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Nouvel ordre au Sahel

Pour sa sixième tournée africaine en deux ans, du 3 au 5 juin, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, était à l'offensive au point que la presse occidentale s'est alarmée du sens et des conséquences de ce qui ne constitue guère un round d'observation. Après s'être rendu en Guinée, au Congo-Brazzaville et au Burkina Faso, Lavrov a conclu sa tournée par un passage, remarquable et remarqué, au Tchad où l'attendait le président fraîchement élu, Mahamat Deby Itno. Jusque-là taxés de pré carré de l'ancienne puissance coloniale, ces pays ont connu, pour certains, des coups d'État, suivis de phases de transition au cours desquelles ils ont rompu avec la présence militaire française au profit d'une coopération active avec la Russie. C'est dans ce contexte que Lavrov a effectué une tournée qui illustre le retour en force de la Russie dans le continent africain. Le ministre russe a été, sans aucun doute, un artisan majeur de cette dynamique, grâce à laquelle Moscou compte raviver des liens distendus depuis la chute de l'URSS et, par-là même, conforter sa position face à une «hostilité occidentale», fortement marquée par le conflit en Ukraine. Ã N'Djamena, Lavrov a souligné la particularité de l'approche russe, en déclarant:«Notre amitié avec la République du Tchad ne va pas influencer ses relations avec la France. La France, elle, a une autre approche: soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous». De fait, le Tchad a déjà entrepris un rapprochement significatif avec les pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), le Niger, le Mali et le Burkina qui ont, tous trois, poussé vers la sortie les contingents français et américains présents sur leur sol. N'Djamena ne pouvait ignorer cette donne, d'autant que la Russie est fortement présente non seulement en Afrique centrale mais également au Soudan et en Libye. Avec la multiplication des visites diplomatiques et des échanges entre Moscou et N'Djamena, on observe une lente mais graduelle mise en oeuvre du «plan de coopération», conclu en 2013 par les deux pays dont les rapports ont connu, entre 2021 et 2023, quelques nuages apparemment dissipés. Il y eut, en effet, l'épisode du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT), la rébellion appuyée par Wagner face à laquelle Idriss Déby Itno a trouvé la mort, ainsi que d'autres épisodes en Centrafrique. Les relations ont repris dès janvier dernier lorsque le président Poutine a reçu Mahamat Deby Itno pour le féliciter d'avoir «stabilisé le Tchad» et l'assurer du soutien de la Russie «par tous les moyens possibles». Une visite qui donnait déjà des sueurs froides aux puissances occidentales qui font les frais du nouvel ordre régional au Sahel.

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