Par K-.O. Le tonton!
Bahi. M., 24 ans, est debout à la barre devant le décontracté juge du tribunal de Bir Mourad Raïs. Il est à côté de la victime, son propre oncle paternel, 75 ans, lui aussi poursuivi autant que le neveu!
L’exigüe et sombre salle d’audience du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d’Alger) n’était pas la mieux indiquée pour accueillir la grosse affluence de curieux et voisins, venus très tôt assister au jugement du garnement qui a osé lever la main sur Kader. M. Un vieux tonton retraité, qui porte encore de moches traces de « l’oeil au beurre noir», résultat du coup de tête balancé par le neveu de 25 ans, dont le regard bleu-ciel est mélangé à de la tristesse, elle-même, est enveloppée de révolte interne, à constater l’attitude de l’inculpé. «Alors, c’est comme cela qu’on traite son oncle?» Articule lentement Fayçal Belkessam, l’excellent juge du siège, plus qu’à l’aise, en cette journée pluvieuse, d’une fin d’un été controversé.
L’inculpé, un très petit de taille, se fait encore plus petit, tant la honte le fait courber. Il a la tronche baissée, une forme de honte intérieure, car il aperçut des copains de quartier, et de proches parents venus en curieux voir le fonctionnement, la marche et les succès de la justice dans le 1er tribunal du pays, celui de Bir Mourad Raïs (cour d’Alger),
Revenons quinze minutes pour résumer le procès de l’auteur de coups et blessures sur le tonton paternel, qui a déposé plainte contre le neveu de 27 ans. «Pourquoi en être arrivé, à cette condamnable et malheureuse situation?» lance d’emblée, le président de la section correctionnelle du tribunal, devant une assistance record, malgré l’étroitesse des lieux.
Kader est appelé à la barre, en compagnie de son neveu-agresseur. Ils s’évitent? Pas un seul et réconfortant regard, l’un pour l’autre. Chacun des deux justiciables est venu au tribunal, chacun de son côté, et... seuls.
La victime, un vieil homme encore alerte, pour son âge, s’exprime fort et vite. Il récite:» Monsieur le président, je suis triste d’être ici pour me plaindre du mauvais comportement de mon neveu. Il habite très loin de chez moi, et il lui arrive de se déplacer dans notre quartier, pour tout simplement de soirées, où tout ce qui est interdit par la chariaâ et les lois de la République, est le «bienvenu». Et lorsque je lui ai fait la remarque, il m’a balancé un coup de tête en plein oeil droit, (il montre au procureur et au juge du siège, les profondes marques du coup de tête). Mon oeil droit qui a pris le coup en plein iris, qui a rougi, tant la puissance du coup, était manifeste! Je ne veux plus le voir dans le périmètre de mon chez-moi, qui se trouve au-dessus du logement de mon frère, Farid, et qui lui aussi ne me parle, plus depuis très longtemps...
— Alors, cette histoire a des antécédents familiaux?»,coupe le juge qui venait d’avoir une info intéressante.
— Oui, monsieur le juge. Les deux familles sont en désaccord total, pour une sale histoire d’héritage...
Et, je....
— Non, non, restons aux coups et blessures, voulez-vous? Et puis le tribunal a compris votre intervention. Inculpé, à votre tour, défendez-vous.
Le jeune inculpé se détend, et pour sa seule défense, il jette:: « Je suis de naissance, un grand «handicapé-mental, un malade constamment stressé, car mon père est le cousin maternel de ma mère.»
Le magistrat hocha la tête en signe d’approbation. Il savait que des débats opposant deux membres, habitant dans la même villa, de la même famille, risquaient de dévier vers des malentendus à ne pas en finir. Oh, oui, le juge savait aussi, très bien, que l’article 264 du code pénal, et qui porte sur les coups et blessures volontaires, et même, tenez, réciproques, était facilement traitable! Il fallait donc jouer ferme et juste, pour dominer le sujet.
Les deux parents-ennemis du moment, avaient toujours le «coeur plein», et il était impératif d’agir, et au plus vite, afin de démolir le «gourbi» qui avait pris une place dans les «cervelets», qui n’était pas la sienne.