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Un Algérien nommé Ferhat Abbas

Pour l'auteur de La Révolution confisquée, la politique est avant tout affaire d'honneur. Il faut savoir tenir ses engagements, faire face à ses promesses, faire taire ses exigences et ses égoïsmes. C'est ainsi, estime-t-il, qu'on se hausse au rang de serviteur du peuple.

(1re partie)
La commémoration du trentième anniversaire de la mort de Ferhat Abbas, il est décédé le 24 décembre 1985, revêt cette année un intérêt particulier. A croire qu'Ait Ahmed et lui-même s'étaient donné le mot, comme ce fut le cas à la veille du coup d'Etat du 19 juin 1965, en démissionnant avec fracas de l'Assemblée nationale constituante, quelque peu courroucés, pour ne pas dire révoltés, par le dirigisme bonapartiste naissant et la rupture avec l'idéal démocratique tel que façonné par le congrès de la Soummam. L'ancien président du GPRA partageait avec Hocine Ait Ahmed un intérêt insondable pour les masses déshéritées qu'il souhaitait émanciper de la misère et de l'ignorance. Réduite au silence plus que toute autre catégorie sociale, la paysannerie algérienne paraissait engourdie dans le fatalisme. Au cours des dix dernières années, lit-on dans La Guerre d'Algérie, un intéressant ouvrage édité par Temps Actuels sous la direction d'Henri Alleg, les feux de l'espoir nés à la fin de la Seconde Guerre mondiale se sont l'un après l'autre éteints: «Dans les mechtas et dans les douars, les aïeules bercent les enfants des chants de gloire passée, murmurent les vertus des héros de toutes les révoltes. Les aînés, las des jeux politiques où ils ont subi la loi des tricheurs, attendent le moment du réveil.» Sans doute, souligne Charles-Robert Ageron, Ferhat Abbas a-t-il peur également de ces violences paysannes si faciles à déclencher ou si promptes à s'enflammer. Mais ces jacqueries de «paysans affamés et désarmés» estime l'historien français, il les juge aberrantes face à l'ordre colonial «défendu par les armes», «une insulte au simple bon sens», car elles sont vaines. Pour faire rentrer l'Algérie dans le cycle des temps modernes, soutient l'auteur de Mon Testament politique, il serait absurde d'entretenir chez nos populations des sentiments du passé; il serait absurde de laisser cultiver et prospérer chez soi ce que l'on condamne chez le voisin: «Je ne parlerai pas devant le fellah du racisme. Peut-être ne comprendrait-il pas. En lui demandant simplement de regarder autour de lui pour voir s'il n'y a pas des Français et des Juifs qui sont meilleurs que des Musulmans, cela suffira.» Cette attitude empreinte d'humanisme lui fera énormément de tort. Surtout que ses pourfendeurs emprunteront de sinueux raccourcis sans tenir compte du contexte à l'honneur. Une récente montée au créneau d'Ahmed Benbitour a entraîné une verte et vigoureuse mise au point du neveu de l'ancien président du GPRA qui reproche à l'ancien Premier ministre d'avoir fait l'impasse sur le contexte particulier des années trente du siècle passé. Des années caractérisées, on s'en doute, «par la consolidation brutale ou pernicieuse du système colonial et l'exacerbation de ses méfaits, par la liquidation, pour longtemps, de la résistance nationale armée et, enfin, par le développement du processus de maturation des idées politiques au sein d'une élite musulmane encore embryonnaire.» Cette sortie médiatique n'est pas sans rappeler ce pathétique plaidoyer intitulé Ni haine de race, ni haine de religion, où Ferhat Abbas regrette, justement, que certains milieux lui reprochent d'entretenir des relations particulières avec les Français car, à ses yeux, la lutte menée est dirigée contre les mauvaises lois et non contre les personnes: «Tous les peuples sont en train de lutter contre les mauvaises lois de leur pays. Y a-t-il à l'heure actuelle un seul peuple qui soit satisfait de son sort. L'Europe ne vient-elle pas de souffrir, en quatre ans, plus que nous en 50 ans? Et le monde attend, et les colonies attendent, et nos voisins, le Maroc et la Tunisie, attendent. Seuls nos 'tueurs'' veulent faire enfanter l'Algérie avant terme, en spéculant sur l'ignorance des nôtres. Au moment où Les Amis du Manifeste ouvraient leur porte aux Français et aux Israélites, un geste symbolique de la formation de l'unique et grande famille algérienne de demain, voilà que la violence entre en lice contre ces mêmes Français. Quel rôle ceux qui avaient accepté de faire un bout de chemin avec nous voulaient-ils nous faire jouer?» Pour l'auteur de La Révolution confisquée, la politique est avant tout affaire d'honneur. Il faut savoir tenir ses engagements, faire face à ses promesses, faire taire ses exigences et ses égoïsmes. C'est ainsi, estime-t-il, qu'on se hausse au rang de serviteur du peuple. Ce n'est pas par la duplicité, l'hypocrisie et la mauvaise foi qu'on éduque un peuple et qu'on prépare son avenir: «J'avoue ne rien comprendre. Un homme comme le Dr Calbois qui a mené une lutte à Constantine contre la tuberculose en milieu musulman, n'est-il pas plus utile à notre pays que tel boulanger musulman qui vend à nos malheureux compatriotes 40 F le kg de pain? Un colon comme Gaston Lieu qui ferme les yeux sur les vols de blé, sachant que les voleurs sont des affamés, ne vaut-il pas mieux qu'un Messaoud Nacer qui laisse ses khammès et même ses neveux mourir de faim, alors que son blé est en train de pourrir? Un homme comme mon admirable et regretté ami Deluca, qui avait abandonné toutes les affaires morales à mes amis Mostéfaï et Attar Aïssa, qui avait ouvert toutes grandes les portes de la mairie aux Musulmans, ne valait-il pas mieux que mon propre père, à l'époque où celui-ci, pour 2 F d'impôts impayés et à seule fin de conserver son burnous rouge, punissait rigoureusement l'indigent?»

De Quoi j'me Mêle

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