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Les femmes sont de grandes lectrices!

Sans aucun doute, nous avons des femmes écrivaines, romancières et poétesses Maghrébines et Arabes de renommée mondiale. Elles écrivent dans différentes langues en arabe, en tamazight et en français.
Mais ce qui caractérise la gent féminine intellectuelle dans notre société contemporaine c'est le phénomène de la lecture. Même si le niveau de la lecture a baissé, les femmes continuent à dévorer les livres d'une manière remarquable. Ce phénomène est visible dans la vie littéraire en Algérie, commun à tous les pays de l'Afrique du Nord et du Monde arabe.
Les femmes lisent-elles plus que les hommes?
Me basant sur un ensemble d'observations tirées de ma propre expérience dans les nombreuses rencontres littéraires que j'ai animées dans tout le pays, ou de celles auxquelles j'ai assisté, souvent suivies de séances de dédicaces, j'ai remarqué que la présence des femmes est prédominante. Des femmes de tous âges, de toutes sensibilités, qui lisent en français, en arabe et en tamazight.
Quelle est la raison de cette présence littéraire féminine prépondérante, en qualité et en quantité? Quel est le secret de cette réception littéraire féminine particulière?
Dans nos sociétés, la femme est convaincue que la libération de l'espace public, y compris la libération de la patrie, commence d'abord et avant tout par le respect et la défense de la liberté de l'individu. Et dans l'acte de lecture se concrétise cette liberté individuelle. Malgré toutes les contraintes, dans la lecture qui est un voyage ouvert, les femmes peuvent choisir leurs destinations, leurs compagnons de voyage, l'heure du voyage et également la langue du voyage.
Si la liberté individuelle de l'homme est opprimée, la femme intellectuelle endure doublement.
Le corps féminin baigné dans la bonne littérature forge une résistance naturelle à toutes les formes de domination machiste
La lecture de la bonne littérature reste le chemin le plus sûr pour une liberté individuelle, qui nous conduit vers la liberté collective. Les femmes sont attachées au livre parce qu'elles considèrent la lecture comme un chemin vers la liberté de l'être humain et vers la libération de l'espace public.
En l'absence de la liberté individuelle la libération de la patrie est une grande illusion. Cette liberté-chimère visible dans des espaces masculins ne reflète pas l'image de la liberté individuelle. Ce sont des espaces machistes, obsédés et subversifs! Certes l'homme jouit d'une certaine liberté de façade, ainsi il peut se rendre dans les espaces publics tels que les cafés, les salons, les restaurants et les trottoirs de jour comme de nuit, tandis que la femme trouve une grande difficulté à accéder à ces espaces dits publics. Et parce que ces espaces avec leurs univers machistes sont fermés aux femmes, ces dernières les fréquentent à travers les romans, les récits, les nouvelles et la poésie.
La bonne littérature libère les femmes du cauchemar de la culture machiste totalitaire qui hante l'imaginaire collectif et gangrène l'espace public. Elle leur offre une capacité intellectuelle inégalée pour résister à la marginalisation et abattre les murs d'encerclement imposés par les gardiens du temple, les messagers de l'idéologie de «r'jla» stérile.
La femme intellectuelle cherche son pouvoir par l’humain, le beau et le civilisationnel
Si, dans notre société, les hommes croient que la liberté passe par la politique, les femmes de leur côté estiment que la liberté passe d'abord par la culture et les arts. Et que la liberté portée par la politique est souvent formelle, saisonnière et opportuniste, tandis que la liberté acquise par la lecture représente la liberté fondatrice d'une société durablement libérée.
Si la bonne littéraire enseigne la curiosité positive et l'optimisme historique, la politique politicienne, de son côté, enseigne l'opportunisme et la vengeance. De ce fait la femme intellectuelle cherche son pouvoir par l'humain, le beau et le civilisationnel, et l'homme cherche son immunité dans la politique nue.
Il me semble que le choix de la langue est un autre chemin de la liberté. La possession d'une langue libératrice nous l'acquerrons dans la bonne littérature. Dans les écrits qui brisent les tabous et sèment le sens du questionnement et du débat philosophique dans nos esprits.
La langue de la bonne littérature n'est pas un moyen de libérer l'imagination des femmes uniquement, mais elle est aussi le chemin qui libère le corps féminin de l'asservissement sexuel et de la reproduction machinale.
La femme qui lit les bons livres littéraires est capable de réapproprier son corps et en disposer comme elle le souhaite. La bonne littérature éclaire la femme sur sa propriété privée et absolue de son corps. Le corps féminin n'est pas un Beylik! Inconsciemment, la bonne littératre amène le corps de la femme vers l'égalité sexuelle, charnelle et spirituelle.
À travers la lecture, la femme arrive à libérer son corps du ghetto de «femme facile». Elle le conduit vers le sens d'un corps féminin capable de vivre dans toutes ses dimensions humaines et esthétiques.
Le corps féminin baigné dans la bonne littérature forge une résistance naturelle à toutes les formes de domination machiste qui hante l'esprit de l'homme baigné dans l'histoire du machisme sexiste.
Les femmes affichent un engouement unique envers le roman étranger. Ce phénomène socioculturel est confirmé par les chiffres des ventes réalisées dans les salons du livre organisés, tout au long de l'année, dans toutes les capitales arabes et maghrébines.
Cette demande reflète l'envie de comprendre la nature des chemins battus par la femme occidentale, le prix qu'elle a payé et la souffrance endurée pour acquérir sa liberté. Revisiter l'histoire de la lutte féminine universelle à travers la littérature aide la femme arabe et maghrébine à élargir la visibilité de la liberté et à réduire les souffrances du voyage de l'émancipation. Sans doute, toutes les langues sont belles. Chaque langue à son génie et ses particularités. La force d'une langue se détermine dans la nature de l'esprit qui règne sur sa production littéraire, philosophique, scientifique et religieuse. Dès que la raison hante une langue à travers sa production, son génie gagne des ailes. Dès qu'une langue est otage d'une idéologie obscurantiste, elle perd son génie et son futur.
La langue de la lecture détermine le plafond de la liberté. Une langue est supérieure à une autre par la qualité de sa production et par son renouvellement. Toutes les langues peuvent être des incubateurs de la pensée moderniste, ce qui est produit par les élites d'une langue détermine le niveau d'impact idéologique, philosophique, politique et social d'une langue ou d'une autre. La langue ne vit pas dans les dictionnaires ou dans un passé glorieux ou glorifié. Ce sont les textes littéraires modernes qui font le capital transculturel d'une langue vivante. Dans les pays du Golfe, la bataille pour la modernité et pour la liberté individuelle des femmes a débuté par la lecture littéraire féminine. Les femmes saoudiennes et émiraties sont les plus grandes habituées des salons du livre organisés dans ces pays. Elles achètent tout ce qui est roman arabe ou traduit, ainsi que des livres de philosophie et de psychologie. Certes, ce rapport positif et libérateur des femmes du Golfe aux livres explique le sursaut visible dans la vie sociale, culturelle, civilisationnelle, touristique, religieuse et économique dans ces pays. Plus la demande féminine de la bonne littérature est grande, plus le changement social positif est assuré. 

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