La relance industrielle
Mettre en place une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation, tel est l’Objectif de développement durable (ODD n°9) que « le Pacte pour l’avenir » des Nations unies prescrit aux États membres, car l’atteinte de cet objectif d’ici à 2030 est un levier important pour réduire la pauvreté, les inégalités, produire et consommer de manière durable ou encore limiter et s’adapter au changement climatique. L’ODD n°9 est destiné à favoriser le développement d’infrastructures de qualité, fiables, durables et résilientes, ainsi qu’une industrialisation et une innovation durables, notamment dans les pays en développement. Il appelle, spécialement à faciliter l’accès des petites entreprises, notamment industrielles, aux services financiers, à renforcer la recherche scientifique et l’innovation durables ainsi que le financement des infrastructures. Il incite également à diversifier l’industrialisation, à assurer le transfert de technologie vers les pays en développement et à développer l’accès aux communications téléphoniques et informatiques dans les pays les moins avancés et plus généralement à réduire la fracture numérique. Pour l’Algérie qui dispose d’une base industrielle construite dans les années 70, avec l’ambition d’entraîner le reste de l’économie, l’avènement de nouvelles technologies numériques, l’orientation des économies vers le développement durable, pour assurer en même temps la préservation de l’environnement et le progrès social, l’ont incité à relancer le secteur industriel sur de nouvelles bases: des technologies « vertes », des processus numérisés et des productions diversifiées, dans le cadre d’une stratégie multipartenaires (public, privé, IDE) pour la réalisation de ce programme. Cette stratégie s’inscrit pleinement dans les recommandations du « Pacte pour l’avenir ». La finalité étant d’améliorer les conditions de vie et de travail de la population que cette stratégie projette d’obtenir à travers des investissements industriels orientés vers une intégration économique intersectorielle qui favorise la réduction des importations et la promotion des exportations hors hydrocarbures.
Cette orientation stratégique de la relance industrielle vise un triple objectif: renforcer la souveraineté nationale, en réduisant la dépendance économique, préserver l’environnement face aux changements climatiques en s’orientant vers les énergies renouvelables et assurer la cohésion territoriale en localisant les investissements de façon équilibrée au niveau régional. Ayant participé depuis l’indépendance nationale à la définition d’une politique industrielle visant à assurer le décollage économique du pays, dans le cadre des plans successifs suivants : 1970-1973, 1974-1979, 1980-1984, il me semble utile de rappeler les principes qui ont prévalu dans l’élaboration de cette politique, qui gagnerait à être poursuivie dans ses grandes orientations pour réduire la dépendance économique et renforcer la souveraineté nationale.. L’industrialisation de l’Algérie a véritablement commencé après la nationalisation du secteur pétrolier en février 1971. Le pays disposait alors en toute propriété du pétrole de Hassi Messaoud et du gaz de Hassi R’Mel, à la fois comme sources d’énergie pour industrialiser le pays et comme sources de financement des biens d’équipement importés pour son industrie. Et la politique d’alors était de « semer du pétrole pour récolter de l’industrie » vecteur de l’indépendance économique du pays. Depuis lors, la stratégie industrielle poursuivie par les gouvernements successifs continue à avoir comme ligne directrice la construction de cette indépendance. Cette stratégie a toujours visé à intégrer l’ensemble des filières industrielles, avec un espace réservé aux secteurs stratégiques, aux énergies fossiles et récemment aux énergies renouvelables, ainsi qu’aux autres domaines de l’économie nationale dans le cadre d’une politique économique nationale globale qui articule l’ensemble de ces secteurs. Cette stratégie accorde naturellement la priorité à la valorisation des matières premières pétrolières et minières, source de valeur ajoutée, à l’instar de tous les pays qui disposent de ressources naturelles et qui visent un développement endogène, ainsi qu’aux secteurs d’entraînement de toute l’économie nationale- électricité électronique, mécanique, métallurgie, matériaux de construction, pétrochimie, matériaux de construction- bénéficiant au secteur primaire de l’agriculture et au secteur tertiaire des services. Cette stratégie met également l’accent sur l’industrie manufacturière et l’industrie agroalimentaire parce qu’elles génèrent de nombreux emplois, contribuent à l’équilibre régional du fait de leur répartition sur tout le territoire national et constituent un excellent facteur d’intégration avec le secteur pétrochimique et agricole.
La stratégie, ainsi définie et planifiée, n’est pas mise en œuvre à huis clos. Pour sa réalisation, elle a eu recours chaque fois que de besoin à l’investissement étranger (direct ou en partenariat) en vue d’accéder à la technologie et aux marchés étrangers, en fixant des conditions précises : protection et soutien de la production nationale, interdiction de certains secteurs stratégiques, partenariat minoritaire dans certaines filières, obligation de formation du personnel et transfert effectif de la technologie, intégration locale et exportation totale ou partielle des produits de l’investissement avec un bilan devises positif.
Plus généralement, l’Algérie s’est engagée dans une transformation économique et sociale globale et durable basée sur le potentiel national existant et axée sur la valorisation des ressources naturelles, la préservation des secteurs stratégiques, la construction d’une économie indépendante avec les moyens publics et privés nationaux, l’intégration nationale puis régionale, afin de créer les meilleures conditions d’une intégration internationale progressive et contrôlée, avec un seul objectif : l’amélioration du bien-être de la population dans toutes les régions du pays. Bien plus, se voulant en phase avec l’évolution de l’économie mondiale et des critères de compétitivité, elle s’oriente résolument vers la numérisation de ses processus de production et une industrialisation verte qui se soucie de la protection de l’environnement. L’État et ses collectivités locales renforcées par la décentralisation, les Entreprises publiques et privées soutenues dans leurs opérations d’investissement et d’exportation, les cadres nationaux et les partenaires sociaux associés dans l’action, sont les leviers principaux sur lesquels l’Algérie s’appuie pour poursuivre son épopée industrielle et la construction d’une économie nationale indépendante. Il s’agit là de défis importants nécessitant une planification rigoureuse, une coordination de tous les secteurs concernés et un suivi continu d’exécution.
*Expert international