{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

77e Festival de Cannes/«L'Histoire de Souleymane» de Boris Lojkine

Paris sur selle

Le film, dans une démarche quasi documentaire, doit beaucoup à son incroyable interprète, Abou Sangare...

Présenté dans la section «Un certain regard», «L'Histoire de Souleymane» de Boris Lojkine percute l'actualité et ressemble au périple de bien de harraga qui quittent leur pays pour un hypothétique eldorado...
Souleymane a donc fui, au péril de sa vie, sa Guinée natale pour l'Europe, traversant, successivement le Mali, l'Algérie, la Lybie puis l'Italie, jusqu'en France. Et là comme il ne cessera de le répéter aux jeunes nouveaux arrivants, après lui, il découvrira, que la vie à Paris, pour les sans-papiers, est loin d'être un long fleuve tranquille.
Pour subvenir à ses besoins et envoyer au pays, de l'argent à sa mère malade, Souleymane se dégotera, en sous traitance, un job de livreur cycliste de repas, (Ubereat), pédalant, autant qu'enrageant de vivre, en véritable forçat, gagnant un maigre salaire dont il devra reverser, une partie, à un compatriote subsaharien, un escroc bien loti, qui lui avait monnayé son compte «uber». Le récit est vif, trépidant, au rythme des coups de pédales désespérés que donne Souleymane, pour livrer à temps des clients, le plus souvent peu amènes, peu aimables en tout cas.
Et chaque soir à 22 heures tapantes, il devra veiller surtout à ne pas louper le dernier bus qui l'emmène avec ses compagnons de misère, à un logement social qui leur offre le gîte.
Méticuleusement, le cinéaste, détricote toute la trame tissée par Souleymane depuis son arrivée dans l'Hexagone. En commençant par le guichet de la préfecture, où le jeune Souleymane, devra y déposer sa demande d'asile auprès d'un service dédié, à sa création en 1952, à la protection des réfugiés, l'Ofpra., pour remonter le fil de son histoire en même temps que Souleymane se répète un scénario élaboré par un autre arnaqueur africain. Scénario que l'agent qui recueille son histoire a déjà entendu des dizaines de fois aux mots près. Sous sa pression, Souleymane va enfin fendre l'armure.
Le film, dans une démarche quasi documentaire, doit beaucoup à son incroyable interprète, Abou Sangare (me´canicien dans le civil), qui interprète Souleymane, une illustration vivante de l'esclavage moderne et dont la vie demeurera une course sans fin. «D'une beaute´ parfois stupe´fiante, aux traits assez expressifs, capable de passer par par toute une gamme d'e´motions, il e´tait toujours juste, et souvent bouleversant» confirme Boris Lojkine, le réalisateur.
Après le multiprimé « Hope» (Semaine de la Critique, 2014), qui plongeait déjà dans l'Afrique des migrants et en 2019, «Camille (Prix du public au festival de Locarno) sur une jeune photo-reporter confrontée à la guerre civile en Centrafrique (2013-2014), Boris Lojkine s' est aventuré cette fois et non sans bonheur, sur le chemin de la fiction avec «L'Histoire de Souleymane», un film remarquable, porteur d'un éclairage puissant,décillant notre regard sur ceux, souvent, qu'on feint d'ignorer. Ces invisibles. D.A

À propos du film
«L'image de ces livreurs a` ve´lo me travaillait, et je me suis demande´: et si je filmais Paris comme une ville e´trange`re dont on ne connai^trait pas les codes, ou` chaque policier est une menace, ou` les habitants sont hostiles, pleins de morgue, difficiles d'acce`s? Des HLM de grande banlieue aux immeubles haussmanniens du centre, des MacDo aux immeubles de bureau, des centres d'he´bergement d'urgence aux wagons de RER, c'est bien ma ville que j'ai filme´e, parfois au coin de chez moi, mais sous un angle radicalement diffe´rent.
L'Autre dans le film, c'est nous: le travailleur presse´ qui commande son Burger, le passant bouscule´ qui peste contre les livreurs a` ve´lo, la fonctionnaire qui se tient face a` Souleymane.
Pour e´crire le film, j'ai voulu partir d'une base documentaire solide. Avec Aline Dalbis, ancienne documentariste devenue directrice de casting, nous sommes alle´s a` la rencontre des livreurs. Ils nous ont raconte´ les coulisses de leur travail: les de´me^le´s avec leurs titulaires de compte, les arnaques dont ils avaient e´te´ victimes, les relations avec les clients; ils nous ont parle´ de leurs difficulte´s pour se loger, et des rapports avec leurs camarades livreurs, les colle`gues qui ne sont pas force´ment des amis.
Dans tous leurs re´cits, la question des papiers avait une place a` part. Je l'ai vu, notamment avec les Guine´ens. Presque tous e´taient ou avaient e´te´ demandeurs d'asile, et cette demande les obse´dait, car avoir l'asile peut radicalement changer leur vie. Le drame, pour un livreur, ce n'est plus de se faire voler son ve´lo comme dans «Le Voleur de Bicyclette» (tu te fais voler ton ve´lo, tu en rache`tes un le lendemain a` Barbe`s). Le drame, c'est d'e´chouer a` l'entretien de demande d'asile.
Les sce`nes de ve´lo sont pour moi bien plus que de simples trajets. Sur le ve´lo, on est d'emble´e plonge´ dans le chaos de la ville. Lors de ces sce`nes, on rec¸oit en pleine face toute son intensite´, on absorbe son e´nergie, on a un constant sentiment de danger.»

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours