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Hocine Haroun (Ecrivain)

«Ecrire, c’est prendre le temps de s’exprimer»

Hocine Haroun est un romancier et dramaturge ayant écrit et publié plusieurs romans en langue française et des pièces de théâtre en langue amazighe. Dans cet entretien, il nous parle de sa passion pour la littérature, nous évoque ses différents livres et partage avec nous ses livres et auteurs préférés.

L'expression: À quand remonte exactement votre passion pour la littérature?
Hocine Haroun: Je crois que j'ai écrit dès que j'ai su écrire. Déjà au primaire, mes petites rédactions plaisaient à mon instituteur. Mon grand-père qui avait été lui aussi instituteur y était pour l'essentiel. Il m'avait fait aimer la langue française qu'il maîtrisait à merveille. De lui, je fis connaissance, à l'âge précoce, des pièces théâtrales de Molière, des poèmes de Victor Hugo; mais surtout, des fables de La Fontaine. Puis au collège, sous la houlette de M. Jean Claude Lanau, je n'avais que 16 ans alors, je présentais à mon professeur qu'il était, une dizaine de feuillets par semaine sur lesquelles il portait des corrections et des annotations. Là, en 4ème année moyenne, naquit «le Roseau sentimental», mon premier manuscrit que j'ai fini par éditer.
Comment avez-vous décidé d'écrire ce tout premier roman, parlez-nous des conditions de son écriture et de son édition?
Le gros de mon premier roman, «Le Roseau sentimental», je l'ai écrit au collège de Beni Douala sous l'oeil vigilant de mon professeur et la bonne cuisine du père de Matoub Lounès, qui était alors notre Top chef et non moins l'ami de tous les enfants que nous étions. Elève collégien, j'écrivais avec l'émerveillement d'un jeune qui se disait, au fur et mesure que les pages devenaient chapitre: «Donc, il m'est possible de faire ça! Écrire un roman!» Il faut dire qu'à l'époque, le niveau scolaire, notamment en langue française, était élevé. J'avais déjà, à cet âge-là, lu «Nedjma» de Kateb, «Le fils du pauvre» de Feraoun, appris Prévert et joué du Molière. Pour l'édition, ce fut simple. Après avoir peaufiné et fait lire le manuscrit, je l'ai proposé aux Editions «La pensée universelle», à Paris, en 1984, qui l'accepta. Six mois plus tard, je reçus par colis 25 exemplaires de mon premier né. Et, le fait qu'il fut édité, quel que fut sa valeur littéraire, suffisait à mon bonheur.
Pourquoi avoir attendu très longtemps pour publier votre deuxième roman chez l'Enag? Parlez-nous un peu de ce roman...
Honnêtement, les lecteurs ont trouvé «Le Roseau sentimental» compliqué. Je reconnais, que j'étais sous la forte influence de Kateb Yacine et de Jack Prévert quand je l'avais écrit, dans ce style parabolique, symbolique où tout se dit par métaphore, insinuation, où tout était suggéré plutôt que dit. J'avais la hantise de la censure, je suis tombé sur l'autocensure. Le roman parlait d'un jeune qui voulait réformer un lycée. Le fermer plutôt et revenir au village à la quête de la belle Rosina. Le sujet traitait sous cape de l'Algérie de l'époque où le parti unique battait la mesure dans un pays sclérosé, fermé à tout espoir de liberté, de démocratie... C'était pour moi comme un défi, un défi d'égo, plutôt puéril. Ecrire comme eux! Ces géants de la littérature! J'avoue que j'étais pendant une longue période, déçu, découragé. Les conseils de M. Laneau, mon prof, me revenaient à l'esprit; il me disait alors d'écrire «simplement», raconter des histoires de tous les jours... comme Feraoun! Or, pour écrire «simplement», il fallait maitriser la langue, il fallait lire, lire et lire. Cela m'a pris beaucoup de temps, ma profession d'enseignant de langue française, a fini par combler des manques qui avaient fait que j'aie hésité à écrire «simplement». Je me suis lancé donc dans le projet de «Faty, sa fille Thas et monsieur Pons». Un pavé qui m'avait demandé quelques bonnes années avant de le présenter à l'Edition.
Comment a émergé l'idée de rééditer votre premier roman, «Le roseau sentimental»?
L'idée est venue de l'éditeur lui-même, Monsieur Djerroud Tarik. Publié en 1984, le livre était déjà introuvable en Algérie, probablement épuisé en France. Il m'était même difficile de dénicher un exemplaire. Après tant d'années, forcément, on finit par tasser ses vieux projets. Tafat-Edition m'a permis de faire revivre ce roman et d'y annexer deux chapitres que j'avais défalqués à la première édition. Ces deux chapitres ont assurément ajouté un plus de clarté et de lisibilité à la trame.
Votre roman, «La relique», est un texte extrêmement émouvant où la douleur et la souffrance sont omniprésentes, est-ce qu'il s'agit d'événements vrais ou s'agit-il d'une fiction inspirée à partir de quelques bribes de faits réels?
