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On divorce même à ...96 ans

Le tribunal de Bâb El Oued (cour d’Alger) bouillonnait ce mardi, par la présence de près d’une centaine de personnes, entre le rez-de-chaussée et le 1er étage de la bâtisse, sise à Baïnem.

Le service d'ordre était comme toujours à pied d'oeuvre, surtout que nous avons appris, dès que nous avions traversé le portail métallique placé à l'entrée de la juridiction, qu'un inspecteur du ministère de la Justice se trouvait dans les parages. La présence d'un inspecteur dans les juridictions annonçait probablement un futur proche chambardement dans tous les domaines de la magistrature. Nous nous dirigeons vers la salle d'audience où allait se tenir un procès inédit dans les annales de la justice algéroise. Il s'agissait de l'audience des affaires familiales, et le «clou» de cette audience fut le divorce d'un très vieil handicapé de...
96 ans, d'avec sa femme de 80 ans. Epoustouflant, n'est-ce pas? Et pourtant, c'est la stricte, amère et douloureuse vérité. Il était 11h et quelques poussières, lorsque des gens s'avancèrent du bureau de Dalila Issolah, l'énergique présidente du tribunal qui était en audience de consultation avec le juge du jour. Ce dernier fut informé qu'un vieillard, un grand handicapé, par-dessus le marché, ne pouvait attendre plus qu'il n'en faut, demandait à ce que son affaire passât en priorité, car... Le juge, un jeune et beau garçon, afficha son plus beau sourire et dévala les marches d'escalier direction la salle d'audiences À l'intérieur, un monde fou, attendait patiemment son tour, dans un climat où la chaleur de cette journée allait crescendo. Le président de la section «affaires familiales» appela le vieux qui déclara, depuis la chaise roulante, tout de go, à l'intention du tribunal: «Monsieur le juge, je ne veux pas divorcer! Elle m'a préparé un mauvais coup. C'est de la traitrise. C'est un complot, doublé d'une machiavélique machination, pour je ne sais quel dessein! C'est honteux, à son âge. Je vais bientôt avoir cent ans, et elle a décidé d'acheter sa liberté contre le versement d'une certaine somme d'argent! Pourquoi le gouvernement a-t-il donné à la femme sa liberté? Il devrait arrêter cette fâcheuse façon de faire. En tout cas, moi je m'oppose au divorce. J'aime mon épouse et je tiens à elle, quoiqu'il arrive et quoiqu'elle fasse!» Le juge retient un fou- rire général tout comme l'assistance, formée d'adultes bien au fait des histoires conjugales, mais jamais, les gens n'auront assisté, à une telle audience. «Hadj, vous ne voulez pas rompre avec madame votre femme, c'est bien cela? Alors, approchez-le du pupitre, afin qu'il contresigne ici: il désigne un coin d'une feuille faisant partie du dossier. La vieille femme, elle, à 79 ans, entre-temps, ne cessait de ruminer, qu'elle en avait marre de ce «kilo», ce «lourdaud», ce «raté» qui ne lui a jamais rien donné, ni rien apporté, que d'interminables palabres, de vains gémissements, et qu'elle ne retiendra de cette longue union, que de la misère quotidienne, dans tous les domaines! Le divorce demeure une force avérée dans le secteur judiciaire, et aucune autre force n'y peut venir à bout. «C'est un malheureux phénomène de société qui ronge notre société, que la descente aux enfers de certains de nos foyers!»,constate Me Malia Bouzid. Revenons à notre procès qui a vu pas mal de membres des deux familles, et de voisins se déplacer au tribunal pour assister au duel entre les très vieux époux connus dans la région, pour leur acharnement à avoir raison, à chaque scène de ménage, qui ameute à chaque fois, pas mal et même, beaucoup de monde, dont plusieurs en ont fait un couple de légende. «À chaque dispute, j'étais là. Au début, c'était amusant, et même plus. Puis les disputes se sont multipliées, au point où les voisins se sont mêlés, et un peu trop, au point où ils constatèrent que les relations entre les deux vieillards étaient caractérisées par le pourrissement dans les propos échangés. Je me suis retiré de cette histoire proprement, et je vous assure que je ne m'en porte que mieux.» Confie un vieux encore costaud qui arrêta de nous parler, car le juge appela le vieillard: «Hadj! Approchez, svp, et contresignez, ici!», balance le juge qui désigna de l'index l'endroit de la signature par El Hadj, victime de l'article 54 (Ordonnance 05-02 du 27 février 2005), qui clôtura ainsi, avant de griffonner, en murmurant: «Hé, monsieur le juge, je ne veux pas divorcer! Jamais!» Tout le monde a ri sauf le président. Ah, ce devoir de réserve! 

De Quoi j'me Mêle

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