sérieux et respectueux avec l'État syrien pour discuter de (...) tous les dossiers en suspens», notamment la douloureuse question du million et demi de réfugiés syriens au Liban, porteur malgré lui du lourd fardeau des souffrances des peuples de la région, notamment le peuple palestinien. Rejetant toute forme d'ingérence dans les affaires de justice, le nouvel homme fort du Liban annonce qu'il «n'y aura aucune immunité pour les criminels ou les corrompus, et il n'y a pas de place pour les mafias, le trafic de drogue ou le blanchiment d'argent».
Le président de la République félicite Joseph Aoun
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a adressé, jeudi, un message de félicitations à Joseph Aoun, dans lequel il l'a assuré de sa pleine disposition à oeuvrer de concert à la promotion des relations historiques entre les deux pays. «Monsieur le Président et cher frère, à l'occasion de votre élection à la présidence de la République libanaise, pays frère, j'ai le plaisir de vous adresser, au nom du peuple et du gouvernement algériens et en mon nom personnel, mes chaleureuses félicitations et mes meilleurs voeux de succès dans l'exercice de vos fonctions». «Votre élection par les représentants du peuple libanais en ces temps critiques et dans les circonstances difficiles que traverse votre pays frère et les pays de la région, après une vacance de deux ans, témoigne de la confiance placée en votre personne pour assumer ces nobles responsabilités avec sagesse et compétence», a-t-il ajouté. «Nous nourrissons l'espoir de voir cette étape contribuer à une reprise au Liban, en atténuant les souffrances endurées par son peuple valeureux et en réalisant la sécurité, la stabilité, le développement et à la prospérité auxquels il aspire», a poursuivi le chef de l'Etat. «À cette occasion, je tiens à saluer les relations historiques entre nos deux pays, fondées sur la coopération et la solidarité, et à réaffirmer notre pleine disposition à oeuvrer de concert à leur promotion», a-t-il écrit. «Tout en vous réitérant mes chaleureuses félicitations et mes salutations fraternelles, je vous prie, Monsieur le Président et cher frère, d'agréer l'expression de ma considération et de mon amitié», a-t-il conclu son message.
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