Un inculpé peu bavard
La lutte contre le trafic de came est quasi quotidienne. Les services de sécurité en ramènent par «fournées», les magistrats les écoutent par «unité», à Allah, va ! Et pourtant…
Il faisait très frais ce matin au tribunal, bondé pour un 1er jour de semaine. La sonnerie du coup d'envoi de l'audience retentit au même moment de l'entrée solennelle de la composition du tribunal. Et la 1ère affaire à être la «star», aura été le trafic de came.
L'essentiel pour le tribunal, c'était d'obtenir le nom du dealer; et ça; c'est plutôt, demander à un gamin d'El Mohammedia, de sauter du pont d'El Harrach (Alger), alors que le pauvre gosse ne savait pas du tout, nager. Le plus beau, c'est qu'aujour d'hui, la juge n'avait en face d'elle, ce qui est exceptionnel, qu'un seul inculpé à faire parler!
La routine voulait normalement, qu'une bande entière de trafiquants, passât à la barre. Mais paradoxalement, un seul inculpé pas «bavard» du tout, était debout face au tribunal. Alors là, il fallait une sacrée dose de patience pur obtenir ce que cherchait la présidente.
-«Voyons un peu ce dont vous êtes capable de sortir comme «munitions» pour le tribunal, en guise dd'aide à la justice.» Marmonne d'emblée, la juge, à l'intention de H.R.L'inculpé de commercialisation de came, fait prévu et puni par la loi 04-18 du 25 décembre 2004. Les procès sur le trafic de drogue sont légion. A part les vendredis et samedi, et encore, tous les jours qu'Allah crée, les files d'inculpés et d'accusés d'avoir flirté avec le «poison» national et international, ne cessent de passer à la barre, s'en tirant difficilement, surtout ceux pris en flagrant délit! Les responsables de ces noires situations savent très bien les coups de cravaches donnés par la loi 04-18 du 25 décembre 2004. Ce fléau est devenu routinier pour les flics!
Le harceler en le combattant? Oui? Mais... C'est sur cette détonante base, que le juge appelle l'inculpé qui s'avance, tête baissée vers la barre, où il va devoir rendre compte de sa périlleuse situation. «Tiens! S'exclame la magistrate qui ne peut s'empêcher d'effectuer un drôle de commentaire: «Vous avez le tournis! Pourquoi donc marchez-vous tête baissée? Un homme tel que vous qui va affronter ses contradicteurs, ne marche que tête, yeux, front et surtout port, hauts! C'est bizarre que de tels inculpés aient de tels comportements. Placez-vous bien comme il faut derrière la barre, répondez clairement aux questions qui vous seront posées, et parlez très fort. Il faut que tout ce beau monde écoute ce que vous direz.» La présidente de la section correctionnelle du tribunal parcourt un feuillet, et dit entre ses fines mâchoires: «On vous a surpris avec une malle de couleur bleu- marron dans laquelle se trouvait un gros paquet de kif traité de cent douze kg et demi. Alors, la question est simple: est-ce que la marchandise vous appartient? Sinon à qui? Donnez-moi les coordonnées, sans tergiverser, ni perdre de temps!» jette la juge, décidée plus que jamais, à tout obtenir de l'inculpé, au milieu d'une salle d'audience pleine à craquer. Evidemment, la présidente savait, de par l'habitude d'obtenir des réponses «mécaniques» que le détenu allait donner, de réponses apprises durant la détention préventive. Alors, des inattendues attitudes des trafiquants, des consommateurs, de revendeurs, des dealers, et des récidivistes, la juge, tout comme le procureur de la République, en savaient un bon bout. L'interrogatoire se déroulait bien, jusqu'au moment où le détenu demanda au tribunal la permission d'aller se rassEoir dans le box des accusés, arguant des fourmillements dans les jambes. L'inculpé attendait le feu vert de la présidente d'audience, mais se heurta plutôt à une question inattendue du tribunal: «Dites donc, vous! Voulez-vous un report des débats, si jamais vous ne sentiez pas bien?» dit, sans ton, la juge qui était visiblement contrariée par la subite sortie du détenu. Ce dernier fit non de la tête et des épaules, avant de s'excuser de la perte de temps. L'interro continua dans une atmosphère bon enfant. La juge posait les bonnes questions et l'inculpé donnait des réponses justes.