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Le dernier des Mohicans (2)

«Les Algériens se souviennent de toutes les occasions perdues depuis plus de trois décennies. À titre d'exemple, le coup d'Etat du 19 juin 1965 s'est fait contre l'accord FFS-FLN proclamé, trois jours auparavant, le 15 juin; accord qui dessinait les prémices d'une alternative pluraliste.» Hocine AIT AHMED

(2eme partie)
Pour les Algériens informés, le 20 Août 1956 est inséparable du 1er Novembre 1954, soutenait énergiquement Hocine Ait Ahmed. Et par-dessus les déclarations officielles, par-dessus les rituels aussi insipides qu'hypocrites, martelait-il, ces deux dates suscitent chaque année un engouement de plus en plus réconfortant au sein de notre jeunesse et de ses élites locales et régionales: «Et cela, en dépit du délabrement planifié de la mémoire historique et peut-être à cause de ce délabrement.»
Pour l'ancien membre fondateur du Front de Libération nationale chez ces exclus, cette avidité naturelle ressemble fort à une volonté de réintégration et d'enracinement profond dans le présent et l'avenir de leur nation: «Ce ne sont pas les retours en arrière, à la recherche nostalgique de faits glorieux, qui les intéressent. Ils attendent de l'Histoire, en tant que discipline, qu'elle leur livre des leçons et des enseignements. Leur rêve est de participer pleinement et efficacement à l'Histoire comme dynamique populaire qui se construit dans les luttes quotidiennes pour une vie de liberté, de dignité et de justice pour tous et toutes.» Aucune autre lecture idéologique ou partisane ne pouvait être faite de ce congrès. La plate-forme de la Soummam a été, répétait inlassablement la même source, le premier pacte politique contractuel, donc fondé sur le respect du pluralisme et non pas sur un consensus populiste: «Sauf qu'on n'empêchera pas les racontars d'aujourd'hui - à l'exemple des racontars d'hier - de tenter d'asservir l'histoire à des fins de légitimation et de propagande.» En 1962, lorsque l'Algérie accède à l'indépendance, Ait-Ahmed prend ses distances avec le régime en place en démissionnant de l'Assemblée nationale constituante et en créant le Front des forces socialistes (FFS).
Il ne pouvait en être autrement pour un militant aguerri, soucieux d'instaurer dans son pays un idéal démocratique des plus irréfragables. Accusé tour à tour de têtu et de régionaliste, il multipliera des actions fondatrices portées le plus souvent par des choix unitaires intangibles. Personnage profondément «intangible», il aura été de toutes les initiatives pour arrêter les effusions de sang, se mettant par moment dans de problématiques situations qui lui valurent d'ailleurs une kyrielle de qualificatifs mesquins sortis des tripes de ridicules plumitifs. Rigide tel un coffre berbère, il n'aura pas été pleinement satisfait par les textes édictant la Réconciliation nationale. A cause, semble-t-il, d'une impression d'inachevé. Ou du fait qu'il n'y aurait pas été associé. Mais c'était mal le connaître. En démocrate avéré, il refusait systématiquement de séparer la politique de l'éthique: «À l'évidence, la grâce, le pardon ou l'amnistie devraient être l'aboutissement d'un processus politique et psychologique qui concerne les victimes et toute la nation algérienne. Une mesure judiciaire ne peut faire le printemps, ni ramener la sérénité dans les coeurs des victimes. Sinon, cela serait tout autre chose qu'une amnistie.
On se retrouve devant une amnésie générale qu'on essaye d'imposer de manière autoritaire pour occulter les terribles épreuves subies par la nation au cours de ces dernières années.» Dans une interview accordée à notre confrère Saâd Ziani pour le compte de Libre Algérie et dont le titre générique est Un os nommé Ait Ahmed, l'ancien membre du Conseil national de la Révolution algérienne ira jusqu'à déclarer: «En décidant par décret cette amnésie générale, en imposant cette absolution mutuelle entre gens d'armes, on ajoute à l'horreur subie, l'insoutenable absurdité de n'en tirer aucun enseignement pour le pays et ses enfants. Cette absolution, cette amnésie, ce refus d'appréhender les choses par la parole et la reconnaissance des torts, est une agression politique et psychologique. En revanche, la solution politique que nous préconisons depuis toujours a justement pour but de créer les conditions d'un débat national qui va au fond des choses.» Pour le défunt, l'Histoire ne manque pas de modèle de sortie de crise. Celui de l'Afrique du Sud est le plus à même à seoir au pays lui tenant le plus à coeur: «On a commencé par le commencement, mettre les partenaires politiques autour d'une table pour, d'une part, trouver une solution politique et ramener la paix et, d'autre part, préparer l'avenir démocratique en arrêtant les échéances pour édifier un Etat nouveau dans le respect du pluralisme et de la convivialité. Ce n'était pas une tâche facile après des siècles de ségrégation raciale et de tueries, mais c'était la voie de la raison imposée par la volonté politique des uns et des autres. Ce n'est qu'à partir de là, qu'un climat de confiance et d'espoir a été créé et a fait tomber les tabous.»
(A suivre)

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