Le musicien Alla dans la maison d'Allah!
Jadis, notre islam algérien, l'islam amazigh, pratiqué avec piété par nos aïeux, était tolérance, amour, générosité, fêtes et sagesse.
La semaine dernière, le 02 mars 2024, invité à Béchar pour animer une rencontre littéraire à la bibliothèque principale de la lecture publique, parallèlement, j'ai eu l'occasion d'assister à un événement culturel et artistique fabuleux, exceptionnel et inimaginable!
Dans le salon appelé «Douiria» appartenant à la Zaouïa Kandousiya al Ziyaniyade Kenadsa largement connue en Afrique du Nord et au Moyen- Orient, un groupe d'intellectuels universitaires et d'artistes, et à l'initiative de l'écrivain et critique Mohamed Tahrichi, a organisé une rencontre-débat en hommage au célèbre musicien Alla.
Un musicien dans un lieu de religion et de foi!
Et pour ceux qui ne connaissent pas Alla; de son vrai nom Abdelaziz Abdallah né en 1946 à Béchar, musicien et compositeur de renommée mondiale. C'est lui qui a créé le genre musical nommé Foundou, qui, aujourd'hui, a une réputation internationale. Alla, qui a passé une grande partie de son enfance pieds nus, est le fils doué d'un pauvre mineur qui a traversé sa vie dans l'obscurité des célèbres mines-enfers de Kenadsa!
Certes, les rencontres autour de Alla le musicien ne manquent pas, elles sont nombreuses et variées, organisées partout dans le monde et dans toutes les langues. Mais ce qui est extraordinaire dans cette rencontre ce, ne sont ni les participants ni le sujet, ni la qualité des communications, c'est l'espace où le débat s'est tenu. Ce n'est pas à l'université, ni à la Maiso de la culture, ni à l'institut de musique, ni au théâtre, ni à la bibliothèque, mais au sein de la Zaouïa de Kenadsa! Zaouïa Kandouciya al Ziyaniya.
Un débat scientifique et artistique autour d'un musicien, dans un lieu destiné à la religion et aux religieux, est une première en Algérie, du moins pour moi, à ma connaissance!
À la Zaouïa de Kenadsa, la religion est en paix avec la musique.
À la Zaouïa de Kenadsa, la religion est en paix avec la littérature, le roman et la poésie.
Les musiciens et les poètes ne sont pas bannis de ce lieu de culte, de Dieu, de savoir et de spiritualité.
Dans une ambiance intellectuelle inédite, devant un public nombreux et averti, constitué de citoyens lambda, de fonctionnaires et d'intellectuels de la région, assis sur des tapis multicolores et des coussins dans une simple salle de prière, les participants, les uns après les autres, ont pris la parole évoquant la notoriété internationale de Alla le musicien. Le thé préparé et servi généreusement par un homme souriant et hospitalier. Le professeur et critique Mohamed Tahrichia retracé le parcours du musicien, rappelant sa place dans les milieux des musicologues européens dans une brève communication intitulée «Musique des fonds, musique des âmes»,Monsieur Amer Younsi s'est arrêté sur «Le phénomène Alla» et son attachement à sa ville et à sa mémoire africaine, de son côté l'écrivain et critique Abdelhafid Ben Djellouli a présenté une intervention philosophique intitulée «Silence du luth, litanie intérieure».
Le débat a été porté sur quelques détails de la vie de Alla, un artiste exceptionnel et anti-institutionnel, par ses anciens copains!Il a été question aussi du vide qu'a laissé Alla sur le plan musical, dans sa ville Béchar et dans son pays, depuis son installation, dans les années 90, en France. Sur la qualité exceptionnelle de la musique de Alla devenue une thérapie dans les plus grands hôpitaux de psychiatrie en Europe et ailleurs. Elle est utilisée dans le domaine de la musicothérapie!
En écoutant les communications des participants, le débat et les témoignages des personnes présentes dans la Zaouïa, qui ont connu Alla ou ont aimé sa musique, je me suis souvenu d'un article écrit par un pseudo-journaliste publié dans un journal régional de l'ouest, dans les années fin 80, plein de haine et d'animosité et dans des termes haineux qualifiant «Alla de danger pour les jeunes Bécharis»!
Loin de la qualité scientifique des communications, des témoignages pleins d'émotions et des souvenirs partagés avec Alla, le lieu mystique et religieux qui a abrité cette manifestation nous enseigne une leçon historique et immortelle celle de la tolérance et de l'amour.
La spiritualité est un ciment social!
Si l'islam politique extrémiste importé dans notre pays par l'idéologie du wahhâbisme, depuis les années 70, ne cesse de répéter que «la musique est haram», la «fête» est haram, la Zaouïa el kandouciya al Ziyaniya, quant à elle, ne cesse de tisser la culture de l'amour entre toutes les composantes de la société usant de tout ce qui est beau, de tout ce qui bien et de tout ce qui est valeurs humaines.
Et dans le salon de cette même Zaouïa, on organise aussi des rencontres littéraires, la dernière c'était autour du roman «Al Tarahane» de l'écrivain et universitaire Abdallah Kerroum de Adrar, lauréat du prix Assia Djebar 2022, le 09 mars 2024.
La musique et la poésie sont des chemins préférés des soufis pour accéder à la rencontre de l' amoureux avec Le Ciel!
En ces temps de technologie ensauvagée, de pollution spirituelle, si les lieux de culte, les demeures d'Allah, ouvrent leurs portes aux intellectuels rationnels, aux artistes doués pour débattre pieusement, dans le calme, la quiétude et le respect, de tout ce qui touche à la vie du citoyen; la culture, la santé, le sport, la philosophie, la musique... nous pourrons reprendre, un jour, notre religion algérienne, nord-africaine, avec sa foi transparente, son capital d'amour et de tolérance!
Que faisons-nous pour combattre le fanatisme et l'intolérance? Que faisons-nous pour renouer avec notre religion simple et profonde? Entre autre, avec courage intellectuel, il faut questionner notre école gangrenée par l'idéologie de la violence, mettre à nu l'esprit hégémonique qui gère les lieux de culte et démanteler la médiocrité qui règne dans les médias écrits et télévisuels.
Quand le musicien Alla est célébré dans une demeure d'Allah, un mur de peur tombe, les âmes se purifient, et une prière de piété et d'amour s'élève vers le Ciel!