Maintenant, on truque
La désinformation et le truquage sont des recettes aussi vieilles que les médias eux-mêmes. Les techniques de communication, y compris les plus archaïques, comme les signaux de fumée, ou les pigeons voyageurs, ont utilisé à dessein de fausses informations pour tromper l´ennemi.
Ainsi, en Irak, plus d´une année après la terrible guerre qui a entraîné la chute du régime de Saddam Hussein, sur fond de manip psychologique et de batailles médiatiques, on voit resurgir les mêmes procédés avec cette soudaine flambée de violence opposant l´armée de la coalition aux milices chiites de Moqtada Sadr, ou au réseau local d´Al Qaîda dirigé par le Jordanien Zerqaoui.
Deux faits sont à relever dans ce cadre. Le premier a trait à la fermeture, pour un mois, du bureau de la chaîne El Djazira à Bagdad par le gouvernement intérimaire.
«Nous avons demandé à un comité indépendant de regarder El Djazira pendant les dernières semaines ... pour voir de quel type de violence ils se font les avocats, incitant à la haine et aux tensions raciales.» , a annoncé le ministre de l´Intérieur Falah El Nakib, ajoutant que cette décision est destinée à protéger le peuple irakien. Il y a quelques mois, le gouvernement algérien avait pris une décision de fermeture similaire à l´égard de la même chaîne qatarie. Pour justifier une telle mesure, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia se posait un autre type de questions: pourquoi, demandait-il, sur un ton faussement angélique, El Djazira ne donne-t-elle jamais la parole aux opposants qataris ou saoudiens?
Mais c´est vrai qu´il y a longtemps que l´Algérie est considérée comme un laboratoire et ses citoyens comme des cobayes.
Pour sa part, l´organisations non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé, dans une lettre aux autorités irakiennes, cette mesure, la considérant comme une atteinte grave à la liberté de presse, «d´autant plus que ce n´est pas la première fois que cette chaîne est empêchée par le gouvernement d´exercer son activité. Nous exprimons notre vive inquiétude concernant les cas de censure récurrents observés en Irak».
Le deuxième fait est encore plus troublant: un Américain de 22 ans a reconnu samedi avoir monté un canular en diffusant une vidéo montrant la décapitation d´un otage américain de la main même du chef présumé du réseau Al Qaîda en Irak, Abou Moussa Zerqaoui. La vidéo, apparue sur un site Internet, a été reprise et relayée par les grandes chaînes à la messe de 20h et diffusée en boucle par les chaînes d´information continue. Elle a donc, en un laps de temps très court, fait le tour de la terre. «Cela fait partie d´un coup de publicité, a déclaré le jeune homme. Je voulais montrer combien il est facile de truquer ce genre de vidéo.» Un peu de faux sang peut faire l´affaire. Ce petit génie internaute va démontrer au monde entier à quel point les grandes chaînes de télé sont peu regardantes sur la véracité de l´information diffusée, l´essentiel pour elles étant de ne pas faire un ratage et de réaliser de l´audience. Quant au petit émirat du Qatar, il prouve une fois de plus qu´il peut jouer sur les deux tableaux: accueillir sur son sol les forces alliées qui vont envahir l´Irak, mais aussi posséder une chaîne d´info en continu qui va sérieusement concurrencer CNN et les autres network américains. C´est le petit Poucet qui donne des leçons aux méchants loups et aux grands ogres.
La bataille des mots et celle des images empruntent tous les jours des chemins inimaginables.