Lendemains de crise en Syrie
L’enjeu d’une autonomie kurde
Les FDS ont perdu face aux factions rebelles soutenues par la Turquie les villes de Manbij et de Tal Rifaat, ainsi que celle de Deir Ezzor.
La situation est calme en Syrie où le nouveau Premier ministre désigné par la coalition que dirige Hayat Tahrir al-Sahm multiplie les gestes et les déclarations pour dissiper les craintes de la population et, surtout, de la communauté internationale d'une nouvelle guerre civile intercommunautaire. Du côté de la communauté kurde, basée pour l'essentiel dans le nord-est du pays, on a tendu la main à la nouvelle administration même si la ville de Manbij a connu, ces jours deniers, des combats meurtriers qui ont opposé les Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, aux rebelles pro-turcs. Ainsi, la communauté kurde sous contrôle des FDS, alliés aux États-Unis qui régentent les zones pétrolières de la Syrie, ne cache-t-elle pas son appréhension de voir remise en cause la relative autonomie qu'elle a arrachée entre 2011 et 2024 au gouvernement précédent de Bachar al-Assad. Se disant victime de discrimination depuis des décennies, particulièrement durant la présidence d'Al-Assad père et fils, son administration autonome a anticipé les évènements en adoptant, dans un geste d'ouverture envers le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui a renversé, avec ses alliés, le président Bachar al-Assad, le nouveau «drapeau syrien de l'indépendance», qui flotte depuis quatre jours à Damas. Mais la suite des évènements reste opaque dans la mesure où les Kurdes de Syrie, comme ceux d'Irak et plus encore de Turquie, sont accusés de volonté séparatiste, en témoignent les combats qui se sont déroulés, ces derniers jours, autour et dans la ville de Manbij où les rebelles pro turcs ont mené des incursions. Sous la pression constante de la Turquie qui accuse les FDS de connivence avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme terroriste par Ankara et les alliés occidentaux dont les États-Unis, les FDS ont perdu face aux factions rebelles soutenues par la Turquie, les villes de Manbij et de Tal Rifaat ainsi que celle de Deir Ezzor. Preuve que la situation est loin d'être aussi apaisée que ne l'indiquent les discours. Cela étant, le chef des FDS, soutenus par le contingent américain à Deir Ezzor, Mazloum Abdi, a néanmoins salué «l'opportunité de construire une nouvelle Syrie basée sur la démocratie et la justice, qui garantisse les droits de tous les Syriens». Pourtant, la méfiance reste de mise dans une région qui dispose à ce jour d'une administration autonome et où la population a encore des doutes sur les intentions véritables des nouveaux maîtres de la Syrie qui cherchent, dit-elle, à lisser leur image devant la communauté internationale. Alliés de Washington et de la coalition internationale dans la lutte contre Daesh, les Kurdes sont toujours taxés par la Turquie de n'être qu'une émanation du PKK, même si le secrétaire d'État américain, jeudi à Ankara, les a qualifiés de collaborateurs «essentiels» pour empêcher la résurgence de l'EI. Ankara a déjà nommé un ambassadeur auprès des nouvelles autorités syriennes et ne cache pas son hostilité envers les ambitions des FDS qu'elle a maintes fois bombardé au cours des années écoulées. En s'emparant de la ville clé de Deir Ezzor, brièvement dominée par les FDS après le retrait de l'armée de Bachar al-Assad au moment de sa chute, les combattants pro-turcs de la nouvelle administration syrienne confortent la volonté d'Ankara de saper l'autonomie de cette région et d'y instaurer son propre contrôle.