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Des états généraux de l’énergie en Algérie

Une utopie mobilisatrice

«Il n'y a pas de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où aller.» Sénèque

Le samedi 7 décembre s'est tenue à la salle de conférence, de Sonelgaz, à Ben Aknoun la 24e Journée de l'énergie dédiée à Sonelgaz pour fêter le 50e anniversaire de sa création en 1969. Le thème éminemment important dans les pays qui respectent la science et la mettent en valeur est le suivant: «La Révolution de l'électricité verte: un challenge pour Sonelgaz.»
Les élèves ingénieurs de 4e année de l'Ecole polytechnique ont exposé leur vision de l'avenir concernant la transition vers le développement humain durable. Ce fut d'abord les mots d'espérance de deux jeunes élèves ingénieurs concernant leur profonde conviction de la nécessité pour l'Algérie de changer de paradigme et de miser résolument pour la révolution de l'électricité verte. J'ai ensuite modéré un panel avec des personnalités du monde de l'énergie. Nous avons débattu de deux questions: l'Etat des lieux et ses contraintes et ensuite ce que serait 2030 pour l'Algérie si elle veut que la transition se fasse sans douleur. Aussi bien le président-directeur général que les autres experts ont insisté sur la nécessité de définir une stratégie qui devrait faire place aux énergies renouvelables tout en développant l'aval.
La question des coûts de l'énergie a aussi été débattue ainsi que la nécessité de revoir la politique des subventions pour soutenir non pas les prix de l'énergie, mais les classes sociales à faible pouvoir d'achat. Madame la ministre de l'Environnement et des Energies renouvelables a fait part des actions de son secteur en nous informant des enjeux débattus à la conférence de Madrid. Madame la secrétaire générale du ministère de l'Energie a fait un discours concernant les actions de la tutelle dans le domaine du développement de l'énergie. Ensuite, la contribution importante des experts a touché différents domaines.
Ainsi, le professeur Mekhaldi a décrit les problèmes techniques rencontrés dans les isolateurs et les possibilités d'y remédier, que dans l'environnement, par le docteur Chikhi. Ce sera ensuite une conférence sur l'avenir avec le développement de l'hydrogène par le docteur Mahmah. Vinrent ensuite deux conférences rentrant dans le cadre de la locomotion électrique celle du professeur Haddadi et celle de M. Mourad du groupe Elsecom. Enfin, Kamel Dali, directeur à l'Aprue, a détaillé tous les chantiers de l'efficacité énergétique. Deux conférences importantes faites par les spécialistes de Sonelgaz, qui ont présenté toutes les réalisations en 50 ans, mais aussi comment Sonelgaz appréhende le futur, aussi bien dans le fossile que dans le domaine des énergies renouvelables.
Après cela, les élèves ingénieurs ont déroulé dans neuf communications leurs visions du futur d'abord en faisant un état des lieux mondial de l'énergie, des changements climatiques, l'état des lieux de l'énergie en Algérie.
Les possibilités du pays dans le domaine du renouvelable. Ce qu'a réalisé Sonelgaz. Ensuite un modèle énergétique à 20% renouvelable a été présenté ainsi qu'un modèle pour la locomotion verte qui englobe aussi bien les carburants dits vert comme le sirghaz et le GNC, mais aussi la nécessité pour le pays de démarrer la locomotion électrique. Vint ensuite l'autoconsommation expliquée et détaillée comme étant une possibilité pour diminuer la pression sur la demande d'énergie à Sonelgaz sous certaines conditions, notamment de l'aide de l'Etat, mais aussi d'un prix réel pour l'énergie.

