Sofiane Bahbou, représentant des importateurs des viandes rouges
«Notre engagement est entier»

Plafonner les marges et les prix de la viande ne garantit pas forcément la stabilité du marché, insiste le représentant des importateurs de viande. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il nous explique le pourquoi et le comment.
L'Expression: Une commission a été installée à l'effet de traiter le dossier de la filière viande, avec la mission de proposer une feuille de route devant conduire à la proposition de la viande locale. Que vous inspire cette démarche?
Sofiane Bahbou: L'initiative est bonne. Elle aurait été meilleure si nous avions été associés à la confection de cette feuille de route. Je pense qu'il était peut-être nécessaire d'inviter un acteur important de la filière qui sont les représentants des importateurs. Nous sommes, quoi qu'on dise, un acteur de la chaîne de valeur de la filière viande en Algérie. Notre intervention a été nécessaire pour stabiliser les prix de la viande rouge. Cela ne fait pas de nous un simple fusible qu'on débranche à l'occasion. Nous avons nous aussi des propositions concrètes pour améliorer la production nationale.
Le gouvernement assure que la viande sera disponible durant le mois de Ramadhan. Au regard du plafonnement des marges bénéficiaires. Serez-vous au rendez-vous du mois sacré?
Il n'y a pas de doute sur notre engagement à alimenter convenablement le marché durant le mois de Ramadhan. Nous nous sommes engagés à rendre disponible le produit pour le dernier mois sacré et nous serons présents pour le prochain. Il n'est jamais question dans notre démarche de prendre les consommateurs en otages. Nous partageons le souci des pouvoirs publics sur la question de proposer aux citoyens une marchandise de qualité, à un coût abordable. Nous demeurons aux côtés du président de la République, d'une part, et des citoyens, d'autre part. Même si les circonstances nous obligeront à ne pas réaliser des bénéfices, nous répondrons présents pour garantir un Ramadhan serein aux Algériens.
Vous opérez sur les marchés mondiaux. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est à l'international sur cette filière?
Vous imaginez bien que ce marché est dynamique. Les prix fluctuent selon des circonstances précises au niveau des États producteurs et consommateurs. Actuellement, ces prix prennent une direction haussière pour plusieurs raisons dont, par exemple, l'entrée des États-Unis sur le marché en tant qu'importateur. C'est un grand client au même titre que d'autres États-mastodontes. De fait, les prix ont sensiblement progressé.
Parlons de prix justement. Le gouvernement estime que le plafonnement de la marge bénéficiaire est un facteur de stabilisation des prix. Vous avez un autre avis...
Je dois d'abord vous informer que nous avons saisi le Premier ministre sur le décret du 23 avril dernier, concernant cette question de plafonnement des prix. Cette mesure sera difficile à tenir dans un contexte d'évolution constante des prix à l'international. Nous nous attendions objectivement à des hausses. Maintenant, s'il y a plafonnement des marges bénéficiaires, celles-ci suivraient automatiquement la valeur de la marchandise. Donc, l'acteur en bout de chaîne, à savoir le boucher, prendra des marges dont la valeur peut doubler, dans le cas d'un doublement du prix du kilo. Cette logique n'est pas de nature à stabiliser les prix. Dans notre profession, nous disons qu'en raison de la fragilité de la marchandise, sans plafonnement des marges, la concurrence entre opérateurs pourra ramener celles-ci à moins de 5%, par exemple. Un boucher voudra casser les prix pour ne pas avoir à jeter la viande. Cette pratique a été constatée durant le Ramadhan passé où la viande a été vendue à moins de 1000 DA le kilo.
Et qu'en est-il des prix qui seront pratiqués pour le prochain Ramadhan?
Avant d'évoquer le Ramadhan, sachez que les prix à l'international sont en progression constante. À notre niveau, nous arrivons à fournir une viande entre 1200 et 1700 DA. Je ne dirai pas que nous réalisons un exploit, mais je peux vous assurer que pour obtenir ces niveaux de prix nous travaillons dur. Le marché est en phase de saturation. Maintenant, l'administration plafonne les marges bénéficiaire à 4,5 et 8% et on nous annonce un retour des prix au consommateur à 1200, 1300 et 1950 DA le kilo. Cette administration a-t-elle consulté les professionnels qui connaissent la filière à l'international? En, tout cas, nous n'avons pas été approchés.
Selon les chiffres que vous détenez, la viande rouge est à quel prix à l'international?
La viande brésilienne, par exemple, était cédée à 5000 dollars la tonne et aujourd'hui à 7000 dollars. La viande espagnole, qui revenait à 5 euros le kilo se négocie aujourd'hui à 7 euros. Cette hausse est imputable à une baisse de la production mondiale, au fait que les États-Unis qui n'abattent plus leur cheptel pour le régénérer, les pays musulmans sont entrés en masse sur le marché pour acheter. La loi de l'offre et de la demande opère automatiquement. Une solution existe qui est l'autorisation d'importations du foie avec la carcasse. Les opérateurs pourraient trouver le moyen de rentrer dans leurs frais. Et s'il y a eu trafic, il ne faut pas punir tous les opérateurs. L'État doit renforcer son contrôle, tout en laissant le marché réguler les prix.