Moi, capitaine, ou rêver au péril de sa vie
Lauréat du Prix de la mise en scène et du Prix d'interprétation masculine à Venise, Moi, capitaine était en lice pour l'Oscar du meilleur long-métrage international. Le réalisateur italien Matteo Garrone nous a dévoilé un film magnifique plongé dans une aventure humaine inoubliable. Le film, qui est diffusé sur Canal+, nous plonge dans l'univers de l'immigration clandestine africaine. C'est l'histoire de deux adolescents, Seydou et Moussa, qui rêvent d'un destin fabuleux en Europe. D'où leur plan secret pour se rendre en Italie. Or, rien n'a préparé Seydou et Moussa aux rigueurs d'un périple qui les verra transiter par le Mali, le désert du Niger, ainsi que la Libye, le tout culminant par une périlleuse traversée de la Méditerranée. Entre les exploitants et les bons samaritains, les deux amis seront séparés puis réunis. Après avoir tourné Dogman, puis Pinocchio... Mais Matteo Garrone et ses coscénaristes Massimo Gaudioso, Massimo Ceccherini et Andrea Tagliaferri procéderont-ils à une espèce de collage en s'inspirant des parcours véridiques de Kouassi Pli Adama Mamadou, Arnaud Zohin, Amara Fofana, Brhane Tareka et Siaka Doumbia? Ces derniers furent consultés en permanence, et Matteo Garrone s'adjoignit au surplus les services d'un conseiller technique ayant également effectué ladite traversée. Un des nombreux défis du cinéaste était de trouver deux jeunes interprètes capables de porter le film. Au Sénégal, Matteo Garrone et son directeur de casting, Henri Didier Njikam, rencontrèrent une kyrielle de candidats potentiels avant d'arrêter leur choix sur Seydou Sarr (Seydou) et Moustapha Fall (Moussa), qui ne sont rien de moins qu'extraordinaires. Après son féerique Pinocchio, d'après le conte de Carlo Collodi, Matteo Garrone est de retour avec un film ancré cette fois dans une dure réalité: celle des migrants. Or, le cinéaste n'en a pas délaissé pour autant son style visuel très recherché, bien au contraire. Multipliant les tableaux vivants d'une exquise beauté, où le soin apporté aux compositions n'a d'égal que l'importance accordée aux couleurs, Garonne met la forme au service du fond. Le réalisateur de Gomorra et Le conte des contes ne donne jamais dans l'esthétisme creux. De fait, la splendeur ambiante élève l'histoire et les personnages en les magnifiant. Ainsi, les périls encourus par deux adolescents sénégalais qui tentent de gagner l'Italie transcendent-ils le récit initiatique en prenant valeur d'odyssée. Des non-professionnels repérés au Sénégal, Seydou Sarr et Moustapha Fall, sont non seulement naturels dans les rôles principaux, mais d'une justesse bouleversante.