L’Afrique doit se résoudre à la neutralité

La célébration de la 51e édition de la fête de l'unité du Cameroun coïncide cette année 2023 avec une période de rupture d'équilibre de la société internationale. Après le Covid-19 qui a mis le monde à rude épreuve et éprouvé ses aptitudes à mutualiser les efforts pour conjurer un mal planétaire, nous voici dans un monde qui a cessé de se réguler au travers des mesures prescrites par une institution planétaire commune, mais plutôt, un monde qui retrouve les vieux réflexes de la stratégie de persuasion, de chantage voire de contrainte. Nous voici revenus à la diplomatie de la violence qui transforme les conflits entre États où à l'intérieur des États en positionnements stratégiques. À l'ancien pôle de puissance, se dessinent de nouveaux pôles sans conviction pour assurer la pérennité de la paix dans le monde. Pendant ce temps où se trouve l'Afrique? L'Afrique est à la recherche des solutions introuvables contre des acteurs internationaux non étatiques prédateurs instrumentalisés ou circonstanciels qui terrorisent des vastes territoires sahéliens riches d'or, d'uranium, ou des terres rares.
Le respect des identités culturelles
L'Afrique est encore à la recherche de dénominateur commun pour renforcer son unité inquiétée par le non-respect par certains des principes fondamentaux du panafricanisme et de l'idéal des pères fondateurs. Et l'Afrique est à la découverte des facteurs multiplicateurs de croissance pour son développement sans l'apport ni des aides, ni d'effets néfastes de la corruption, ni de paternalisme néocolonialiste. Et l'Afrique est en quête de partenaires internationaux qui lui reconnaissent son humanité et conjuguent droit de l'homme avec respect des identités culturelles, puis coopération avec respect des dignités et de l'autonomie de chaque peuple et nation. Et chaque jour qui passe l'Afrique espère se réveiller pour que le monde prenne acte de ses aptitudes de sujet de l'histoire et de droit international à part entière. Chaque année, l'Afrique commémore sa journée, celle qui consacre sa liberté retrouvée, sa libération en construction et l'idéal du panafricanisme fondateur générateur de sa dignité et du parachèvement de sa libération. Et quand sera venu l'avènement d'une conscience africaine partagée, l'Afrique sera retrouvée dans le concert des acteurs internationaux remarquables jouant le rôle en adéquation avec sa puissance géopolitique, l'immensité de ses terres, l'abondance de sa richesse et le leadership de sa vaste population éveillée. De nos jours, de nouveaux acteurs de la scène internationale ont raflé la vedette aux diplomates de carrière dans les fonctions d'information, de représentation et de négociation. La multiplication des sommets a rapproché les décideurs du monde et a fait des experts des nouveaux diplomates forts en négociation. Toutefois les États demeurent encore les acteurs privilégiés avec leurs dérivés, les organisations internationales. Et le «soldat» ainsi que le «diplomate «incarnent toujours les États.
L'Afrique ne se donnera plus en appât
Le rôle du diplomate certes est toujours de représenter un État et défendre ses intérêts. De nos jours, les intérêts des États se confondent avec la défense d'une certaine vision du monde et de l'ordre convenable à établir. Et le diplomate africain de se demander: quelle est donc la vision du monde de l'Afrique et de l'ordre qui lui soit convenable à établir? En marge de ce monde en crise l'Afrique a pris conscience d'elle-même. Elle ne se donnera plus en appât aux prédateurs de tous horizons. L'Afrique a pris conscience et entend jouer son rôle d'acteur dans la nouvelle normalisation du monde en cours de gestation. Elle en appelle à la nouvelle codification du monde qui prendra en compte ses valeurs humanitaires et éthiques propres. Elle en appelle à une nouvelle conception de la coopération internationale où l'Afrique est un sujet à part entière dans la confection des règles normatives. Pour ce faire, les Africains doivent se résoudre à être une Afrique de politique commune, de mutualisation d'efforts pour son développement, de constitution d'une diplomatie commune de défense d'intérêts de l'Afrique, d'engagement pour l'Afrique, de neutralité face aux conflits des autres. Mais notre Afrique doit demeurer une Afrique de conviction, de réaffirmation de sa dignité. Les moyens pour y parvenir sont la refondation de l'école et tout le processus d'acquisition ou de renouvellement des connaissances et des sciences, la mutation profonde des mentalités en faveur des initiatives antérogrades, la décolonisation de nos économies en faveur de plus en plus d'intégration infra-africaines. L'Afrique sera en passe de jouer désormais sa partition dans l'organisation d'un monde de paix et de vraie coopération entre nations et peuples du monde, quand, de ce système synonyme d'état de guerre, adviendra une nouvelle société internationale constituée de nouvelles institutions plus égalitaires. Le Cameroun et l'Algérie participent de ce rêve et conjuguent leurs efforts pour le bonheur d'une Afrique de prospérité et de dignité. 

 

 

Ambassadeur du Cameroun en Algérie
Hamidou KOMIDOR NJIMOLUH