Jeunes loups et vieux chevaux de retour
Il ne fait pas de doute que l´Algérie a la «classe politique» qu´elle mérite. Dès lors, la lisibilité de l´espace politique algérien est problématique. De fait, cet espace fonctionne en dépit du bon sens alors que le seul credo des «politiques» demeure la chasse aux meilleurs postes de l´Etat. En fait, l´impression qui domine est que la «classe politique» n´active pas au nom de convictions politiques, de programmes à mettre en oeuvre ou de projets de société à faire valoir. En revanche, les mêmes déploient tout leur potentiel pour avoir, ou préserver, des positions au sein du pouvoir. De fait, on doute parfois qu´il y ait des politiciens conscients des missions qui leur ont échu et des charges qui leur sont dévolues aux communes, à l´Assemblée nationale et au Conseil de la nation. Or, l´homme politique est quelqu´un qui a des convictions, des idées et des programmes pour son pays. De fait, une fois élus, maires, députés et sénateurs, oublient que leur nouvelle situation, due à la confiance de leurs électeurs, leur impose des obligations envers ces derniers et l´Etat. Or, l´inculture politique de nombre de politiciens renvoie une image désolante du champ politique national. Cette inexpérience politique, pour ne pas dire plus, est illustrée par le président de l´APN, alors fraîchement élu au perchoir, donnant à voir les à-peu-près et amalgames qui nourrissent les malentendus politiques. Ainsi, M.Saïdani, devenu troisième personnage de l´Etat, s´est-il empressé de remercier le président de la République de la confiance qu´il met en lui après son accession à cette importante charge de l´Etat. Or, si quelqu´un devait être remercié en l´occurrence, ce sont ses électeurs d´abord, ensuite ses pairs qui lui ont donné de s´élever à cette position. C´est du moins le processus qui mène un homme politique au faîte des responsabilités de l´Etat, où certes, entrent aussi en jeu les alliances politiques, le poids électoral du parti, d´où l´arrivée de M.Saïdani, - membre du parti majoritaire, le FLN -, à la présidence de l´APN. A moins que cela ne se passe autrement, comme a pu en témoigner le lapsus, voire la naïveté de Amar Saïdani qui, à l´occasion, a commis un impair politique, si l´on excipe, évidemment, de l´indépendance des institutions qui ne permet pas d´interférences d´où qu´elles viennent. Mais, peut-on en fait en vouloir au député d´El Oued, lorsque les hommes politiques algériens en général, ceux émargeant au FLN en particulier, ont été formés à l´observance de l´obséquiosité et de l´allégeance à l´homme fort du moment? Subordination qui dilue les responsabilités, sous la forme de «soutien» au grand homme, ce qui permet d´avoir l´autorité sans avoir à en assumer les implications et les contraintes. Cette situation est due au fait que d´aucuns estiment que le pouvoir revient de droit au FLN, en fait à ceux activant sous le couvert du glorieux sigle de la Révolution. Ainsi, la famille révolutionnaire - dont le credo est le maintien au pouvoir - n´envisage pas la possibilité d´un FLN dans l´opposition. Or, l´opposition reste un passage sine qua non, pour l´exercice de l´alternance du pouvoir, gage de démocratie. Mais l´alternance politique a-t-elle un sens en Algérie quand personne n´y croit? En réalité, beaucoup de choses sont à revoir dans le fonctionnement du champ politique national. En fait, c´est à une révolution des esprits qu´il faudrait aller. Mais les politiciens sont-ils prêts à ce saut qualitatif qui donnera au pays d´entrer de plain-pied dans l´ère de la démocratie et du vrai pluralisme politique? De fait, les crises qui déchirent les deux plus vieux partis du pays, le FLN et le FFS, témoignent au contraire de l´esprit étriqué de ceux qui ambitionnent de gouverner l´Algérie. Nonobstant le fait que l´action politique et ses avatars tendent à désacraliser le parti de la libération, la couverture du FLN historique a surtout donné à des hommes sortis du néant de faire de la politique par effraction, alors même que la politique est un métier avec ses règles et ses contraintes, totalement méconnues par ceux-là, aspirant à gouverner. Ce qui fait, que ce sont les dinosaures et autres vieux chevaux de retour qui ont la haute main sur les affaires du pays depuis quatre décennies. Aussi, est-il curieux que le pays n´ait produit aucune relève depuis 1962. Où sont donc les Abane Ramdane, les Ben M´Hidi de la génération de l´indépendance? Où sont les «jeunes loups» du FLN et du FFS? Le fait que ces deux vieux partis traversent des crises concomitantes profondes, est significatif. De fait, la crise aiguë qui secoue le FFS vient en filigrane rappeler que les gens sortis du même moule produisent les mêmes effets. Ainsi en est-il de Hocine Aït Ahmed l´un des historiques, et un des derniers survivants de la Révolution qui, loin de donner du tonus à son parti, a, - par le monopole et la main de fer qu´il exerce sur le FFS -, étouffé les vocations et brisé les élans de nombre de ses lieutenants. De fait, Aït Ahmed a fait le vide autour de lui par une consommation abusive de «premiers secrétaires» sans pouvoir, hormis celui d´exécutants. M.Aït Ahmed, éloigné depuis des années du champ politique national, a une vision déformée de la réalité politique du pays et cela se répercute sur le fonctionnement de son parti. D´ailleurs, le fait que le Conseil national du FFS soit désigné par le seul Aït Ahmed sans que ses membres soient élus par le congrès, indique, si besoin est, le peu de poids des militants de ce parti. En fait, le FFS est dans la forme certes un parti démocratique, mais dans le fond, cela se discute, d´autant plus qu´il s´est confiné dans le mimétisme d´un FLN dont il n´a pas le poids historique. En fait, l´ambition des politiciens algériens semble celle de vivre à l´ombre de l´homme fort et continuer ainsi à faire fructifier une allégeance politique bien comprise. Dès lors, doit-on s´étonner que l´Algérie de Boudiaf et de Mourad Didouche, n´ait pu produire de politiciens dignes de ce nom? Et ceci peut expliquer cela.