Le temps de lire / Marcher ! (*) sous la direction d’Amin Khan
Un appel paisible et précieux
«Paix sociale et tyrannie de la mémoire et circonscrire le syndrome du stress.»
La vie est comme la voie unique, inventée par l’homme et empruntée par lui une seule fois, sans retour… Nous pouvons en prendre une autre, si chacun de nous a bien appris que nous ne pouvons, indéfiniment, en créer d’autres, sans jamais revenir au point de départ. Certes, c’est là une philosophie simpliste, celle du fils du peuple qui, sous le poids de l’injustice et de la misère, redresse la tête intelligemment. La réussite est au bout du chemin pour « voir » sereinement plus loin son destin, sa légitime espérance de vivre en être humain, libre et fier de tous ses droits acquis. Mais la vie change, mais les chemins changent, serpentent, montent et descendent… Le chemineau — oui, le chemineau — a beau chanter « Marche, marche, marche librement, librement… », n’oublie pas que l’homme ne retient pas les leçons des anciens. Ah ! que l’homme est versatile ! La philosophie est pourtant dans la vie de tous les jours ; il faut, au sens propre comme au sens figuré, marcher, marcher, toujours marcher… Le résultat est au bout du chemin !… Donc voir plus loin. Telles sont les réflexions d’un temps de lire proposé par un œil empêché de lire.
Un bonheur de vivre l’ineffable
Aussi, répondons-nous à cette chaleureuse invite d’Amin Khan à faire, grâce aussi à plusieurs contributeurs signalés, une lecture expressive de l’ouvrage Marcher ! Éléments pour un manifeste de l’Algérie heureuse. En tête de l’intitulé, remarquons l’allusif infinitif agissant en impératif vital adressé à l’humain algérien.
Voilà un ouvrage collectif de quelques marcheurs ayant suivi le chemin que tout homme de cœur et de raison emprunte, chaque jour, toute sa vie, avec l’espérance de réussir enfin d’être saisi par un bonheur de vivre l’ineffable…
Remercions les contributeurs qui, sous la juste plume d’Amin Khan, nous offrent un ouvrage de réflexions et de… tendresse ! Oui, cette tendresse qui se nourrit de fraternité, d’un amour ferme pour la Patrie ; sous quelque forme imaginaire ou que l’on imagine sereinement. À tous les autres contributeurs, merci. Merci à celui qui a spécialement ma gratitude infinie, et c’est Farid Chaoui, car, ainsi que tous ses compagnons dans Marcher !, il écrit simplement et bellement, après un rappel solide et désolant d’un état vécu par le peuple dès les premières étapes de la vie de la République Algérienne Démocratique et populaire : «… Nous voici dans la rue, par millions, toutes générations confondues, à réclamer plus de droits et de justice et à hurler du fond de nos tripes la nécessité de recouvrer enfin notre dignité. […] Allons-nous continuer à recouvrir d’un voile pudique ce que, en tant qu’Hommes nous avons subi et fait subir à nous-mêmes et à nos concitoyens ? […] Je me permets, sans vouloir jouer au trouble-fête ou à Cassandre, au milieu de cette grande fête populaire, de souligner, encore une fois, la nécessité, l’exigence historique, éthique et morale de rétablir les faits, aussi crus soient-ils, et, tous ensemble de nous regarder sans peur et sans fausse pudeur dans le miroir de la vérité historique, non dans un esprit de vengeance, mais simplement pour nous convaincre tous que plus jamais cela ne doit recommencer. ». Farid Chaoui développe ensuite de nombreuses expériences médicales et techniques réussies, entreprises avec des confrères, dans le domaine très sensible de l’humain et particulièrement dans le trauma général existant et persistant en Algérie. Il nous développe « ce qui est communément appelé le syndrome du stress post-traumatique collectif (PTSD) ».
Les auteurs et intitulé de leurs contributions
Amin Khan, La marche souveraine – Idriss Terranti, Du rêve à la réalité – Feriel Ait-Ouyahia, Légitimité, je réécris ton nom – Mouanis Bekari, Du désordre fécond à la deuxième République – Mouloud Boumghar, L’application de l’article 102 : une fraude à la Constitution, dangereuse pour la cohésion nationale – Lynda Abbou, Ouled El Bahdja – Mohamed Tadjadit, El Hirâka – Farid Chaoui, Paix sociale et tyrannie de la mémoire Tinhinan El Kadi, Silmiya ou l’insoutenable puissance de la résistance pacifique – Mohamed Magani, Au fil des marches – Saïd Djaafer, La photo que j’ai ratée – Akram Belkaïd, Le peuple qui n’a jamais cessé de marcher – Sami Benmehidi, Hirak et exil.- Maya Ouabadi, Marcher une fois – Amel Ouaissa, Coming home - Nedjib Sidi Moussa, Piétiner à Paris, courir à Alger – Mustapha Benfodil, Carnet d’un promeneur collectif – Meryem Belkaïd, La marche étoilée – Rym Khene, Post-it : l’espace d’une révolution – Salah Badis, Marche avec Jean Sénac, le plus longtemps possible (ce texte est en arabe)..
En fin d’ouvrage : notices biographies des contributeurs.
L’Algérien de bonne volonté
Ainsi, sous la direction de Amin Khan, et s’appuyant sur une haute et noble pensée d’Arthur Rimbaud « Allons ! La marche, le fardeau, le désert, l’ennui et la colère. À qui me louer ? Quelle bête faut-il adorer ? Quel mensonge dois-je tenir ? — dans quel sens marcher ?», un grand nombre d’auteurs, spécialisés dans le domaine, contribuent à la qualité de cette œuvre à la fois scientifique et sociale.
Signalons que cet ouvrage collectif est sous l’intitulé « Nous Autres » fort significatif de l’intention des auteurs participant au présent ouvrage. Amin Khan « La poésie, qui est d’une certaine façon au cœur même de NOUS AUTRES et de notre démarche morale, politique et intellectuelle, transparaît à travers l’ouvrage, mais elle s’affirme, en tant que telle, à la fois éclatante et subtile. » En somme, Marcher ! sous la direction d’Amin Khan est un appel juste, paisible et précieux à l’Algérien de bonne volonté, c’est-à-dire l’homme doué de raison, enfin débarrassé du stress qui infantilise et qui emmure dans le silence coupable…
(*) MARCHER !
Sous la direction d’Amin Khan
(Essai)
Chihab Éditions, Alger, 2019, 182 pages.