La troisième révolution industrielle
Enfin une dernière communication a permis de décrire la troisième révolution industrielle et les challenges du futur auquel l'Algérie devrait s'intéresser pour prendre le train du progrès.
Ma contribution a concerné en la nécessité d'avoir une vision globale qui manque actuellement. Il nous faut sortir de l'illusion que l'on peut compter sur la rente, sur un baril de pétrole erratique qui fait que nous indexons la loi de finances et l'avenir sur les convulsions des prix du baril.
Le secteur de l'énergie connaît de profonds bouleversements, au moment où l'Algérie reste à l'écart de ces grandes mutations, croyant qu'elle peut vivre encore mille ans avec le pétrole et le gaz. Croire que l'on peut répondre aux défis actuels en bricolant des lois afin d'attirer des investisseurs est une hérésie, nous ne devons pas être obnubilés par le souci de maximaliser la rente.
Cette attitude est en porte-à-faux avec le Développement durable. Il est urgent de s'arrimer au train des nouvelles énergies, surtout qu'une révolution verte est en marche. On sait que l'Algérie a tourné le dos à l'énergie hydroélectrique, il est important de réhabiliter toutes les possibilités telles que la micro-hydraulique et plus globalement les énergies renouvelables, notamment le solaire.
«Le Sahara est une pile électrique!», insiste-t-il, en expliquant qu'à coût égal, l'énergie solaire est bien plus rentable à l'Algérie que l'énergie thermique. En termes de coût, le kilowattheure solaire est plus compétitif que le kilowattheure thermique.
Il nous faut une politique des transports. Le citoyen a plus besoin de transports (bus, tram, train) que de voitures qui ne concernent qu'une faible frange de la population Il nous faut revoir la politique des subventions, adopter la carte carburant et mettre en place une vignette verte, un meilleur usage du sirghaz et du GNC,.ce sont les conditions de la transition énergétique.
Au rythme de la consommation actuelle, l'Algérie consommera une bonne partie de son gaz naturel à l'horizon 2030. «Avec 2 000 milliards de m3 de réserves de gaz en 2035, la problématique est bien réelle, fait-il savoir.

Les piliers fondateurs
En effet, l'exploration à elle seule, selon les données d'aujourd'hui, n'est pas suffisante. Prendre en considération le potentiel algérien en gaz de schiste? Ce gaz n'assure pas forcément la relève en pétrole, l'Algérie ne détient que 1,5 de la réserve mondiale, et 2,2 en gaz naturel.
Le retard accusé dans la mise en place des énergies renouvelables, compromet l'avenir des générations futures.
Des pays comme le Maroc sont à 42% de renouvelable; il prévoit même 50% en 230; il en est de même de la Tunisie qui ambitionne un objectif de 30% d'énergie renouvelable; d'ici 2030. Et nous en Algérie où en sommes-nous? 385 MMW sur 21000 MW (2%). Pourtant, «le Sahara est une pile électrique», précisons qu'à coût égal, l'énergie solaire est bien plus rentable à l'Algérie que l'énergie thermique.
Le secteur de l'énergie connaît de profonds bouleversements et l'Algérie reste à l'écart de ces grandes mutations, croyant qu'elle peut vivre encore mille ans avec le pétrole et le gaz.
L'Algérie ne doit en aucun cas rater la révolution de l'énergie électrique, et en particulier celle de la locomotion électrique. La locomotion électrique, qui est à ses premiers balbutiements dans le monde, peut être une option pour assurer l'avenir des générations futures. En intégrant la locomotion électrique, ce sont des millions de tonnes d'essence et de pétrole qui seront épargnés pour les générations futures. A titre d'exemple, pour un parcours de 100 km à seulement à 7 l/100 km pour l'essence, c'est 300 DA. Les mêmes 100 km avec l'énergie électrique à 10kWh/l cela revient à 5DA le KWh à 50 DA». Il est possible de faire le «Plein d'électricité» chez soi la nuit sans aller à la pompe! De par le monde, nous sommes en pleine mutation. L'Algérie est tragiquement en retard!
La Chine est le pays de la démesure. Elle consomme toutes les énergies pour son développement, sans oublier d'investir dans le futur. La Chine installe une éolienne de 5MW chaque heure, et l'équivalent de 10.000 m2 de solaire chaque heure. Au Sud elle a installé la plus grande installation solaire flottante. Elle produit les deux tiers des panneaux solaires du monde (notamment ceux de l'Europe). Ce qui est 5 fois la capacité solaire actuelle des Etats-Unis. L'Algérie devrait s'inspirer de cette expérience. La troisième révolution industrielle (celle de l'énergie) est une réalité. La troisième révolution industrielle, selon Jeremy Rifkin, sera le fruit d'une synergie détonante entre les énergies renouvelables et les technologies Internet.

La quatrième révolution industrielle est incontournable!
Les technologies de stockage, dont l'hydrogène et les réseaux énergétiques intelligents. Selon l'économiste américain Jeremy Rifkin, la fin de l'ère du pétrole approche à grands pas, notamment par la forte augmentation de la demande des pays émergents comme l'Inde ou la Chine.
Les prochaines décennies nous entraîneront vers un plafonnement de sa production. Dans le même temps, la hausse spectaculaire des émissions de gaz à effet de serre résultant de la consommation d'énergies fossiles est en parfaite corrélation avec l'augmentation de la température moyenne de la planète et fait courir le risque d'un changement climatique important qui pourrait voir l'extinction de l'espèce humaine d'ici la fin de ce siècle. Par conséquent, il est grand temps que toutes les décisions économiques et politiques prennent en compte ces indicateurs environnementaux alarmants ainsi que le coût accru de l'énergie fossile.
La question la plus importante est donc: comment assurer la croissance durable d'une économie mondialisée dans les décennies à venir, qui verront le déclin du système énergétique, et dont les coûts externes et les défaillances croissants pèsent désormais plus que les avantages potentiels, naguère considérables?
Jeremy Rifkin décrit les mutations en cours de l'économie et propose des solutions pour une croissance durable tout au long du XXIe siècle.
La première révolution industrielle s'est appuyée sur l'exploitation du charbon pour déclencher l'industrialisation de l'imprimerie (nécessaire au partage des connaissances requises par le capitalisme industriel).
La deuxième révolution industrielle correspond à la rencontre de l'énergie électrique et des moyens de télécommunication (téléphone, radio, télévision).
«Au nombre de cinq: le passage aux énergies renouvelables; la transformation du parc immobilier de chaque continent en mini-centrales électriques pour collecter les énergies renouvelables sur site; le déploiement des technologies de stockage par le biais de l'hydrogène ou d'un autre moyen dans chaque bâtiment et dans toute l'infrastructure, afin d'emmagasiner les énergies intermittentes; l'utilisation de la technologie de l'Internet pour faire évoluer le réseau électrique de chaque continent vers un système intelligent de distribution décentralisée de l'énergie fonctionnant comme Internet (lorsque des millions de bâtiments génèrent une petite quantité d'énergie au niveau local, sur site, le surplus peut être revendu au réseau et l'électricité partagée avec leurs voisins); La transformation de la flotte de transport en véhicules électriques rechargeables ou à piles à combustible, pouvant acheter ou vendre de l'électricité sur un réseau électrique intelligent, continental et interactif.» (1)
Benoît Georges en parle:
«L'argument massue de l'économiste américain Jeremy Rifkin tient en une date: 2028. C'est à cette date, dans neuf ans, que la «civilisation fossile» va selon lui s'effondrer. L'urgence est donc, pour l'auteur du New Deal vert de financer les nouvelles infrastructures énergétiques connectées qui, grâce aux nouvelles technologies, garantiront cette transition globale qui permettrait de produire 100% de l'électricité à partir de sources propres et renouvelables. Une urgence en forme d'enjeu existentiel Dans son dernier essai, le prospectiviste américain annonce la mort de la civilisation carbone... et érige l'Europe et la Chine en modèles pour éviter le chaos climatique. Au XXIe siècle, chaque Etat, chaque ville, chaque comté des Etats-Unis, ainsi que chaque localité dans le monde, peut espérer produire assez d'électricité pour être autosuffisant et résilient. Le soleil brille partout et le vent souffle partout.» «La notion de ‘'civilisation écologique'' est non seulement au coeur de la politique intérieure de la Chine, mais au coeur de la nouvelle Route de la soie. La Chine s'éloigne progressivement de la vision géopolitique qui déterminait les liens entre les nations à l'ère de la première révolution industrielle et de la deuxième révolution industrielle, aux XIXe et XXe siècles, pour adopter la vision de la biosphère propre au XXIe siècle, qui signale l'aube de l'Âge écologique.» Ce changement de perspective est presque une aubaine; si nous l'acceptons et si nous l'intériorisons, nous maîtriserons la disruption climatique en cours et nous survivrons, voire, qui sait, nous nous épanouirons au fil de nombreux siècles dans un monde qui sera sans doute à des années-lumière du nôtre. (2)
Le monde de l'énergie fossile est déjà derrière nous malgré ses soubresauts qui peuvent durer encore une génération. Nous sommes à une croisée des chemins. Partout dans le monde c'est le sauve-qui-peut pour échapper à l'ancien monde et prendre le train du futur, dont l'un des wagons est la révolution électrique, notamment dans le transport.
Le monde du futur sera profondément robotisé et fera appel plus que jamais à l'intelligence artificielle qui permettra d'optimiser une énergie qui sera partagée entre plusieurs demandes, l'Internet des objets. Plus largement, nous allons vers la quatrième révolution. Cette vision est partagée par plusieurs spécialistes et nous donnons dans ce qui suit la réflexion de Klaus Schawb, fondateur du Forum de Davos. Les possibilités offertes par des milliards de personnes connectées via les appareils mobiles, avec une puissance de traitement, une capacité de stockage et un accès à la connaissance sans précédent, sont illimitées. Et ces possibilités seront multipliées par les avancées technologiques émergentes dans plusieurs domaines tels que l'intelligence artificielle, la robotique, l'Internet des objets, les véhicules autonomes, l'impression 3D, la nanotechnologie, la biotechnologie, la science des matériaux, le stockage de l'énergie et l'informatique quantique. Déjà, l'intelligence artificielle nous entoure. Des voitures et drones autonomes aux assistants virtuels, en passant par les logiciels qui traduisent ou qui investissent. L'intelligence artificielle a considérablement progressé ces dernières années grâce à l'augmentation exponentielle de la puissance de calcul et à la disponibilité de vastes quantités de données, des logiciels utilisés pour découvrir de nouveaux médicaments aux algorithmes servant à prédire nos intérêts culturels.

