Enzoul
Un psychodrame bientôt traduit en arabe
Tenir en haleine le public pendant plus d’une heure est le défi réussi de cette professionnelle du théâtre, native de Haïzer, de son vrai nom Nacira Benyoucef.

Le fait que la pièce soit jouée pour la deuxième fois, ce jeudi après-midi, à la Maison de la culture de Bouira, n’enlève rien à l’intérêt intrinsèque qu’elle présente. Comme pour le roman, ou n’importe quel texte littéraire, pouvu qu’y entre un peu d’imagination et de fiction, le théâtre offre des pistes infinies d’interprétation. En conséquence, la curiosité qu’il provoque à chaque représentation va en se renouvelant. Bien qu’écrite en 2012, Enzoul n’a pas fini d’étonner les spectateurs. Ce qui fait sa valeur, ce sont les choses qu’elle recèle et qu’elle ne livre que par bribes. D’ailleurs, il y a autre chose, cette fois. Le compositeur et scénariste Allache Nordjaï nous déclarait cet après-midi qu’il n’a eu de cesse de travailler son texte. Sur les remarques qui lui en avaient été faites à ce sujet, il a éliminé tout ce qui paraissait alourdir le dialogue, et fait introduire ce qu’il appelait les alternances, ces intrigues qui viennent s’ajouter à l’action principale et l’armaturer d’armature. C’est également pour retarder le dénouement afin d’arriver à ce moment qu’il appelle climax et qui est le point culminant d’une action dramatique. En tenant le rôle de Quinza, l’héroïne qui ne parvenait pas à surmonter le choc provoqué par la mort de son père, assassiné par un groupe de terroristes, sous ses yeux, donne l’impression de tourner en rond, incapable de trouver une issue à cette crise. Elle continue à se comporter comme une enfant en parlant à sa poupée Loundja qui, dans sa solitude, lui tient compagnie. Cette séquence est magnifique et les phrases, bien que pleines de poésie et de force ont l’air de tourner autour d’elle, et loin de l’aider à se dépêtrer de cette situation ubuesque, entravent ses mouvements. En vain le grand-père lui rend de temps en temps visite pour l’exhorter à oublier le passé et à revenir à la réalité. Tout ce que provoquent ses visites qui surviennent toujours au milieu de la nuit, ce sont des réminiscences. En entendant le chien qui annonce la venue du grand-père (mort lui aussi, mais qui prend la forme d’un fantôme), Quiza croit que c’est son père et bondit de joie. Pour retomber bientôt dans son délire qui lui fait croire que son père est toujours vivant, prenant, l’histoire qu’elle s’est fabriquée, quelques années avant l’assassinat de son père, pour s’y réfugier. Finalement, la clé de cette situation est fournie par Louinis, qui en fait la compagne de sa vie. La pièce jouée au mois de Ramadhan dernier avait plu, mais sans les remaniements qu’elle allait subir. S’il y a moins de public, ce jeudi, à la salle de spectacle où elle a été jouée, c’est parce que les festivités de Yennayer finies, une nouvelle page se tournait. Il reste que, revue et corrigée, elle a gagné en force, en clarté et en simplicité. Ã telle enseigne que son auteur a envisagé de la traduire en arabe. Son intention est encouragée par le succès qu’Enzoul a rencontré dans plusieurs wilayas où elle a été jouée, il pense tenter fortune en la montant en Irak et en Jordanie.