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Du concept de liberté de la preuve

Les négociateurs français et algériens passèrent du boudoir à la salle de réunion pour rédiger les textes dont la portée historique s'esquissait déjà: les Accords d'Evian.

Après avoir mené une guerre sans nom pendant sept années de feu et de sang sur la terre d'Algérie, la France coloniale, qui avait fi, jusque-là, des principes cardinaux constitutifs du Siècle des Lumières et la Révolution de 1789, avait voulu rayonner, au-delà des mers, mais sans ses Lumières et sans sa Déclaration des droits de l'Homme. Ce fut inique, injuste, sanglant jusqu'à ce que les pays colonisés sonnent la fin de ce totalitarisme de la pensée qui s'accommodait du maintien dans la pensée d'assujettie une bonne partie de l'humanité. En Algérie, outre la dépossession de la terre, ce fut aussi la négation de l'identité séculaire de tout un peuple, dont la minorité la plus «chanceuse» (sic) eut droit au statut de sujet. La citoyenneté, il n'en fut aucunement question jusqu'à ce que les premiers soulèvements régionaux firent l'effet de foyers d'incendie que la cavalerie de Bugeaud n'eut de cesse de tenter d'étouffer. Vainement. Et ainsi s'installa durablement une résistance qui s'étendra à partir du 1er novembre 1954. Le poète national Moufdi Zakaria la consacrera sous l'appellation de «Feu sacré» (Al-lahab al- mokadess).

L'école des maquis
Sept années après, la puissance coloniale, et après maints (lourds) revers, se mit à table. Puis autour d'une table se réunirent ses meilleurs politiciens, sortis pour la plupart des grandes écoles pour prendre (enfin) langue avec des négociateurs algériens, sortis de l'école du maquis pour certains, tandis que d'autres avaient choisi de ne pas poursuivre leurs études pour rejoindre les rangs de l'ALN, à l'appel de Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane et Amara Rachid, entre autres.
C'est de cette «école buissonnière», militante, qu'étaient donc issus les membres de cette délégation algérienne, dont les visages firent le tour des rédactions du monde, après avoir figuré, pour nombre d'entre eux, sur les bulletins de recherche durant cette fameuse, toujours, «guerre sans nom». Certes, à cette époque, les adeptes de la litote firent un «effort» linguistique, en qualifiant d'«évènements d'Algérie» une résistance nationale qui avait mobilisé le ban et l'arrière-ban d'une puissance militaire, des plus importantes de l'OTAN.
Et c'est ainsi qu'après maints atermoiements, puis quelques rounds d'observation, les négociateurs français et algériens passèrent du boudoir à la salle de réunion pour rédiger les textes dont la portée historique s'esquissait déjà: les Accords d'Evian.
C'était le 20 mai 1961. Mais pour arriver à cette étape-clé, ce ne fut pas du tout une ballade au bord de l'eau. Les historiens révélèrent par la suite que «malgré une évidente volonté d'aboutir de part et d'autre, les obstacles sont de taille. Le FLN entend borner les discussions à la mise en oeuvre de l'autodétermination. Il se refuse à accepter, comme le lui demandent les Français, un cessez-le-feu dès l'ouverture des négociations (...). Il exige, en outre, préalablement à toute discussion, la reconnaissance du caractère algérien du Sahara». Ce dernier point était, jusque-là, non négociable pour l'Elysée. Mais devant l'intransigeance du GPRA, De Gaulle céda, le 8 mai 1961. «Il nous faut régler l'affaire algérienne!», signifiant de fait la reprise des pourparlers avec le FLN. Ce qui fit redoubler de férocité l'armée secrète, OAS, qui fit exploser des centaines de bombes au plastic, entre le 8 et le 19 mai, sur le territoire national. Malgré cette folie meurtrière, l'Histoire se mettra en marche, cette fois, de manière encore plus résolue. Krim Belkacem, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement provisoire de la République algérienne, mène la délégation, accompagné d'Ahmed Francis, ministre des Affaires économiques, de Mohammed Ben Yahia, directeur du cabinet du président Ferhat Abbas, de Tayeb Boulahrouf, de Ahmed Boumendjel, de Saâd Dhalab et des commandants Mendjel et Slimane. En face, Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, assisté de Robert Buron et Jean de Broglie.
«Une rencontre historique où l'on voit deux mondes s'affronter: celui des bureaux feutrés du Quai d'Orsay et celui des hommes du djebel, plus habitués à la guérilla qu'aux joutes oratoires», déclarèrent certains témoins sur place. Krim Belkacem tiendra d'emblée à clarifier les choses: «Comme nous avons eu l'occasion de le déclarer, l'Algérie veut accéder à la vie internationale, sans complexe, avec le désir sincère de coopérer avec tous les peuples et d'apporter sa modeste contribution au progrès humain.»

Adeptes de la terre brûlée
Le 19 mars, 1962, moins d'une année, les armes se sont tues. Certes, pas celles de tout le monde, il fallait faire face sur le terrain aux adeptes de la terre brûlée, les desperados de l'OAS, qui avaient fait de leur mot d'ordre «la valise ou le cercueil» une sentence. L'Algérie a survécu à une nuit coloniale longue de 132 années. L'indépendance a été acquise et non pas octroyée, comme se plaisaient à le dire les négationnistes de tous bords. Parce que l'ennemi a fini par se plier, contraint, aux règles de droit qui rappellent «In dubio pro reo»; en d'autres termes, c'est à l'accusation d'apporter les preuves de ce qu'elle a toujours avancé: «L'Algérie, une terre sans peuple.» En 2024, et au quotidien, on assiste à l'acclimatation progressive du concept de la liberté de la preuve. Le discours politique se fonde, de plus en plus, sur la vérité des chiffres et l'épreuve du terrain. Bien sûr, la pensée démagogique est encore là; des décennies d'usage ont engendré cette accoutumance, mais les changements profonds que le citoyen enregistre, aujourd'hui, autour de lui, finiront par avoir raison de ce genre de pratiques.
Les responsables à tous les niveaux ont le choix de s'y adapter ou de renoncer: la feuille de route, depuis un lustre déjà, a jeté les grandes lignes d'une gestion du pays. Et la liberté de la preuve en est une des pièces maîtresses pour être digne, entre autres, de ceux qui étaient au rendez-vous avec l'Histoire, un 20 mai 1961... 

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