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Petit joyau de Draâ Ben Khedda

Virée au marché de pacotille

Le lieu est très fréquenté pour les objets introuvables qu’on peut y «trouver».

Il se tient tous les jours, à l'exception des journées pluvieuses, fortement pluvieuses. Il attire beaucoup de gens de toutes catégories, femmes et hommes. Ils viennent parce qu'ils y trouvent tous les objets «qu'il ne faut plus chercher ailleurs». Au marché de pacotille de la ville de Draâ Ben Khedda, on peut en effet trouver des objets neufs comme de vieux objets et usés mais qui peuvent faire marcher à nouveau une machine que l'on pense à jeter. Beaucoup de personnes interrogées sur place affirment ne plus jeter une machine quelconque avant de faire un saut plusieurs fois à cette place marchande située à proximité du marché, très fréquenté, des fruits et légumes où comme il est appelé communément, sur l'ancienne voie de chemin de fer.
Une virée sur les lieux a permis de constater la richesse de ce marché désormais très connu même dans les wilayas limitrophes comme Boumerdes à l'Ouest et Bouira au Sud. On y vient à la recherche de pièces introuvables dans les commerces pour plusieurs raisons. Ce ne sont pas en effet des pièces que l'on peut acheter dans les magasins parce qu'en général, elles ne sont pas fabriquées pour la vente. « Les pièces que je vends ne sont pas fabriquées pour être fabriquées comme des pièces de rechange. Je les enlève de machines usées et non utilisées. Une autre personne peut s'en servir pour récupérer sa machine et éviter ainsi de la jeter. C'est pour cela qu'on voit tous ces gens ici», explique Saïd, un vendeur très recherché parce qu'il vend des objets inimaginables.
En effet, les étalages des vendeurs sont d'une richesse inqualifiable. On y voit des ressorts de pièces automobiles, des pièces de perceuses et de tronçonneuses que les réparateurs n'ont pas. Des aiguilles et des pièces pour machines à coudre anciennes ou autres presses à café. À même la terre, on trouve aussi des livres introuvables dans les librairies et des revues dont le papier a jauni au fil des années. «J'ai ici des téléphones inutilisables mais qui peuvent servir à récupérer des pièces introuvables chez les réparateurs. Acheter un appareil comme ça à 1 000 dinars pour enlever une pièce, c'est mieux que de jeter son téléphone que le réparateur ne peut plus réparer, n'est-ce pas?», affirme un vendeur à l'entrée du marché.
En fait, la réponse à sa question ne pouvait qu'être affirmative parce qu'il est vrai que les réparateurs ne peuvent souvent pas réparer un matériel, faute de disponibilité de la pièce, ce qui contraint l'utilisateur à le jeter. Mais, là aussi, ces vendeurs sur le marché représentent une alternative moins fâcheuse. «Ce n'est pas son prix mais c'est mieux que de le jeter. Il me l'achète à 1 000 dinars», nous indique un citoyen qui venait de vendre son téléphone après l'échec de plusieurs réparateurs à le lui restaurer. «Oui, je l'achète à 1 000 dinars. Ce n'est pas pour le revendre mais pour récupérer des pièces. Il y a toujours quelque chose à récupérer là dedans.
Pièces de rechange
Sur les lieux, les vendeurs tenaient à nous expliquer la différence entre la place qu'ils occupent et les marchés d'occasion habituels. À notre question sur cette différence, les vendeurs interrogés s'accordaient sur un point particulier. «Ici, la majorité des gens que vous voyez ne viennent pas acheter des machines d'occasion. Ce sont des gens qui en possèdent déjà. Ce qui les attire ici, ce sont les pièces de rechange qui ne sont pas disponibles chez les réparateurs», explique un vendeur connu pour sa spécialité de «débrouilleur» de pièces les plus rares. Son étalage est très fréquenté. Les gens y viennent chercher des pièces pour anciennes machines à coudre, presses à café, des ressorts que les marques ne fabriquent pas pour la vente à la réparation. «J'ai ici des pièces d'alternateurs de voitures, des aiguilles pour montres anciennes. Il y a des montres qui peuvent coûter les cheveux de la tête mais elles ne marchent plus. Leurs propriétaires peuvent payer des fortunes s'ils trouvent la pièce qu'ils recherchent», explique notre interlocuteur.
