Faye et la Cedeao
Trois jours seulement après son périple au Mali et au Burkina, le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a-t-il réellement convaincu les dirigeants de ces pays sortis de la Cedeao de revoir leur copie? Leur retrait, annoncé et confirmé au début de l'année, a un impact négatif sur la situation économique du Sénégal, pays frontalier, et pénalise l'intégration régionale recherchée. Le Mali, par exemple, importe et exporte à partir du port de Dakar, le second après celui d'Abidjan et le départ de la Cedeao influe d'ores et déjà sur les ambitions des dirigeants sénégalais récemment élus. Avant même la présidentielle, Faye avait déclaré que son premier objectif serait de ramener dans le giron de la communauté ouest-africaine le Niger, le Mali et le Burkina au nom d'une réconciliation la plus large possible entre pays du Sahel. Fort de sa posture souverainiste, il a sans doute un atout qui légitime sa démarche de médiateur entre l'Alliance des Etats du Sahel (AES), formée par les trois pays réfractaires, et la Cedeao dont les erreurs ont été fatales au dialogue nécessaire. Conscient de la lourdeur de la tâche, faye a entrepris, sitôt élu, de convaincre les voisins immédiats en se rendant en Côte d'Ivoire, en Gambie, en Guinée- Bissaü, en Guinée Conakry et en Mauritanie avant même d'aller à Bamako et Ouagadougou.
Convaincu que les portes du dialogue sont encore ouvertes, il a mis en adéquation ses actes avec ses promesses électorales, d'autant qu'il est le premier à considérer que la Cedeao est loin d'être à la hauteur de ses missions véritables. Comme ses interlocuteurs, il estime également qu'elle est inféodée à des ingérences extérieures qui dictent leur choix à certains chefs d'État. De là à prôner une révolution, il n'y a qu'un pas, d'ailleurs franchi mais cela suffira-t-il à motiver les pays de l'AES? Pas sûr, alors que des voix susurrent que le Sénégal lui-même n'est pas à l'abri d'une rupture brutale avec l'ancienne puissance coloniale. Une hypothèse dans l'air du temps, mais pour laquelle il faudra, malgré tout, donner du grain à moudre à un pays qui doit réviser en profondeur bien des accords et des contrats à la fois économiques et sécuritaires. La mission impossible de Faye s'est, en définitive, heurtée à la conviction des pays de l'AES qui ne croient plus dans la dynamique d'intégration régionale de la Cedeao, depuis que cette dernière a envisagé une intervention militaire contre le Niger, et il faudra pour panser les plaies inventer une autre logique de partenariat, probablement bilatéral.