LA PETITE BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉTÉ 2016 (II)
Les livres comblent le vide de l'esprit
Néanmoins, dans ses Mémoires l'écrivain anglais Sydney Smith (1771-1845), s'adressant à quelques beaux esprits en formation, confirme avec dérision qu'«aucune garniture n'est aussi charmante que les livres, même si vous ne les ouvrez jamais, ni n'en lisez un simple mot».
Ces braves gens, qui ne savent pas même cacher leur ignorance, toujours se réjouissant de leur brillante bibliothèque, ont rarement la fierté de citer quelques noms d'auteurs, quelques titres d'ouvrages et, moins encore, d'évoquer ce qu'ils y ont appris en les lisant - s'ils savent lire - ou de donner leur entier sentiment sur ce qui les lie à eux.
Aussi n'y a-t-il, dit-on, de «mauvais livres que pour les mauvais lecteurs» et il n'y a de sauvage fleurette que dans les champs ou sur une terre laissée en jachère par son supposé propriétaire qui n'en peut mais. Qu'est-ce à dire, sinon que «la terre appartient à ceux qui la travaillent», slogan fort mobilisateur et qui a pourtant été improductif, telle la leçon ratée en classe par un enseignant sans capacité ni formation professionnelle au tout premier temps de l'indépendance de notre pays...
Entrons plutôt dans notre petite bibliothèque de l'été 2016 et prenons quelques livres présentés dans Le Temps de lire saison 2015-2016):
5ÈME COLLOQUE ARABE DE LA LITTÉRATURE POPULAIRE D'ALGER (28-30 nov. 2015): «Le poète Omar Boudjerda honoré... Quand la poésie remplit sa fonction primordiale, elle est populaire, car elle privilégie le libre sentiment du vivant et le valorise. [...] Samedi 28 novembre 2015, à 14 h 30, M. Azzeddine Mihoubi, ministre de la Culture a ouvert, à la Bibliothèque nationale d'Alger-El Hamma, le 5ème Colloque interarabe de la littérature populaire. Sous l'égide du ministère de la Culture et conjointement organisée par l'Association algérienne pour la littérature populaire, présidée par M. Toufik Ouamane, lui-même poète, et la Bibliothèque nationale d'Alger dont le directeur général est M. Yasser Arafat Gana, cette très agréable manifestation poétique autour du thème «littérature populaire» (Al-Adab ach-chabî), a réuni des poètes venus de plusieurs régions d'Algérie, ainsi que de douze pays arabes: Palestine, Égypte, Libye, Tunisie, Mauritanie, Maroc, Jordanie, Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Liban, Syrie, Irak [...] De joyeux youyous pour la littérature populaire. Tous ces poètes sont venus pour des échanges d'études, d'écriture et d'expérience dans ce vaste domaine de l'expression orale poétique, à la fois, inspirée par l'homme et la nature où qu'ils se trouvent et ancrée dans ces deux éléments inséparables de la vie tout court. Cette poésie fait leur éloge tout en analysant, avec le coeur et la raison, tout ce qui leur donne vie, tout ce qu'ils donnent, eux, également à la vie. La Terre Maternelle, l'Homme, la Femme, le Couple, la Société composent la puissance, l'ardeur et la tendresse de l'Existence. Ils consacrent le fait du sacré. [...]
Dans Le Temps de lire, j'ai présenté deux ouvrages de Omar Boudjerda: «Soûr El Ghouzlâne, Les Lions du Dirah, 1912» et «Soûr El Ghouzlâne, Histoire et Civilisation». Actuellement, Omar Boudjerda prépare un recueil de textes dans le genre «Poésie populaire». Je reproduis ici ces vers tout en sachant que, extraits de leur contexte poétique, ils ne prétendent pas, à l'évidence, illustrer le talent de ce poète de Soûr El Ghouzlâne «Sâ'loû aynî. -... Wa qadmoû lanâ l'Djazâir ouzzat laqtâr / El Djazâir kâmla mâha wa ghnâhâ. - El matloûb n'çoûnha wa namchî nâr / Wa nagdî l'maçbâh ellî ichacha bahâhâ. - Andjahhaz ettourba wa nwattî lawâr / Wa naghras ennouqla ellî ech-chahîd nawâhâ.» - «Interrogez mon oeil. -... [Nos combattants et nos chouhadâ] nous ont fait présent de l'Algérie, la gloire des contrées / De l'Algérie entière avec ses richesses et ses trésors. - Il est demandé que je la soigne, que je m'attache à la préserver / Et que j'allume une lampe qui expose sa splendeur. - Que je prépare la terre et que j'en nivelle les inégalités / Et que je plante la bouture que le Chahîd avait en projet.»