Conclusion
La stratégie énergétique n'est pas uniquement l'affaire du ministère de tutelle ou d'un gouvernement de passage, elle devra être le résultat d'une «vision globale» dans laquelle chaque ministère devra jouer son rôle et assumer ses responsabilités. Il est important que le Conseil national de l'énergie soit réhabilité. C'est à lui de lancer les états généraux de l'énergie qui feront que le débat concernera tous les Algériens, la société civile, les spécialistes, les universitaires. Nous aurons à faire le constat de nos atouts de nos faiblesses pour pouvoir nous projeter dans l'avenir. Vouloir ne s'occuper que du fossile est de mon point de vue incomplet. L'Algérie devrait faire en sorte que l'énergie concernera aussi bien l'amont que l'aval. Nous ne devons plus vendre de l'énergie pour ne s'occuper uniquement que du social immédiat. Nous devons vendre de moins en moins de pétrole à 60 $ le baril, mais du pétrole raffiné à 140 £ le baril. Il faut pour cela réduire drastiquement la consommation de carburant par un prix réel - mise en place de la carte carburant- et parallèlement développer résolument le sirgaz, le GNC et se lancer dans la révolution de la locomotion électrique. C'est un challenge pour Naftal et Sonatrach car tous les grands groupes pétroliers se lancent de plus en plus dans le renouvelable. Pourquoi pas une politique cohérente du pays pour lier le pétrole au renouvelable et à la pétrochimie? Chaque calorie thermique devra pouvoir nous permettre de mettre en place un kWh renouvelable. Le pétrole devant de plus, être réservé aux usages nobles tels que la pétrochimie. Il est regrettable que les médias officiels n'aient pas cru bon de donner toute la sollicitude qu'il fallait aux efforts de ces élèves ingénieurs qui inventent le futur en misant pour un autre Hirak de la science qui, seul, pourra permettre à l'Algérie de vivre dans la dignité et d'avoir une visibilité dans le concert des nations.

https://maghrebemergent.info/lalgerie-reste-aveugle-aux-grands-enjeux-energetiques-du-siecle-chitour/
1;Jeremy Rifkin, la troisième révolution industrielle ed. les liens qui libèrent) [...]
2. Benoît Georges https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/le-green-new-deal-selon-rifkin-1141207 18 oct. 2019
Vidéo de l'interview à Maghreb émergent https://youtu.be/FfGUHiwF5so

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