Cet amour passionnel et haineux en même temps!
Ce qui réunit les deux peuples des deux pays est plus grand, plus important que ce qui les sépare.
En politique, il n'y a pas de sentiments; il n'y a que les intérêts qui comptent. La politique, ce n'est pas ce qu'on souhaite mais ce qui existe. La politique n'est pas un poème doux et mielleux. La poésie, elle aussi, fait de la politique, mais à sa manière, à sa rime et à ses maîtres! Incontestablement, la politique bien réfléchie puise dans l'art, dans la littérature et dans la culture en général afin de donner une touche d'humanité aux intérêts matériels. Les arts moralisent la politique et les politiciens.
Dans le Sud, en Afrique du Nord comme dans le monde arabe, les élites politiques n'ont pas pu se détacher de leurs émotions, n'ont pas su décharger leur batterie émotionnelle, perpétuellement rechargée.
Les élites politiques du Sud, maghrébines et arabes sont comme condamnées entre l'enthousiasme et la colère. Entre l'acceptation sentimentale du monde en bloc et le rejeter en bloc.
Bien que l'histoire entre la France et l'Allemagne, à titre d'exemple, soit une histoire faite de sang, de guerre, d'occupation, de larmes, de déconstruction et de haine, les élites des deux pays ont pu surmonter cette mémoire ensanglantée. L'avenir est prioritaire que le passé. La vie l'emporte sur la mort.
Aujourd'hui, les deux pays sont réunis, ils font une complémentarité économique et une coordination sécuritaire étroite. Entre les Etats-Unis et le Japon, il y a une histoire de bombe nucléaire! Les Japonais souffrent jusqu'à aujourd'hui des effets néfastes des bombes nucléaires américaines, larguées en 1945, sur Hiroshima et Nagasaki. Mais les deux pays ont tourné la page de ce passé déplaisant pour ouvrir une nouvelle page basée sur la coopération étroite militaire, économique et sécuritaire.
En politique, il faut savoir chercher, choisir, son allié au bon moment et au bon endroit. En ce temps des blocs régionaux ou internationaux, chaque pays est condamné à choisir ses alliés économiques et politiques.
Dans le choix d'alliés stratégiques, les élites politiques rationnelles se basent sur un nombre de facteurs en commun: économique, historique, géographique, démographique et culturel.
Certes, les élites politiques éveillées et visionnaires essayent de ne pas mettre le pays face à un seul allié. Multiplier les alliés est un choix positif, mais il y a toujours une classification des alliés, ceux qui sont sur les premiers bancs et les autres qui sont au fond de la classe!
Je serai clair!
Entre l'Algérie et la France, une histoire d'amour haineux!
Avec ce que l'Algérie a enduré pendant la décennie noire, ce qu'a subi pendant les deux décennies de la gouvernance d'Abdelaziz Bouteflika, ce que la France a subi, ces derniers mois, en Afrique subsaharienne, en Calédonie et sur le plan intérieur ave la montée de l'extrême et du terrorisme, il est temps que ces deux grands pays revoient avec raison et intérêt leurs relations bilatérales.
Ce qui réunit les deux peuples des deux pays est plus grand, plus important que ce qui les sépare.
Les élites politiques des deux côtés, une fois libérées de l'émotion, de la colère et de la rhétorique stérile, pourront énumérer facilement tout ce qui peut être profitable et positif pour l'un comme pour l'autre.
Sur le plan démographique, nous avons une communauté installée en France qui atteint les 5 millions, peut-être un peu plus. C'est un trésor humain économique et politique pour l'Algérie comme pour la France. Il n'y a pas un seul Algérien, sur les 42 millions d'Algériens, qui n'a pas un membre de sa famille, un père, une mère, un frère, une soeur, un oncle, une tante... installé en France.
En France, il faut lutter contre la nostalgie colonialiste ou le sentiment de vengeance exprimé par l'extrême-droite. En Algérie, nous avons gagné la guerre contre la France coloniale, nous sommes les vainqueurs, donc c'est le moment de chercher l'autre France avec laquelle nous pouvons aller vers la coopération, sans remords, ni sentiment d'infériorité.
Sur le plan culturel, il faut être clair: la langue française est parlée, d'une façon ou d'aune autre, par de plus de 11 millions d'Algériens. Cette langue met les Algériens du pays en relation harmonieuse avec la communauté algérienne de France. Une langue de famille. Cette langue est porteuse d'une grande littérature, des générations successives, d'écrivains de renommée internationale. Plus de 90% de nos archives sont écrites en français.
Tous ces facteurs et d'autres encore peuvent assurer une nouvelle coopération entre nos deux pays sur la base du respect et d'intérêts communs.
Le discours politique algérien d'aujourd'hui réserve une place importante à la communauté algérienne, essentiellement celle de France. Mais il faut que cette préoccupation discursive dépasse les enjeux politicards électoraux pour aller vers une stratégie capable de faire, de cette communauté, un véritable levier économique, politique et culturel. La politique n'accepte pas la chaise vide, si nous balayons la France comme un allié stratégique, d'autres vont la récupérer pour eux, mais aussi contre nous.