CAUSES DE LA RÉGRESSION DES MUSULMANS de Chakîb Arslâne. Publications du Haut Conseil Islamique, 2ème édition, Alger, 2006, 112 pages: «Pessimisme et... absence d'espoir?... Tous les peuples qui vivent trouvent la clé du progrès dans la science suprême. [...] Réfléchir en regardant les doigts de sa main. Aujourd'hui, le même problème demeure... Et de plus en plus, hélas! il est sanglant. Or, la solution est en l'homme, s'éduquer et s'instruire, se rencontrer, se connaître, fin des luttes intestines des responsables musulmans, fin de leurs appétits funestes au droit, à la justice et au bien-être,... Chakîb Arslâne a cette observation éminemment d'actualité: «Certains [Il s'agit des Musulmans athées qui feignent d'ignorer l'intolérance religieuse de l'Europe (note du trad. H. Tidjâni.], en Europe, lorsqu'on dit: «Renaissance nationale», «université nationale», le mot ne signifie pas seulement le sol, l'eau, les arbres et les pierres, ni l'ethnie dont l'origine remonte au premier ancêtre, mais signifie bien la nation et le peuple avec toute la géographie, l'histoire, la culture, c'est-à-dire la nourriture, la croyance, la religion, la morale, la tradition tout ensemble. C'est pour cela que les Européens luttent et s'investissent (Missive à ceux qui veulent une renaissance nationale sans la religion). Voilà donc une lecture qui nous ramène d'une certaine manière au Premier homme, - nous sommes tous faits de la même argile, et si nous sommes aussi différents que les doigts de la main humaine, il y a certainement quelque utilité bienfaitrice pour que chaque doigt dépende de l'autre et inversement. Que chacun regarde donc les doigts de sa main et qu'il réfléchisse!»
MÉMOIRES D'UN UNIVERSITAIRE ÉCRIVAIN, VERS UNE CULTURE OUVERTE de Chikh Bouamrane, Thala Éditions, Alger, 2012, 373 pages: «Les Mémoires magistraux éveillent la jeunesse... [...] Comme suite à l'hommage justement et naturellement fort élogieux rendu récemment par l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki (Casbah-Alger), à nos maîtres, à nos authentiques «chouyoûkh» (hommes de savoir, de progrès et de pédagogie), en l'occurrence à Chikh Bouamrane, Le Temps de lire, très attentif à la pensée de ce délicat et presque discret chercheur humaniste, évoque le chemin de sa destinée particulière. [...] Le sens du devoir et du sacrifice... L'ouvrage Mémoires d'un universitaire écrivain: Vers une culture ouverte (*), de Chikh Bouamrane est riche de cet enseignement à l'adresse des jeunes, car, après des études supérieures en lettres et en philosophie, un doctorat d'État en cette dernière discipline, il a occupé de nombreux postes importants, entre autres, dans l'Éducation et à l'Université. Il a été ministre de la Communication et de la Culture. Depuis le 31 mai 2001, il est président du Haut Conseil Islamique et, à 92 ans, il reste toujours lucide et perspicace en ce domaine de la foi. Parfaitement bilingue, il est auteur de livres aux titres flamboyants d'intérêt multiple (Ibn Rochd, Fasl-al-maqâl (en arabe), Panorama de la pensée islamique (avec Louis Gardet); Les scouts musulmans algériens; L'Émir Abd-el-Kader, résistant et humaniste; L'Algérie coloniale par les textes; Regards sur la culture d'hier à aujourd'hui,... Dans le présent ouvrage, Chikh Bouamrane initie de nouveau un beau débat de communication. Tout homme d'expérience, de formation universitaire et qui a pratiqué dans sa jeunesse le scoutisme musulman et, à l'âge adulte, a cultivé les lettres et fréquenté la politique nationale, ne pouvait déjà - au cours de son intervention au fameux 1er Colloque culturel national au club des Pins, en 1968 - que se dire «philosophe sur les bords».
Plus tard, dans ses différentes fonctions, il ne pouvait être que pleinement instituteur; c'est-à-dire homme de culture et de sagesse, éduquant et instruisant en puisant dans les grandes sources du savoir.
Sans doute, la personnalité de Chikh Bouamrane est-elle là, entière, globalement intéressante pour laisser voir au-delà ses intentions éducatives et instructives. [...]
En somme, Mémoires d'un universitaire écrivain / Vers une culture ouverte de Chikh Bouamrane est un ouvrage franc sur des émotions personnelles hautement éducatives.
On y découvre un témoignage auquel nous succombons aisément dans la mesure où la sincérité de l'auteur invite, à chaque page, au raisonnement. Ah! si tous les Algériens, en ce cinquante-quatrième anniversaire de l'Indépendance, voulaient, pouvaient,... lire et même relire leur histoire, leur culture, leur civilisation et se les assimiler, qu'ils seraient beaux, car authentiques, paisibles et libres!»
(À suivre La Petite bibliothèque de l'été 2016, dans L'Expression du mercredi 24 août 2016.)