Beaucoup de personnes ont relevé que les pièces vendues sur cette place ne permettent pas uniquement de récupérer des machines anciennes mais on peut aussi récupérer un matériel neuf. «J'ai un réfrigérateur nouvellement acheté mais dont la pièce est très chère chez les réparateurs. Ici, je peux trouver la partie défectueuse de ma pièce recherchée. Au lieu d'acheter toute la pièce, je vais acheter cette partie ici. C'est beaucoup moins cher», explique une dame qui fait le tour à la recherche de son objet.
Ce marché fournit des alternatives heureuses à beaucoup de catégories de personnes. Il y a ceux qui vendent leurs machines ou leur matériel s'ils ne trouvent pas la pièce défectueuse mais il existe aussi ceux pour qui l'objet est d'une valeur affective. «Cette montre m'a été léguée par mon grand-père. C'est son père qui la lui avait laissée. J'y attache une valeur inestimable. Mais hélas, vieille, ses aiguilles ne marchent plus. Alors comme vous voyez, ce monsieur m'a promis de trouver ce que je recherche et il a tenu parole. Et, vous savez, il connaît la valeur de cet objet pour moi. Il aurait pu en profiter afin de me vendre ces aiguilles au prix qu'il veut. Mais il ne le fait pas. C'est un fils de bonne famille», raconte, ému, un vieil homme qui tient une montre ancienne attachée à une chaîne dorée. La délicatesse du geste qu'il fait pour la remettre dans la poche intérieure de son manteau renseigne amplement sur la valeur immatérielle de cet objet de famille.
«Mon seul gagne-pain»
La question est délicate mais inévitable. Ces vendeurs ont-ils un autre emploi ou est-ce leur unique gagne-pain? La réponse a été donnée par nombre de nos interlocuteurs qui ont volontairement répondu à notre question. «C'est vrai que l‘activité n'est pas réglementée mais elle est indéniablement utile aux gens. On fournit des pièces et des objets recherchés mais qui ne sont plus fabriqués. Vous n'avez plus qu'à voir la demande pour constater vous-mêmes cette vérité», nous répond un vendeur qui affirme ne pas avoir une autre activité. «Je fournis un service qui me permet, en contrepartie, de nourrir ma famille. Je suis un père de famille, j'ai des enfants à nourrir. Pour moi, c'est un commerce aussi respectable que les autres que vous voyez là», poursuit-il en montrant du doigt les magasins d'à coté.
En fait, ces vendeurs souffrent de l'image que se fait la société de leur activité. Perçue comme une activité illégale et louche, la vente de ces objets peu communs, selon la vision de «l'industrie normative» est entourée de toutes les idées reçues qui l'assimilent à du trafic. «Je ne suis pas ici pour tromper les gens. Comment le ferais-je d'ailleurs, je suis ici trois jours par semaine. Jusqu'à présent, je n'ai jamais vu une personne revenir me rendre l'objet acheté. Mes clients sont satisfaits. Ils ne reviennent que pour acheter d'autres articles qu'ils cherchent», affirme un jeune vendeur. «Nous fournissons un service utile. On évite souvent aux gens de jeter du matériel. De nos jours, acheter une machine n'est pas à la portée de tous. C'est pourquoi, les personnes que je reçois ici recherchent toujours des solutions qui leur permettent d'éviter ces grandes dépenses. C'est dommage de priver ses enfants afin d'acheter un réfrigérateur qu'on peut réparer, n'est-ce pas?», ajoute un autre.
«Ce n'est pas à moi de réglementer l'activité. Il y a des gens payés pour faire ce boulot. Moi, je me contente de faire le mien de la meilleure façon qui soit», rétorque un vendeur à qui nous avons demandé sa réaction à l'éventualité d'une réglementation de cette activité. «Je suis ici uniquement pour nourrir ma famille. C'est mon travail et je le fais le plus honnêtement que je peux. Il y a des gens payés pour faire ce travail dont vous parlez,», répond un vendeur à qui nous avons évoqué le risque de retrouver ici des objets volés.

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