Le roman «La relique» est venu juste après l'édition de «Faty, sa fille Thas et Monsieur Thas». Si j'ai mis une poignée d'années pour écrire le premier, le deuxième ne m'a pris qu'un bon semestre. Un événement qui s'était produit fut l'étincelle qui provoqua en moi cette verve à écrire vite et sans répit jusqu'au point final. L'événement, c'est la mort d'un villageois survenue juste un mois après la mort de sa mère alors qu'il jouissait d'une santé pétillante. Au lendemain de l'enterrement de sa maman, donc, il tomba malade et vécut des scènes quasi paranormales dans sa propre maison, notamment, concernant son troupeau de moutons, sa chèvre, son enfant... La vie de cette famille, la mansuétude de sa mère, le sacerdoce de sa femme, le dévouement de son cousin, l'exil et l'errance de son père... ce sont là des faits quasi traditionnels qu'on retrouve dans nos foyers villageois. Il suffit de se focaliser sur une famille et cela peut donner une belle histoire à écrire. Pour répondre à votre question, je dirais que le roman se situe entre la fiction et la véracité des faits. Meziane Ouhand a existé réellement au village, je l'ai côtoyé personnellement et l'ai apprécié tel que je l'ai décrit dans le roman. Les événements qui se sont produits autour de son foyer, son vécu familial, sa vie villageoise... tout est véridique. Cela dit, la fiction est venue pour romancer et orienter la trame vers plus d'émotion.
Vous écrivez en français et en tamazight, quelle est la différence en écrivant dans les deux langues?
J'ai écrit en tamazight plus par militantisme que par vocation. Il est vrai que dès mon jeune âge, la fibre amazighe me titillait. J'ai pris part corps et âme à la lutte pour notre identité amazighe; j'étais à l'âge où j'activais avec ferveur dans le Mouvement culturel berbère. Ecrire tamazight était pour moi plus qu'un défi, un devoir. J'ai appris et su maitriser «Tamaamrit» pour pouvoir écrire, et j'ai fini par éditer deux pièces théâtrales: «Udem s udem» chez Achab, et «Ali Ameksa» chez Enag». La langue française est plus qu'un butin de guerre, pour reprendre Kateb, elle est pour moi passionnelle, fusionnelle. D'abord, c'est une langue que m'a fait aimer grand-père, je me répète, puis celle que j'ai apprise dans mon cursus scolaire, ensuite et enfin celle que j'ai enseignée à l'école; j'ajoute, celle par laquelle j'ai découvert les chefs-d'oeuvre de la littérature, les grands classiques, les philosophes, comme la beauté des écrits d'un Feraoun, Mammeri, Mimouni, Khadra, Daoud... mais aussi Dib, Taos Amrouche...
Pouvez-vous nous parler de votre univers littéraire, les livres qui vous ont marqué, vos livres de chevet...
Je suis plutôt éclectique, je touche à tout, je lis tout. Bien sûr, ma prédilection va vers la littérature, j'allais dire pure. Cela va des classiques jusqu'au roman moderne. Mon ami Ali Mouzaoui m'a fait aimer la littérature russe. Quand on lit Ait Matov, on prend son souffle et on dit: «Mon Dieu, que c'est beau!». Gabriel Garcia Marquez a, je pense, orienté ma façon d'écrire. Il a su créer un univers simple, mais fantastique autour de son village Macondo. Ses personnages ressemblent à s'y méprendre aux nôtres... Puis, il y a nos écrivains; Qui peut écrire mieux que Feraoun, Kateb, Mammeri, Mimouni, Boudjedra, Khadra?... Quant à mes livres de chevet... Actuellement, je lis et relis un excellent livre de Ali Mouzaoui «Dans le ciel, des étoiles et des oiseaux «, un roman dur qui vous secoue si bien. J'ai aussi «La dame aux Camélia» d'Alexandre Dumas-fils, «Crime et Châtiments» de Dostoïevski, et pour finir, «Le procès» de Kafka.
Avez-vous connu et côtoyé des écrivains algériens? Parlez-nous en...
Comme écrivains de renom, j'ai eu l'insigne honneur de rencontrer Yasmina Khadra avec qui j'ai partagé des moments rares, édifiants, et Boudjedra, un homme de lettres pétri de qualités intellectuelles. Avec ces deux illustres écrivains, j'eus l'opportunité de rencontrer Lazhari Labter, Mouloud Achour, Grine, Stambouli... sans oublier les écrivains et écrivaines de notre région: Merahi, Attaf, Lynda Koudache, Lynda Chouitene, Hanane Bourai, Meriem Guemmache, Nadia Sebkhi... En citant, j'en oublie.
Qu'est-ce qu'écrire pour vous?
Ecrire est à mon sens, le meilleur moyen dont on dispose pour matérialiser, ou mieux, concrétiser et pérenniser ses pensées. Ecrire c'est prendre le temps de s'exprimer, et quand on prend ce temps, généralement on s'exprime bien.
D'autres projets en instance ou en cours?
J'ai proposé à l'édition le manuscrit d'un roman intitulé «Le Coma, ou les péripéties d'un enseignant», j'espère le voir en librairie avant la fin de l'année. Je suis, par ailleurs, aux dernières retouches d'un autre roman qui arrive doucement mais sûrement. Sinon j'ai quelques nouvelles avec lesquelles j'éditerai bien un recueil.

De Quoi j'me Mêle

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