Accord d'association Algérie-Union européenne
Le combat d'arrière-garde de l'UE
Les exportations de l'UE vers l'Algérie sont passées de 22,3 milliards d'euros en 2015 à 14,9 milliards d'euros en 2023.
L'Union européenne est visiblement déçue de la tournure que prennent les échanges commerciaux avec l'Algérie. Sourde aux appels du gouvernement algérien qui a, maintes fois, demandé une révision de l'Accord d'association liant les deux parties, en raison du déséquilibre flagrant au profit de l'UE, celle-ci n'a répondu aux réclamations d'Alger qu'à la suite de la guerre en Ukraine et la grave crise énergétique qu'elle a provoquée. Quelques hauts commissaires de l'UE, dont Josep Borell, chargé des Affaires étrangères, ont reconnu, du bout des lèvres, un «certain déséquilibre» dans les relations commerciales algéro-européennes. On en était, jusqu'à il y a quelques jours, à ce constat, sans autre manifestation de la part de l'UE. Entre-temps, les échanges ont évolué dans le bon sens concernant l'Algérie, dont la balance avec l'Europe était devenue excédentaire.
Bruxelles qui semble voir avec un regard plutôt envieux les plus-values que réalise le commerce extérieur algérien, grâce à de salutaires ajustements, a décidé, vendredi dernier, de lancer «une procédure de règlement des différends contre l'Algérie». La Commission européenne, auteur d'un communiqué d'un ton assez peu amical, n'espère pas moins «un dialogue constructif en vue de lever les restrictions dans plusieurs secteurs, allant des produits agricoles aux véhicules automobiles». Des restrictions qui n'en sont pas en réalité, puisque l'Algérie a décidé souverainement de revoir la liste des produits autorisés à l'importation. L'UE qui, sous prétexte de normes diverses et variées, interdit à beaucoup de produits algériens l'accès à son marché communautaire.
Le communiqué pousse jusqu'à dénoncer «un système de licences d'importation ayant des effets équivalents à une interdiction d'importation». C'est exactement ce que fait l'UE, mais en usant d'un lexique commercial plus sophistiqué. La Commission ajoute à sa récrimination le recours par l'Algérie à «des subventions conditionnées à l'utilisation de pièces fabriquées localement pour les constructeurs automobiles». Une posture, pour le moins bizarre pour un ensemble de pays qui dit prôner le partenariat, tout en exigeant au partenaire de demeurer un éternel client. Et comme si cela ne suffit pas, le communiqué évoque «un plafond de la participation étrangère dans les entreprises important des biens en Algérie», que la Commission entend briser, soit dit en passant. L'UE entend, à travers un «dialogue constructif», ôter ces barrières qui empêchent ses entreprises de commercer librement en Algérie. Pendant plus d'une décennie, le commerce algéro-européen satisfaisait l'UE, tant que le rapport import-export faisait que pour chaque dollar exporté vers l'Europe, l'Algérie importait pour plus de 10 dollars de biens fabriqués en Europe. Ce rapport de un sur dix a été inlassablement dénoncé par l'Algérie, sans réaction de ses partenaires. Mieux encore, ces derniers ne respectaient même pas le ratio minimum d'investissement, pourtant conclu entre les deux parties lors de la signature de l'Accord d'association, en 2002. La Commission européenne s'estime gardienne des «droits des entreprises et exportateurs européens exerçant en Algérie qui sont affectés» et annonce dans son communiqué que «les mesures algériennes nuisent également aux consommateurs algériens en raison d'un choix de produits indûment restreint». Cet argument de défense du consommateur algérien, bien évidemment fallacieux, vient couronner une démarche qui a les attributs de l'ingérence dans les affaires économiques de l'Algérie. Cette attitude est d'autant plus saugrenue qu'en matière d'investissement l'UE n'a jamais brillé en Algérie. La Turquie et le Qatar, dont les investissements réalisés bien après l'Accord d'association, génèrent des recettes en devises et contredisent un discours fait de mauvaise foi sur «des investissements européens bloqués» par l'Algérie. Ce qui dérange réellement l'UE, c'est le constat d'une réduction des exportations de l'UE vers l'Algérie, de 22,3 milliards d'euros en 2015 à 14,9 milliards d'euros en 2023. L'excédent de la balance commerciale algérienne ne plaît visiblement pas à la Commission européenne qui, malgré un ton pas très diplomatique, ne peut empêcher ses entreprises d'investir en Algérie, après le coup de vis d'Alger. Le groupe pharmaceutique Merck en est un parfait exemple.