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Les 12 travaux de Abdelmadjid Tebboune

1er septembre 1960: M. Simon Malley, 420 East 56th New York 22, NY.

Cher M. Malley: Merci pour votre lettre. Je tiens à vous assurer que ma position globale sur la question algérienne n'a pas changé et j'estime qu'il s'agit, à juste titre, d'un sujet de préoccupation internationale, en particulier lorsque les négociations ne se déroulent pas de bonne foi. J'ai le sentiment que le général De Gaulle désire au fond poursuivre une politique plus libérale en Algérie que ses prédécesseurs, mais je ne pense pas qu'il suffise de dire que cela devient donc un problème exclusivement français.
Permettez-moi de dire que j'ai envoyé le gouverneur Harriman en Afrique occidentale et centrale pour une mission d'enquête et qu'il ne s'intéresse pas directement au problème algérien. Bien que l'Algérie ait évidemment des implications dans toute l'Afrique, je peux vous assurer que le gouverneur Harriman procède de manière responsable et intelligente dans l'évaluation des conditions et dans ses discussions avec les dirigeants africains. Avec tous mes voeux, je le suis. Cordialement, John F. Kennedy.
Venise, septembre 1997: Minuit sur le Lido, cette langue de terre sur laquelle se tient depuis 1938 la Mostra du cinéma est encore animée. C'est la fin des dernières séances.
En passant par une ruelle, en retrait de l'avenue principale qui mène à l'embarcadère, le regard est attiré par un jeune homme allongé de tout son long contre la porte vitrée d'une agence de voyage. Notre présence, à proximité, l'interrompt brusquement dans sa consultation du cours de la Bourse, apparemment... «Cousin, je suis juste entrain de vérifier le cours du rand sud-africain sur ce tableau des devises...» Notre sourire entendu a failli le vexer, si la réponse n'avait pas été sur le même ton, entre «cousins»...
- Ah Algérien, mon frère, touriste? Je peux te donner un coup de main cousin, n'hésite pas!»
Mon interlocuteur de minuit m'avoua qu'il est «harrag» depuis deux ans et qu'il fait le tour de l'Italie, à la recherche d'un endroit où se stabiliser.
- Écoute, si tu veux me rendre service, trouve-moi un drapeau algérien, je te l'achète, ton prix sera le mien!
- Oh cousin, le mal du pays, à ce point?
Ma réponse n'avait pas eu le temps de sortir qu'il était déjà debout, ses bras autour de mon cou, des sanglots étouffés faisant vibrer son corps...
- J'ai fui le pays, mais tous les soirs je pleure comme une madame en apprenant les massacres que les terroristes commettent...
- Je ne suis pas une femme, pourtant tu as réussi à me faire pleurer avec toi.
- Bon, cousin, explique-moi l'histoire de ce drapeau!
- Voilà, j'ai appris ce matin que la Mostra du cinéma n'avait pas trouvé de drapeau algérien à mettre aux côtés de ceux des pays participants cette année. Or, nous avons en compétition un film nouveau, La Montagne de Baya d'Azzedine Meddour.
- Bon, cousin, si j'en trouve un, on se reverra ici demain soir, à la même heure... Je cours prendre le dernier vaporetto pour la gare de Venise. Ciao!
Le lendemain, il était au rendez-vous, avec le drapeau délicatement emballé.
Et le pari a été tenu, et avec panache, grâce à un jeune qui avait quitté son pays mais pas sa terre. Et qui, bien entendu, a refusé la moindre lire italienne, en cours avant l'an 2000...
À la projection du film de Meddour, je racontais cette histoire à Gillo Pontecorvo qui, avec un tendre sourire, me souffla: «Tu vois, c'est là où se situe la nuance entre un nationaliste et un... patriote...» Je venais de croiser un patriote sur les bords de l'Adriatique!
Mais quel rapport donc entre la lettre du candidat John Kennedy à Simon Malley (alias Salim Malek durant la Guerre de libération nationale) et le geste de ce jeune Annabi de Venise? C'est «simple», ils renseignent, tous les deux, quant à l'idée que l'on a de l'Algérie, que l'on soit politicien étranger, de la stature de Kennedy ou jeune chômeur en déshérence.
C'est tout cela qui est remonté à la surface, durant cette nuit blanche qui aura suivi la publication du communiqué signé par les directions de campagne des trois candidats à l'élection présidentielle du 7 septembre...
Et c'est là que les réminiscences antiques sont convoquées pour essayer de synthétiser la situation dans laquelle on s'était retrouvé dans la nuit du dimanche à lundi: Les Douze Travaux d'Hercule...
Abdelmadjid Tebboune n'aura pas eu le temps de souffler un jour que le voilà obligé de monter au filet pour défendre une idée de l'Algérie que l'on croyait débarrassée des scories de la longue gouvernance autocrate précédente pour rappeler que la citoyenneté est un droit qui doit être respecté car c'est à elle que l'on signifiera aussi ses devoirs. Mais ce malencontreux coup de canif (ne tirons pas sur une ambulance), qui résulte d'un comportement difficile à cerner, à vrai dire, aurait pu laisser des cicatrices plus profondes si les candidats, avec beaucoup de mesure mais sans aucune complaisance, n'avaient signifié clairement leur refus de valider des résultats qui n'obéissaient ni à la logique arithmétique, encore moins à la loi électorale. Il ne s'agit pas de suggérer, ici, un laisser-aller dans la gestion de cette opération, la présomption d'innocence existe, mais cela n'empêche pas de constater que les incohérences relevées par l'opinion publique le dimanche soir et, surtout, par les trois candidats à la magistrature suprême sont bel et bien avérées.
Un gage de bonne foi est à inscrire, toutefois, à l'endroit d'Abdelmadjid Tebboune, qui aurait pu n'entendre que les concerts de liesse et les voeux des pairs de tradition en pareille circonstance...
«Philosophiquement, l'auteur du dommage s'efface au profit de la victime du dommage (ici le citoyen). Le comportement fautif laisse la place à la solidarité.» Et la solidarité, elle est dans la teneur de ce communiqué, où les trois candidats, en faisant part de leurs réserves, apportent d'une certaine façon leur solidarité à ces millions de citoyens qui pouvaient s'être senti abandonnés à leur amertume. Amertume de constater que la fête a finalement été entachée par ces «imprécisions». Il est vrai qu'à l'ère du numérique (absent de la soirée électorale), cela aurait pu être aisément évité.
C'est dire combien devenait incontournable une rapide réponse de l'Exécutif afin que la confiance ne soit ébréchée par cette «péripétie».
Reste qu'à quelque chose malheur est bon, en se joignant sa voix à celle des deux autres candidats, Abdelmadjid Tebboune aura envoyé, et en un temps éclair, un limpide message: le second mandat sera aussi celui du changement à tous les étages. Et il ne s'agira pas là de révolution de... palais, nous sommes en République et c'est donc au peuple auprès de qui on a sollicité la confiance que l'on se sent comptable.
Les douze travaux du président Abdelmadjid Tebboune peuvent donc augurer d'un véritable changement et de fait d'un décollage certain vers de nouvelles contrées, loin de ce «déjà vu», démobilisateur. Bon vent donc à cette Algérie qui a amorcé son retour, il y a un quinquennat. Il s'agit maintenant de concrétiser l'essai, et c'est l'affaire de tout un peuple. Yes he can!

De Quoi j'me Mêle

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